Dans une mer de sang

Voguant sagement dans le port, le Prime attendait son capitaine. Ce grand navire n'était plus que l'ombre de lui même, et pourtant, il avait pris une importance considérable durant la tempête. Mais sur son pont, on ne trouvait que corps démembrés, caisse éventrées, et ça et là, quelques blessés agonisants. Les trois mats se dressaient toujours, plus fièrement que jamais, au dessus de ce carnage, comme trois survivants refusant de laisser percevoir ce que leur avait couté cette guerre. Ces hommes qui se trainaient dans les entrailles calcinées étaient bien loin en dessous, et si insignifiants... Pourtant, le désespoir était palpable sur les planches détrempées. La pluie fine ne parvenait en rien à chasser l'odeur entêtante de peur et de haine qui imprégnait ce pont. Si le souffle gris vibrait d'un sentiment de victoire, le Tempête Prime avait perdu la quasi intégralité de son équipage, lui, et son capitaine s'en était allé à terre parler d'un avenir apparemment bien lointain.

Une jeune fille aux cheveux noirs imbibés de sang s'affairait à nouer un lambeau de tissus hirsute autour du bras d'un jeune mousse. Ses yeux violets étaient remplit de colère et elle ne desserrait pas la mâchoire. Elle avait bien peu de chance de le sauver, mais se refuser à abandonner... Ce gamin, il s'était toujours montré bon envers elle alors même si elle ne l'estimait pas au plus haut point, elle n'allait pas le laisser clamser. Il avait été le premier à lui sourire quand elle était montée à bord du Prime, le petit cuistot, et il était bien plus son compagnon de bord que les gros matelot qui s'était taillé une place ici sans même y avoir été invités. Eux, ils pouvaient bien y rester, mais pas ses compagnons du Prime surtout, pas le môme qu'elle tentait de soigner. Ce serait un trop gros gâchis, il avait de quoi faire un bon marin et même un bon pirate, pour peu qu'on lui laisse le temps d'en acquérir l'expérience.

Embrun se laissa tomber contre le bastingage, épuisée. Elle se redressa bien vite avec un grognement de douleur et tâta l'arrière de son crâne. Elle n'avait pas besoin d'avoir de grande connaissance en médecine pour comprendre que ce n'était pas bon signe que sa main soit dégoulinante de sang après ce simple geste. Sans doute quand elle était grimpée au mat... Elle se rappelait avoir ressentit une violente douleur à la jambe, puis plus rien. Sans doute était elle tombée. Ce ne serait pas étonnant vu le déchainement des vents en plus de sa blessure. La jeune pirate pu valider sa théorie en s'intéressant un minimum à sa jambe; une pointe de carreau était plantée dans le muscle, la hampe ayant cassée au cours de sa chute. Après une timide tentative pour s'en débarrasser, elle abandonna, trop sonnée pour insister.

La jeune matelot ne se souvenait pas très bien de ce qui était arrivé depuis son réveil. Elle avait agit de façon plutôt mécanique et sans vraiment prendre en compte son environnement. La tête lui tournait encore, mais l'état du jeune mousse restait bien plus inquiétant que le sien et elle se pencha à nouveau vers lui. Il allait avoir besoin de point de suture, et pas qu'un peu... Mais pour trouver de quoi coudre dans un tel désastre... Embrun releva la tête et chercha un vivant des yeux.

- Zaukon ? Le p'tit est blessé... Lança t-elle d'une voix qui avait perdue une bonne partie de sa fougue.

Pourtant, elle était bien loin d'abandonner. Avec le travail qu'il y avait ici, elle aurait de quoi s'occuper pendant plusieurs jours. Elle pourrait ainsi oublier la douleur, même si elle aurait aussi besoin de soins. Elle ne comptait bien sûr sur personne pour les lui administrer, vu l'état des autres. Elle était en très bonne santé par rapport aux mourants qui trainaient sur le pont.

Le Tempête Prime n’est plus ce qu’il était effectivement. C’est un véritable cimetière à présent même si la tempête à envoyé une grande partie des cadavres dans le fond du port, le pont reste tapissé de corps mutilés par les combats. Ces derniers avaient été terribles au milieu de se déchaînement de magie originelle. C’était une chance pour les pirates que les changeants n’aient pas eût l’occasion de leurs faire goûter au plein potentiel de leur magie, au moins la tempête, bien que plus puissante que toutes celles qu’ils avaient connues, c’était quelque chose qu’ils connaissaient et auquel ils pouvaient faire face. Le Tempête Prime peut-être mieux que les autres. Sur son pont, Embrun cherche Zaukon.

Un grand homme se trouve non loin. Il ressemble beaucoup à Zaukon. Comme lui, il à un regard dur et un crâne rasé. Mais les grandes coutures qui le recouvraient habituellement avaient disparût. Si des cicatrices demeuraient, elles étaient récentes. Estafilades pour l’essentiel mais rien des impressionnantes marques de combat. Seulement comment douter que c’est bien Zaukon alors qu’il porte déjà un John John inconscient sur son dos et ne bronche même pas tandis que d’une main il ramasse Embrun et de l’autre le cuistot. Il aurait pût faire de même avec de simple brindille que cela n’aurait pas eût l’air plus difficile. L’instant d’après, ils étaient dans le cœur du Prime. Embrun était-elle tombée inconsciente ? C’était le plus probable. En tout les cas Zaukon l’allongeait déjà sur une paillasse à la propreté approximative mais qui serait bien plus confortable que le bastingage ou les cadavres du pont. John John était allongé un peu plus loin et le large marin s’affairait déjà sur au-dessus du cuistot. Un regard sur les environs informerait Embrun qu’ils étaient proches de la cuisine, la chaleur d’un feu et le bruit de l’eau qui bout aidant un peu. Bientôt, elle pourrait voir Zaukon qui lui faisait dos, prendre à l’aide d’une pince dans l’eau brulante, une large aiguille et un fil noir. Faisant fit de la chaleur des deux objets, il commença son travail sur le cuistot.

La fatigue emporterait la jeune pirate durant l’opération. Ce serait une légère douleur qui la réveillerait alors qu’une large main passait un bandage autour de sa tête. Il était maintenant juste à côté d’elle, c’était bien Zaukon et toutes cicatrices qu’elle avait pût remarquer auparavant comme les coutures sur son torse, une grande brûlure dans son dos ou même la plaie profonde sur son pectoral droit, faites durant l’attaque du Konjiki Ryuu avaient disparût. Lorsqu’il vit qu’elle était réveillée, le marin grogna, terminant un nœud qui resserra le bandage autour de sa tête.

- Reste couché gamine, ou j’devrais t’assommer et ta tête à pas besoin de ça. T’as d’la chance d’être aussi coriace que du cuir tanné, même cette tempête à pas réussi à t’bouffer et ya plus d’un marin expérimenté qui se retrouvé par-d’ssus bord avec toutes ces conneries.

Oui c’était beaucoup de parole pour seulement Zaukon. Mais il fallait le dire, Embrun avait eût de la chance. Combien d’adolescents avaient vécus la bataille maritime de la décennie et s’en étaient sortit avec leurs deux bras et jambes ?

- Ton cuistot par contre j’sais pas si il va tenir. S’il à pas de fièvre cette nuit, ça devrait aller. Si il en à, il à intérêt à s’accrocher à la vie avec toutes ces tripes.

- J'peux marcher...

Non, elle ne pouvait pas. Le jeune fille pouvait bien vouloir travailler, son organisme n'était pas de cet avis. Quand Zaukon la souleva elle ne pu que s'empêcher de crier avant des points noirs ne se mettent à danser devant ses yeux. Le grand marin n'avait pas une main douce guérisseuse, loin s'en faut. Elle aurait voulu se rebiffer contre ce traitement, lancer une bonne réflexion bien sentit pour qu'il la repose au sol, mais n'en eu pas la force. Quand elle ouvrit les yeux, couchée sur le sol froid, elle du bien s'avouer qu'il y avait une certaine discontinuité dans ses souvenirs des derniers heures...

Le géant s'occupait du petit mousse qui ne s'était toujours pas réveillé. Peut être n'ouvrirait-il plus jamais les yeux d'ailleurs, mais il respirait encore alors peut être avait il encore une chance si il tenait vraiment à la vie. Embrun ne s'en souciait pas vraiment, elle lui était venu en aide parce qu'elle le considérait comme membre de l'équipage, tout comme elle aurait tenter de soigner John John si elle l'avait vu plus tôt. Vu que le Prime était un véritable cimetière flottant, il fallait bien secourir le peu de membres d'équipage restants... Zaukon semblait d'ailleurs du même avis. Elle aurait bien donné un coup de main, mais les points noirs qui lui obscurcissaient le regard refusaient de disparaitre malgré ses battements de cils agacés. Elle avait belle allure, forcée à compter sur la bonté de son seul compagnon de bord intact.

Les vague, presque calmées, la sortir de sa torpeur. Elle n'avait pas vraiment perdu conscience cette fois ci, ou pas tout à fait. Il lui semblait se souvenir vaguement des soins que lui avait administré Zaukon, ou peut être en avait elle imaginé quelques étapes après tout. Elle connaissait la procédure... Enfin, sa vue commença à s'éclaircir et elle pu même tourner la tête vers son soigneur. Celui ci l'accueillit avec sa jovialité coutumière qu'elle aimait tant...

- J'vais pas si mal j'pense, juste un mauvais coup au crâne, nan ?

Et le carreau dans la jambe, et bien d'autres contusions plus mineurs... La pirate eut quand même le bon sens de ne pas se lever, craignant d'avantage la réaction de son corps que la menace de Zaukon. Si elle cherchait à cabrioler, il n'aurait pas besoin de l'assommer, sans doute. Et puis se faire traiter de "coriace" par ce géant était plutôt valorisant. Roulant légèrement sur le coté pour soulager une omoplate douloureuse, elle en profita pour jeter un coup d'œil à ses deux compagnons blessés.

- C'pas MON cuistot, c'est c'lui du Prime... Si il a pas assez envie d'vivre, qu'il clamse, j'm'en fiche. Et John John, il va t'nir ? C't'un bon marin... C'tu veux j'peux m'occuper des blessés vu qu'peux pas bouger... J'suis pas assez proche d'creuver pour même pas êt' capable de les arroser d'temps en temps...

Frustrée, elle chercha tout de même un morceau de tissus et de l'eau. Elle, reconvertit en garde malade ? Ce serait un comble. Mais elle ne pouvait pas faire grand chose d'autre, immobilisée dans la cave.

Zaukon posa son index sur le front de la petite et renvoya sa tête contre l’oreiller sans douceur. Après tout, elle cherchait à maltraiter son corps, il pouvait l’en empêcher en lui faisant sentir que ça n’aurait aucun intérêt. Retour à la paille donc pour la tête d’Embrun, ceinturée d’un bandage qui ne tardera pas à se tâcher à nouveau de sang si elle continue ainsi. Certains hommes encaissaient de terribles blessures et survivaient malgré qu’il ne reste pas au lit. Et cette gamine, même si elle était coriace, n’était qu’une gamine. Même si elle n’avait pas été blessée, elle aurait eût besoin de dormir. Mais elle ne le pourrait pas maintenant de toute manière.

- Cherche pas à soigner les autres. J’me suis occupé des deux là mais j’ai pas retrouvé Bill Biblot. Il est probablement passé par-dessus bord et tant qu’ils ont pas de fièvre, leurs éclabousser la gueule va juste les empêcher de dormir. Mais si toi tu tiens vraiment à rester éveiller, y à Longues-oreilles qui veut te voir.

A l’instant précis où Zaukon terminait sa phrase, plusieurs coups furent frappés sur la porte de bois juste avant que n’entre le curieux capitaine elfe que Embrun avait pût avoir aperçut au début et à divers moments de la bataille. Il portait toujours des vêtements, principalement noir et blanc, incluant son chapeau et sa plume à panache. Sur son épaule retombait une queue de cheval de la couleur du feu trempée par la pluie et sa ceinture était un long foulard dont une partie pendant le long de sa jambe, de la même couleur que sa chevelure. Il afficha un large sourire en voyant Zaukon.

- Ravi de voir que votre ami là-haut ne vous à donc pas oublier !

- Ne parle pas de ce que tu ne comprends pas Grandes-Oreilles. Répondit sèchement Zaukon avant d’aller s’affairer près de la marmite d’eau bouillante.

Pendant ce temps, l’elfe s’approcha d’Embrun et posa une main fraîche et pâle sur son front pendant une seconde, il ferma les yeux une nouvelle seconde puis retira sa main et fit un mince sourire à la jeune sabredor.

C’est bien ce que je pensais. C’est tempête originelle nous à tous un peu affaiblit magiquement. Ton état de fatigue générale ne doit pas te permettre de t’en rendre compte mais si ton don existe toujours après cette tempête, alors on doit pouvoir faire quelque chose de toi

Techniquement parlant, Embrun n’eût même pas le temps de penser avant que l’elfe ne poursuive. Car ces paroles furent prononcées sans que l’elfe ne fasse même semblant de remuer ses lèvres et elles avaient un curieux écho dans l’esprit de la jeune pirate.

As-tu déjà entendu parler du Thul Galvondir ? Mais tu peux me parler à haute voix si tu es plus à l’aise avec la parole mais sinon il te suffit de penser un peu plus fort qu’à l’accoutumée et je devrais t’entendre.

Rien à faire pour les blessés... Ce n'était pas plus mal, mais la jeune pirate n'avait pas une nature à rester inactive. Enfin, soigner les autres ne faisaient pas partie de ses passes temps favoris. Elle aurait plutôt aimée sortir à l'air libre nettoyer le pont, recoudre les voiles, réparer le navire ou tout activités en rapport avec la vie maritime. Mais Zaukon avait raison, elle ne réussirait qu'à mettre encore plus de sang partout. Elle poussa un soupire, restant immobile à contrecœur, après un regard courroucé au seul marin encore sur pied. Et pourquoi un elfe voulait il la voir ? Elle n'était en rien liée avec ce peuple. Ou par un lointain ancêtre selon les histoire familiale, mais ce peuple n'avait aucune raison de s'intéresser à elle... Elle ne s'était pas franchement illustrée à la bataille. Bien qu'un peut curieuse de l'intérêt de ce capitaine, la jeune fille n'était vraiment pas d'humeur à bavarder. Les chaos du navire étaient plus agréable que jamais, l'invitant à dormir. Peut être y aurait elle cédé sans même causer d'histoire si Zaukon l'avait laissée seule.

- J'ai envie d'voir personne... Marmonna t-elle avant que la porte ne s'ouvre.

Un elfe, en effet, dans toute sa splendeur. Embrun le toisa d'un air farouche alors qu'il saluait le géant de façon bien peu protocolaire. Enfin, il avait le droit, il était capitaine, mais la jeune matelot n'était pas à son aise, ainsi immobilisée et à la merci du premier venu. Maintenant qu'il était devant ses yeux, elle se souvenait l'avoir vu affronté la tempête en souriant et lever les mains vers le ciel. Les griffons... La sorcellerie... Maintenant elle comprenait l'intérêt de cet homme. Ce n'était pour elle qu'il était là, mais pour ses pouvoirs. Sa répulsion pour la magie n'était pas nouvelle et elle se tendit bien plus qu'elle ne l'aurait du quand il posa une main sur son front. Mais quand la voix retentit dans sa tête, La jeune fille sursauta et saisit brutalement la main de l'elfe pour l'éloigner d'elle. Ce n'était pas sa première expérience de télépathie, sauf que la dernière fois, elle était au cœur de la bataille...

- T'as pas l'droit d'regarder dans ma tête !

Un violent étourdissement la força à se recoucher. Elle s'était levée beaucoup trop vite alors qu'elle était presque calme et son organisme commençait à vraiment avoir du mal à suivre. Honteuse, elle détourna les yeux, puis chercha Zaukon du regard. Il ne lui serait d'aucune aide cette fois, évidemment, et elle préfèrerait mourir plutôt que de lui demander un coup de main pour se débarrasser de ce sorcier. Déjà qu'il lui avait sauvé la vie... Reprenant doucement du poils de la bête bien que toujours incapable de se relever, Embrun fusilla le capitaine du regard.

- J'sais pas d'quoi tu parles et la tempête, c'était une tempête c'tout. P't'être qu'elle était magique ou due à Origine, mais ça change rien. C'est l'maître des éléments alors normal... Et j'le connais pas ton ami alors ça sert à rien d'chercher dans ma tête.

Il y a quelques temps, elle aurait cherché à s'éloigner de cet homme par tout les moyens, mais son apprentissage de la magie auprès de Rallen l'avait un peu modérée sur ce point. Elle n'était pas très ouverte pour autant, et vu son état général, en ce moment elle ne l'était même pas du tout. De plus, la magie Originelle, elle n'avait vraiment rien contre... Un pouvoir permettant de faire corps avec la tempête, quoi de plus beau ? Et ce capitaine avait beau être digne d'admiration, il avait tout de même essayé de fouiller sa mémoire... Du moins était-ce ce qu'elle en avait déduit avec le peu d'informations, transformées par les peurs des marins, qu'elle possédait sur la magie.

- T'veux quoi ? Y a rien à faire pour moi, j'irai bientôt aussi bien qu'avant.

L'elfe afficha d'abords un air légèrement surpris face à la réaction de la jeune fille, puis un mince sourire. Il tourna d'abords son regard vers Zaukon puis retourna sur Embrun, ses grands yeux avaient d'abords parût bleus, mais alors qu'ils parlaient, l'iris semblaient doucement passer au turquoise. Était-ce un effet de lumière ? Ou la jeune pirate délirait-elle à cause d'une fièvre qui pouvait elle aussi la toucher ?

Je ne cherchais pas à rentrer dans ta tête, au contraire. C'est complexe à expliqué lorsque l'on à pas reçu de véritable éducation magique, mais j'ai plutôt invité ton don à rentrer dans mon esprit afin de savoir si il était bien présent et dans quel état il était après cette tempête qui ma moi-même éprouvé. Vois-tu, j'ai ressentis ta magie, c'est la forme la plus sauvage de la magie arcanique, issue des elfes du même nom, et si j'avais essayé d'entrer dans ton esprit, elle m'aurait attaqué instinctivement pour te protéger.

L'elfe releva sa main droite, blanche et fine, la remuant doucement comme pour guider un orchestre invisible. Au rythme de cette musique, une curieuse scène se dessinait dans sa main gauche, laissée paume vers le plafond à hauteur des yeux de la jeune pirate. Cette scène, c'était un elfe à la chevelure rousse qui parcourait une plage. Il était habillé de manière simple, de blanc, de bleu et d'argent, couleurs du pays des elfes qu'avait déjà découvert la jeune fille. Seulement cette plage, bien que plongée dans la nuit, n'avait pas cette aura mystique et silencieuse de l'île des elfes de la lune. Ce n'était qu'une plage d'une ile exotique plongée dans une douce nuit d'été. L'elfe marchait sur la plage, ses pieds laissant des empreintes fines et peu profondes que la mer remplissait de sable derrière lui. Mais bientôt, il s'arrête de marcher alors que ses grands yeux verts s'écarquillent. Il reprend sa marche et s'approche d'une grande ombre, doucement, avec un respect visible sur les traits de son visage. Bientôt complètement plongée dans l'ombre, il fait face à une immense carcasse éventrée d'un navire qui fût surement somptueux mais qui n'avait rien de commun avec ce monde ni avec les elfes actuels, il était venu d'un autre âge.

Doucement, l'elfe qui se tenait devant Embrun et dans cette scène face à ce navire ancien, posa la main sur la coque, la caressant et retirant le sable dans son sillage tandis que la coque s'illuminait. Ses yeux se fermèrent alors tandis qu'un sourire serein redessinait le contour de ses lèvres et que le faible battement d'un cœur palpite contre la main de l'elfe. Pendant un instant la jeune pirate ressentirait aussi ce palpitement tandis qu'une vision naissait dans la vision. La vision d'un port somptueux s'accrochant à de solides rochers noirs que la neige et la glace couvrait. Un vaisseaux somptueux qui fendait l'eau et l'écume d'une mer aux eaux si froide que même les animaux marins portaient une épaisse fourrure. Ce vaisseau était d'une époque plus ancienne encore que le Royaume des Elfes mais c'était la main de leurs ancêtres qui l'avait bâtit et animé de vie. Le vaisseau s'en souvenait et partageait se souvenir avec le descendant de ses créateurs. Un savoir transmis à celle qui avait une infime part de sang elfique dans ses veines. Puis la mélodie se tait lentement et la vision disparaît peu à peu.

Son regard avait à nouveau changé car à présent, il était d'argent tandis que son œil droit devenait déjà un saphir.

Voici le Thul Galvondir. C'est la magie qui l'a battit. Une magie ancienne qui s'est dispersé dans le sang du peuple elfique, dont les elfes sauvages et une petite partie est venue naître et grandir en toi. La magie sauvage ne peut-être civilisée, mais son instinct peut-être affuté et ne plus être celui d'une bête effrayée. Je viens t'offrir une chance de le faire. Tu as peut-être raison en disant que je ne comprends ni la tempête ni l'Origine, mais ce qui pulse en toi aussi surement que ton cœur, je le connais, le comprends et peut t'en enseigner les bases si tu le veux bien.

Dans le fond de la pièce, Zaukon s'affairait avec une curieuse pâte verdâtre et fumante qu'il malaxait avant de l'appliquer sur des bandages encore humides et chaud d'avoir été bouillit.

Sans être pour autant rassurée, Embrun ne semblait plus aussi sûre de ce qu'elle avait cru percevoir. Vu les dégâts que ses pouvoirs causaient habituellement, elle s'en serait sans doute servit contre une intrusion sans même y penser, si s'en était bien une. Son regard violet se fit pensif un instant, bien qu'elle garde la mâchoire crispée et un air peu avenant... Les yeux de l'elfe changeaient ? Ils avaient la couleur de la mer et de lentes vagues venaient en modifier doucement la teinte. Elle avait déjà remarqué que les yeux des magiciens étaient spéciaux. Ou du moins était-ce le cas pour ceux qu'elle connaissait. Rallen avait des éclairs dans les yeux, et le prêtre d'Origine aussi avait un regard étrange. Était-ce une caractéristique des magiciens ? Alors elle s'était trompée sur Dilkayen dans ce cas... Peut être que ce n'était vrai que pour certaines personnes puisque ses yeux à elle étaient normaux, pour autant qu'elle en sache. À demi hypnotisée par le capitaine elfe, elle se retrouva totalement incapable de se défendre contre cette nouvelle intrusion.

Une plage déserte, comme quand elle s'était retrouvée seule, renvoyée de son navire. Mais ce n'était pas elle qui la parcourait. Comment pouvait elle se trouver là bas et sur le Prime en même temps ? Encore de la magie... Ce n'est qu'en cherchant un moyen de retourner chez elle que la jeune pirate s'aperçut que ce pouvoir tenait plus du rêve que de la réalité. Elle n'avait aucune présence physique dans ce monde... Était-ce vraiment l'elfe d'ailleurs ? Peut être la fièvre l'avait elle entrainée dans le sommeil. Peut être même qu'il n'y avait jamais eu d'elfe magicien sur le Prime... Quelque soit la vérité, elle voulait reprendre conscience mais le navire apparut devant ses yeux. À partir de cet instant, elle n'opposa plus la moindre résistance à la vision. Il lui fallait voir la suite, savoir qui était ce navire.

Elle percevait bien l'ancienneté du bâtiment, sa beauté... Et sa magie. Un pouvoir qui n'avait rien à voir avec le sien et qu'elle ne pouvait en aucun cas haïr. Le pouvoir d'un navire, sa volonté de reprendre la mer et ses secrets enfouit. Embrun tendit une main mal assurée vers la coque pour toucher les planches, mais elle ne perçut que l'air saturé d'humidité de la soute. Puis la vision changea à nouveau, mais cette fois, ce n'était pas le magicien mais bien le merveilleux navire qui l'entrainait dans ses souvenirs. Elle le vit dans toute sa splendeur, voguant dans un port étrange dont elle n'avait jamais entendu parler. Y avait il de la vie dans des lieux si froids ? Puis, le rêve disparut, la laissant faible et blessée au fond de la soute du Prime.

Pas de doute, les yeux de l'elfe étaient bien magiques et elle n'avait pas rêvé. Elle voulu se lever, comme pour rattraper la vision, mais abandonna bien vite comme la douleur la renvoyait brutalement à la réalité. Le Thul Galvondir... C'était donc son nom. Et selon le capitaine, les vieux contes de sa famille étaient vrais. Mais ce n'était qu'une broutille. La jeune fille se fichait bien de ses illustres ancêtres, d'autres plus récents avaient mené une heureuse vie de pirate et elle les admirait bien d'avantage. Par contre, ce bateau, elle ne pouvait pas l'oublier ni laisser passer sa chance. Combien de fois avait elle craint de devoir abandonner la navigation car sa magie n'avait pas sa place sur les eaux ? Encore très mal à l'aise avec les conversations par "vol de pensées", Embrun répondit à voix haute, tout en jetant des regards gênés vers Zaukon. Elle avait depuis longtemps appris à l'aimer, le Prime...

- J'sais pas... Rallen il m'a appris d'jà un peu, mais il est partit sur l'Souffle gris... J'peux pas laisser l'Prime dans c't'état, cap'taine...

Elle ne pouvait pas non plus aider à réparer les dégâts vu son état physique, mais de là à déserter en laissant un navire détruit avec un seul marin encore en état, il y avait un pas qu'elle ne pouvait pas franchir. Et Olaf ? Il n'était même pas là... Hors de question qu'elle parte ainsi, même pour un vénérable rafiot. Mais le "cap'taine" qui lui avait échappé en disait long sur ses désirs.

- J'en parl'rai au cap'taine Olaf... J'pourrais vous r'joindre quand l'Prime s'ra en état p't'être. Vous comptez prendre quelle marée ? ... J'pourrais r'venir quand j'risqu'rai plus d'faire mal au Prime...

Embrun avait beau s'adresser à l'elfe, ses regards étaient presque tous dirigés vers Zaukon. Elle cherchait son conseil même si ce dernier ne semblait pas franchement apprécier cet invité.

L’elfe sourit doucement et reposa une nouvelle fois sa main fraiche et pâle sur le front d’Embrun tandis qu’une douce musique naissait de nouveau, apportant un apaisement à la jeune pirate qui était semblable à celui d’un peu d’eau fraiche lorsque l’on est fiévreux ou une couette épaisse lorsque la nuit froide nous assaille. Zaukon l’avait dit coriace comme du cuir tanné, elle n’en apprécierait pas moins le confort.

- Une chose à la fois ma jeune amie. Le temps est notre allié et tu sera toujours libre de tes choix. Quant à Olaf, il reviendra avant notre départ, sois-en certaines.

Puis l’elfe aux cheveux de feu s’éloigna pour rejoindre Zaukon. Ce dernier leva son regard vers le magicien et tout deux se fixèrent une seconde après quoi, l’elfe retira son chapeau étonnamment sec malgré la pluie, et s’inclina en balayant rapidement le sol de la plume a panache qui ornait son couvre-chef avec un sourire ravi. Il sortit ensuite en refermant délicatement la porte, laissant derrière lui quelques notes de son étrange musique et de curieux reflet colorés sur la porte. Mais ces derniers étaient plus probablement des effets d’optiques. Le colosse termina d’appliquer un bandage odorant au cuistot avant de revenir près d’Embrun. Il lui souleva délicatement la tête de sa lourde main calleuse et tâta l’arrière du crâne. Légèrement douloureux mais pas plus qu’un petit bobo. Il émit un claquement de langue appréciateur avant de commencer à défaire le bandage, légèrement tâché de sang qu’il changea par un autre, couvert d’une pommade chaude et odorante.

- Tu d’vrais aller sur le Thul. Déclara Zaukon tout en baissant son regard sévère sur la petite pirate. L’Prime est un bon bateau mais ça sera jamais un bateau d’pirate et c’est ce que t’a dans le sang. Et puisque la foudre est partit, y à personne qui t’apprendra à t’servir d’ta tête dans le coin et mieux vaut que tu l’fasses avant de l’abîmer plus.

Ce n’était probablement pas ce qu’Embrun avait envie d’entendre, mais c’était aussi probablement vrai.

- J’vais retourner sur le pont. Fais pas de connerie pendant ce temps, j’le saurais.

Combien de temps Embrun ferma-t-elle les yeux ? Car il lui semblerait qu’elle les avait seulement clignés et Zaukon était déjà partit. Enfin quelle qu’en soit sa conclusion, il ne faudrait que quelques minutes pour que la porte ne soit de nouveau ouverte doucement, dans un léger grincement de bois.

- C’est elle.
- Tu crois ?
- Mais non.
- Mais si.
- Et pourquoi ?
- Mais tais-toi !
- braaaa

Chuchotèrent trois voix curieusement aigues. Dans l’entrebâillement de la porte, empilés les uns sur les autres, trois petits êtres aux grands yeux globuleux, observaient la jeune pirate. Celui du bas devait faire à peine moins d’un mètre. Son petit corps à la peau hâlée, vêtu d’un pantalon bleu et d’une chemise sans manche blanche, portait une large tête dans laquelle étaient incrustées deux orbes turquoises, situées de chaque côté d’un long et large nez. Une toute petite bouche formait une moue curieuse au milieu d’un visage imberbe mais rongé par des cheveux blancs mi-longs. Le deuxième semblait plus petit, mais de peu et il était perché sur la tête de son camarade. Il arborait des cheveux courts et bruns qui étaient étrangement parcourût de mèches vertes qui allaient à la perfection avec ses yeux d’un vert pâle mais très visible. Le reste de son être était très semblable à celui de son voisin du dessous sinon que la couleur de ses habits étaient inversées. Le troisième enfin, se tenait tout en haut de cette pyramide « humaine ». L’air un peu revêche, ses grands yeux d’un bleu de nuit manifestaient cependant une grande curiosité. Son crâne était rasé, comme pour laisser plus de place à l’étrange lézard qui siégeait sur sa tête. Son visage était aussi identique aux deux autres et ses habits cependant différaient tout à fait en terme de couleur puisqu’il ne portait qu’un pantalon bruns et son torse était traversé en diagonale par une écharpe de la même couleur que es yeux et attachée au-dessus de son épaule gauche.

Libre de ses choix... Oui, elle l'était dans une certaine mesure. Mais en partie seulement car elle n'était pas capitaine, uniquement soumise aux caprices de la mer. Elle n'était que matelot et devait donc obéir aux ordres des plus gradés. Malgré sa nature indisciplinée, jamais elle n'oserait s'opposer à un capitaine et comme elle devait deux arbalètes à Olaf, il pouvait très bien lui imposer de rester à bord. Elle doutait fort qu'il le fasse, mais non, elle n'était pas vraiment libre. Et était-ce la liberté de se retrouver poussée à changer de navire pour des pouvoirs qu'elle n'avait jamais voulu ? La jeune matelot soutint un instant le regard de l'elfe, puis détourna les yeux comme il partait. Elle l'appréciait plutôt bien qu'il soit très différent des pirates qu'elle avait connu jusque là... Et comme tous les magiciens, à part elle même, il avait des pouvoirs de guérison. Ce détail lui renvoya une fois de plus son amertume. Le sort lui avait donné la pire des magies, la seule qui ne soit que destruction.

- J'parl'rai au cap'taine.

Il devait déjà savoir qu'il avait gagné... D'ailleurs Zaukon vint lui confirmer cette évidence. Mais il avait tort ! Le Prime aurait très bien pu devenir un navire pirate, elle en était certaine. Il n'était plus de toute jeunesse et pas taillé pour la vitesse, mais avec le géant à la barre, il pouvait en surprendre plus d'un. Peut être que son compagnon ne souhaitait pas une vie de pirate ? Peut être était-ce pour cette raison qu'Olaf restait dans la marine marchande ? Il ne semblait pas y être par vocation profonde... Lui aussi avait l'aventure et la soif de combat dans le sang.

Après avoir laissé Zaukon l'examiner, elle lui tourna le dos, aussi épuisée que dépitée. Il avait raison, mais elle supportait mal de se faire quasiment virée du Prime. Son ressentiment fut pourtant de très courte durée car la chaleur moite de la cale l'entourait agréablement. Sans même s'en rendre compte, elle se rendormit à même le sol. Peut être était-ce ses derniers instants dans les bras de ce navire... Elle connaissait ses grincements par cœur et était trop habituée à s'endormir rapidement pour profiter au maximum de son temps de sommeil qu'elle ne pouvait résister, épuisée comme elle l'était. Elle se demanda à peine par quel miracle sa blessure avait guérit si vite.

Des voix inconnues la tirèrent brusquement de sa couche. La jeune fille se redressa à une vitesse invraisemblable pour une blessée, et roula sur le coté pour saisir un sabre qui trainait. Encore un peu sous le coup de la surprise, elle se mit en garde, l'arme pointée vers les intrus. Ils n'étaient pas humains et elle n'avait jamais vu d'êtres pareils... Vraiment minuscules. Et ils semblaient vraiment stupides, empilés les uns sur les autres. Comme si il n'y avait pas assez de place, ici. Elle ne semblait pas très menaçante, couverte de bandages, les cheveux gras et emmêlés et une arme ébréchée entre les mains, mais son regard disait clairement qu'elle était prête à en découdre. Elle n'était pas sûre qu'ils soient ennemis, et avait d'ailleurs de plus en plus de doute, mais il y avait trop de blessés ici pour qu'elle y laisse entrer des inconnus.

- N'entrez pas... Qui vous êtes et qu'est-c'qu'vous faites ici ? Z'êtes pas du Prime alors r'monter sur l'pont d'suite ! Si c'moi qu'vous voulez voir, z'aviez qu'à d'mander à Zaukon.

Embrun fit un pas en avant, pour bien leur faire comprendre qu'elle n'hésiterai pas à mettre sa menace tacite à exécution. Son compagnon de bord lui avait dit de ne pas faire de bêtises, mais devant un tel cas, il fallait bien réagir...

Les trois créatures, se regardèrent tour à tour en partant du plus haut qui regarda celui du milieu qui rendit se regard à celui du bas, qui tourna ses grands yeux turquoises vers Embrun. La créature du haut sauta alors de son perchoir, entrant dans la pièce et se décalant sur la droite pour laisser la place à celui aux yeux vert qui se plaça sur la gauche et celle qui soutenait toute la pyramide s’avança d’un pas. Plaçant un bras à hauteur de bassin, ils s’inclinèrent tout les trois en même temps et dirent chacun leurs tour :

- Dixi
- Zori
- Ryfi
- Braaa, s’égosilla le petit lézard qui trônait sur la tête de la créature aux yeux bleus.
- Nous sommes des gnomes
- Et des vigies.
- Sur le Thul Galvondir.
- Nous pratiquons la magie !
- Pour aider et servir.
- Voici qui nous sommes.

Ils s’inclinèrent de nouveau devant Embrun avant de reprendre en se complétant à chaque fois :

- Zaukon sait déjà, car Zaukon sait tout, sur le Tempête. S’il ne voulait pas, nous serions fous, car il nous frapperait la tête ! Et nous pourrions la perdre. Terminèrent-ils tous en cœur.

A présent qu’ils étaient tous alignés et pas perchés les uns sur les autres, il s’avérait qu’ils faisaient tous la même taille et qu’ils semblaient pratiquement identiques en tout point si l’on exceptait leurs cheveux, leurs yeux et leurs vêtements curieux.

- On nous à dit que ton nom était un maux.
- Pas un maux, un mot !
- Je ne comprends pas.
- Ca ne m’étonne pas.
- Et pourquoi ça ?
- Mais arrêtez là !
- Oui elle vient de nous rencontrer.
- Elle va croire que vous êtes fêlés ! S’il te plaît, excuse-les.
- Braaa, conclua le lézard.

Le rythme auquel il parlait et aussi parfois, les rimes que l’on retrouvait d’une phrase à une autre, pouvait donner l’impression qu’ils chantaient plutôt qu’ils ne parlaient. Ce qui était rendu réellement troublant par leurs voix aigue. De curieux êtres assurément. Pendant ce temps, sur le pont du Tempête Prime, on frottait et on fixait ainsi que pouvait en témoigner les coups de marteau et le bruit des brosses sur les planches que couvraient par instant la chute de gros poids dans l’eau. Mais les voix des petits êtres couvraient de toute manière tout autre bruit pendant qu’ils parlaient. Car lorsqu’ils commençaient, ils semblaient pouvoir continuer indéfiniment. Une chance pour Embrun qu’ils craignent de faire une mauvaise impression, sans quoi elle n’aurait peut-être eût aucune chance de répliquer.

Même si elle ne les lâchait pas des yeux, Embrun ne semblait plus sur le point d'attaquer. Bien qu'elle se soit reposée, elle n'était pas encore très vaillante et les trois étranges petits bonhommes n'étaient clairement pas agressifs. Elle les dévisagea à tour de rôle, laissant un court silence quand ils se turent enfin. Si Zaukon les avait laissé monter à bord, ils devaient avoir le droit d'être là. Elle n'avait pas vraiment apprécier ce réveil mouvementé, mais elle ne pouvait pas le leur reprocher. Dans la même situation, elle n'aurait pas fait preuve de plus de délicatesse. Et leurs manières exagérées étaient plutôt amusantes.

Trois magiciens pirates... La jeune fille n'en avait jamais vu qui s'affirment magiciens sans la moindre gêne. L'équipage du Thul Galvondir semblait bien étrange. Mais quel navire pirate ne l'était pas ? Les hommes qui se lançaient dans ce genre de folie étaient bien rarement de simples marins s'étant trompés de navire. Si Olaf la laissait partir, ces gnomes allaient devenir ses compagnons de bord, probablement... Elle avait presque pris sa décision même si elle ne l'avait pas encore affirmé à Grandes-Oreilles, comme le nommait Zaukon. Cependant, ce n'était pas une raison suffisante pour chercher à tout prix à se faire bien voir de l'équipage. Elle ne s'était pas embarrassée de ce genre de détails en montant sur le Prime. Mais le Thul Galvondir avait l'air bien différent et elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre ni quel y serait sa place. Le capitaine était venu la chercher en personne sur le bâtiment où elle travaillait pour lui proposer de devenir son élève, ce n'était pas commun et elle n'avait jamais vu ce genre de situation.

- Bienv'nu à bord si Zaukon est d'accord... Tout l'monde est magicien sur vot' rafiot ?

Si cette dénomination pouvait sembler négative à première vue, Embrun l'enveloppait d'un tel respect qu'elle n'avait rien de dévalorisant. Elle se baissa pour ramasser un morceau de tissus sensé servir de bandage et commença à se confectionner une ceinture de fortune pour maintenir son arme sur sa hanche. Elle avait encore quelques vertiges, mais se sentait nettement mieux, bien qu'elle ne sache pas si il fallait attribuer la rapidité de sa guérison à Zaukon, au capitaine du Thul, ou tout simplement à sa coriacité naturelle. Le bandage lui ceignait toujours le front et un peu de pâte verdâtre avait coulée sur sa nuque. Il faudrait vraiment qu'elle prenne un vrai bain avant de repartir en mer, car une toilette comme elle en faisait pendant les voyages ne suffirait certainement pas à enlever toute cette crasse et ce sang séché. Tout en s'affairant, elle repris la parole sans laisser aux gnomes le temps de répondre.

- J'voudrais l'voir, le Thul Galvondir. C'possible ? Dans la tempête, j'ai pas vraiment pu l'saluer... Vous v'lez bien m'le montrer ? Enfin si l'cap'taine est d'accord.

Les yeux qu'elle releva vers l'étrange trio n'avaient rien à voir avec ceux qu'elle leur avait laissé voir un peu plus tôt. Même si son visage fin n'affichait toujours pas le moindre sourire, son regard violet brillait d'excitation. Elle n'en avait pas vu grand chose de ce navire, pourtant la vision la hantait encore. Elle ne pouvait se détacher entièrement de cette coque rugueuse empreinte de magie... Ce qui l'attirait vers ce nouveau navire ne devait pas devoir grand chose à ses lointains ancêtres elfiques. Elle n'avait pas besoin d'eux pour ressentir le besoin de saluer un bateau qui avait vu tant de voyages et affronté tant de tempêtes.

- Si j'peux pas, j'vais monter sur l'pont voir d'loin. J'en peux plus d'l'air d'la soute et j'vais pas laisse Zaukon faire tout l'boulot.

À peine redressée, la pirate fit rapidement le tour des blessés pour vérifier que leurs états étaient sables, et se dirigea vers la porte. Elle s'immobilisa devant les trois gnomes, prête à les suivre ou à monter sans eux si ils ne bougeaient pas. Elle n'était pas encore tout à fait en état de se lever, et encore moins en état de travailler, mais elle avait décidé que c'était le cas. Et si elle ne se lançait pas dans trop d'acrobaties, elle devrait pouvoir tenir le coup.

Les blessés semblaient stables. Endormis et leurs plaies couvertes de la même pâte verdâtre et odorante qu’avait utilisé Zaukon. Les trois gnomes se regardèrent tour à tour tandis que le lézard fixait la jeune pirate. Puis chacun leurs tours, ils haussèrent les épaules en levant leurs mains à la même hauteur que ces dernières et ouvrirent en grand la porte et sortirent de la pièce en sautillant à pied joint, moyen ô combien plus amusant de se déplacer et de monter un escalier qu’une simple marche à pied. Dixi, le gnome aux cheveux et aux yeux vert sauta jusqu’à la première marche et continuant de sauter sur place, il se retourna vers la jeune pirate :

- Le Thul aime les magiciens

Ryfi le gnome aux cheveux blancs et aux yeux turquoise sauta dans le couloir, dépassa Embrun puis escalada de la même façon que son camarade trois marches avant de, lui aussi, se tourner vers la jeune blessée qui arrivait à la première marche.

- Le reste de l’équipage est donc fait d’elfes et d’humains.

Zori, le gnome au crâne rasé et aux grands yeux bleus, dépassa tout ses camarades et Embrun, montant jusqu’à la cinquième marche de l’escalier tandis que son lézard braaaillait ses encouragements à son porteur.

- Qui sont tous magiciens.

Puis ils continuèrent, sautant à chaque fois une marche après chaque phrase qu’il disait, ajoutant à leurs chantantes façons de parler, le curieux rythme du bois battu par leurs faibles poids.

- N’y a-t-il pas un nain ?
- Mais non voyons.
- Il à une longue barbe et ne sort pas de la cave.
- De la cale !
- C’est un humain et son nom est Tel’av.
- C’est pour ça que je confonds avec cave.
- Non c’est parce que tu es grave !
- Il est enchanteur.
- Et rarement de bonne humeur.
- C’est pour ça que je croyais que c’était un nain.
- Braaa.

Ils parvinrent finalement à l’étage supérieur, leurs donnant accès à la porte qui donnait sur le pont, que les gnomes s’empressèrent d’ouvrir en s’empilant une nouvelle fois les uns sur les autres pour pouvoir atteindre sans difficulté la poignée. Ils redescendirent ensuite, faisant un rang devant la jeune fille et avancèrent légèrement. Dehors, la pluie battait encore fort le port mais ce n’était rien de plus qu’une grosse pluie avec du vent, bien loin de la monstrueuse tempête qui avait soufflé sur les eaux portuaires. On pouvait facilement distinguer les carcasses des bateaux qui avaient sombrés, parfois grâce à quelques mâts, des fois grâce à leurs ombres. Il y avait également des navires de guerre athées, vidés et aux voiles déchirées qui semblaient attendre, en deuil sur le quai et il y avait ceux des pirates, pas toujours en meilleur état mais leurs équipages les retapaient déjà. Sur le Prime déjà, la plupart des cadavres avaient été balancés par-dessus bords et son pont nettoyé de l’essentiel du sang. Curieusement, il ne portait que très peu de marques du combat et même certaines parties abîmées avant la bataille, du moins au souvenir de la jeune pirate, était à présent parfaitement restaurées. Plusieurs personnes qu’elle n’avait jamais vu se trouvaient là et s’activaient encore sur le pont tandis que le capitaine du Thul Galvondir semblait leurs donner des directives sous la surveillance sévère de Zaukon.

Sur le flanc droit du Tempête Prime se tenait un autre vaisseau, relié par quelques cordes et planche. Ce navire, était grand et effilé, beaucoup plus taillé pour la vitesse que le Prime est équipé de trois grands mâts, chacun doté d’un nid de pie et de larges voiles capable de prendre tout vent. Il ressemblait un peu à certains navire qu’Embrun avait pût apercevoir sur l’île des elfes de la lune, seulement ses derniers arboraient souvent de nombreux fioritures d’or et d’argent alors que ce navire là avait choisit l’ivoire et le rubis, lui donnant un air féroce, flamboyant et aussi curieusement hypnotisant. Quelques souvenirs pourraient remonter à la surface de l’esprit d’Embrun, celui d’un flou de rubis et d’ivoire qui semblait ne pas perdre ses couleurs malgré l’obscurité d’une tempête que tous disaient divine. Mais au-delà de ce qui était visible, Embrun qui se trouvait à présent à seulement une quinzaine de mètre du fameux Thul Galvondir, pouvait presque sentir comme des battements de cœur. Battements qui se repercuteraient dans els cordes et les planches et faisait bouger de manière presque imperceptible le tempête prime à un rythme lent et mesuré, presque celui des vagues.

Embrun se hissait plutôt laborieusement vers le pont. Les trois petits hommes ne semblaient pas supporter le silence et leur façon de parler était plutôt agaçante. Au moins lui avaient t-ils donné les informations qu'elle voulait apprendre, entre autre. Comment était il possible qu'un navire pirate soit uniquement composé de magiciens ? Elle n'en avait pas vu tellement jusqu'alors, et certainement pas assez pour former un équipage digne de ce nom. Vu comme le capitaine était venu la chercher sur le Prime, elle avait une petite idée de sa façon de composer l'équipage...

Sur le pont, l'activité battait son plein. Le capitaine du Thul Galvondir était là avec plusieurs membres de son équipage et ils travaillaient à remettre le Prime en état. Le vieux navire marchant avait plutôt fière allure pour un rescapé de la tempête originelle. Il était même par certains aspects en meilleur état qu'auparavant, Embrun le connaissait assez pour s'en rendre compte au premier regard. Était-ce de la magie ? Si cette hérésie pouvait protéger un navire, elle était bien plus motivée pour apprendre à s'en servir. Fermant les yeux un instant, elle savoura l'air frais et humide de la mer, absolument pas gênée par la pluie qui n'avait toujours pas cessée. Un sourire simple de marin illuminait son visage et elle balaya le pont d'un regard brillant. Le capitaine elfe avait gagné sa sympathie et surtout son estime en venant en aide au gros navire. Bien sûr, il ne l'avait pas fait pour elle, mais elle en était d'autant plus heureuse. Un vrai pirate de travaillait pas pour des hommes, mais pour des navires. N'était-ce pas ce qu'il faisait ?

Le vieux navire était attaché juste à coté et le jeune matelot s'y dirigea d'une démarche assurée. Elle salua déjà le Prime, posant simplement sa main sur un pan de garde-fou encore intacte et lui offrant des félicitations muettes. Enfin, elle s'autorisa à observer le Thul. Il était grand, mais taillé pour la vitesse. Certains navires lui ressemblaient, du coté de l'ile des longues oreilles, pourtant aucun n'était vraiment de la même facture. Un bâtiment unique... Son bois murmurait en continu une complainte des temps ancien, une mélodie couvrant les sons de la mer. Brusquement, le ciel s'obscurcit, ne laissant visible que le somptueux navire, tout d'ivoire et de rubis. Il brillait... Embrun ne pouvait en détacher son regard et elle du se raccrocher in-extrémiste à une corde pour ne pas tomber à l'eau. Enfin, le monde repris ses couleurs, le bateau l'avait une fois de plus entrainée dans ses souvenirs. Était-ce une preuve qu'il l'acceptait ? Elle le pris comme tel et le salua de la tête, pleine de respect. Les présentation achevées, elle se tourna à nouveau vers les gnomes.

- J'vais donner un coup d'main puisqu'tout l'monde travail. J'visit'rai plus tard, t'façon il s'est d'jà présenté.

Avant de quitter le Prime, elle avait besoin de le remettre en état pour avoir la conscience tranquille. Sans attendre, elle partit en quette d'une serpillière et se mit à l'ouvrage. Ce n'était pas une tache très valorisante, mais vu son état, elle n'allait pas s'élancer dans la voilure... Elle ne réussirait qu'à empirer ses blessures. Comme il y avait plein de marins pour s'en charger, inutile de se mettre Zaukon à dos, le Prime n'était pas en danger. Tout en travaillant, le jeune fille observait les matelots du coin de l'œil, autant pour les surveiller que pour évaluer leurs compétences. Si certains étaient plus magiciens que marins, il y avait tout de même de bons éléments. Il fallait bien pour mener un navire pareil. Un peu recluse face à ce nouvel équipage, Embrun ne pu s'empêcher de repenser au Zéphyr. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas à ce point occupé ses pensées... Pas encore, mais quand elle saurait maîtriser ses pouvoirs, peut être pourrait elle le rejoindre ? Pas encore...

Les gnomes observèrent Embrun, la suivant toujours, restant non loin. Lorsqu’elle salua le bateau, ils s’inclinèrent comment ils l’avaient déjà fait auparavant et lorsqu’elle prit une serpillère, c’est avec insistance qu’ils la dévisagèrent. Un regard noir ou tout autre signe d’une agressivité potentielle leurs ferait aussitôt détourner le regard mais ils ne tarderaient pas à se tourner les uns vers les autres chuchotant entre eux et jetant de temps à autres des coups d’œil « furtifs » à la jeune fille. Au bout d’un moment, alors qu’une tâche de sang particulièrement tenace occuperait l’esprit d’Embrun, un seau d’eau savonneuse se déverserait tandis que deux brosses viendraient astiquer avec énergie la tâche en question. Seulement ces fameuses brosses n’étaient animées par aucune main, du moins qui soit visible. Un peu en retrait, Dixi et Zori avaient les yeux fermés, l’air concentrés, l’index et le majeur de chaque mains sur les tempes collés tandis que Ryfi observait la scène, l’air lui aussi concentré mais son regard fixé sur les outils en action. Bientôt, toute la zone autour d’Embrun était si profondément récurée que la pluie semblait en glisser directement sans s’y arrêter. Les trois petits magiciens s’approchèrent alors en sautillant avec de grand sourire.

- Quand tu deviens marin, on t’apprend à te servir de tes mains, mais quand tu es magiciens, ce que tu utilises, c’est ton esprit, pour avoir une meilleure magie.

- Braaa !

Une remarque plutôt exacte. Un mousse apprenait le métier de marin en commençant par récurer le pont, puis en faisant toutes les tâches ingrates à répétition jusqu’à ce que l’ensemble de ses membres présentent une peau rendue calleuse par le travail acharné. Puis lorsqu’on le considérait assez compétent, on le faisait travailler avec les autres marins, il aurait déjà apprit à se servir de ses mains, il n’aurait donc plus qu’à apprendre les techniques, pour faire les nœuds, recoudre une voile, la rentrer, escalader rapidement un mât et tout ce qui fait la vie d’un marin de haute-mer. L’apprentissage magique, du moins selon les gnomes, semblait pouvoir être le même. Il suffisait de se servir de son don pour apprendre à l’utiliser correctement.

- Mais notre spécialité, n’est pas la télékinésie, en terme de magie, nous sommes meilleurs en télépathie.

- Braaa.

- Et toi tu fais quoi en magie ? Demanda Dixi en levant ses grands yeux vert pâle verts la jeune fille.

Embrun se redressa, regardant autour d'elle, un peu dépitée. Ils étaient bien plus efficace qu'elle, même pour une tache aussi simple, et s'en était vexant. Elle avait bien compris que sa magie ne lui permettrait jamais d'accomplir de tels travaux. Elle n'était capable que de causer des dégâts. Ayant lâché sa brosse, elle regardait les trois gnomes s'activer, bouillant intérieurement. Elle finit par jeter la serpillère dans le sceau et se releva pour faire face aux petits hommes. Sa frustration était évidente, comme elle n'avait jamais cherché à cacher ses sentiments. Elle resta immobile, les épaules raides, figée comme une statue, jusqu'à ce que les trois compères cessent leur manège.

- Si j'me sers d'cette tare, j'vais juste tout casser. J'peux rien en faire d'la magie, pour ça qu'j'voulais m'en débarrasser.

Sa voix était pleine de colère trop longtemps contenue et elle se força au calme pour éviter de leur faire une démonstration trop aléatoire de ses pouvoirs. Heureusement que la tempête Originelle l'avait affaiblit, sinon elle aurait sans doute causé des dégâts, vu son faible contrôle sur elle même. finalement, elle sortit la brosse du sceau, la jeta au sol, et concentra sa rancœur dessus. Ce n'était pas un exercice bien difficile pour elle, son pouvoir réagissait presque instantanément à la colère. Le réceptacle se fendit en une dizaine de morceau, rependant des échardes de bois tout autour. Un peu calmée, la pirate s'agenouilla au sol pour ramasser les détritus, puis partit les jeter à la mer avant de se retourner vers les gnomes.

- V'là c'que j'peux faire. P'être qu'ce s'ra utile pour m'battre, mais sinon j'vois pas. Donc j'm'en fiche d'vos l'çons, j'vais continuer à travailler normalement.

Elle repris la serpillère, mais la laissa retomber. Les effets de son effort se faisaient vite ressentir dans son état de faiblesse physique. Furieuse contre elle-même autant que contre la malchance, Embrun se dirigea d'un pas décidé vers le mat. Elle serait bien monter en haut pour y trouver un peu de solitude... La proximité de tant de magiciens la mettait mal à l'aise. Elle testa rapidement son corps et du se rendre à l'évidence; même si elle ne ré-ouvrait pas ses blessures en montant, Zaukon l'assommerait parce qu'elle n'était pas en mesure de se lancer dans l'ascension du mat. Elle ne tenait pas tant à se faire ramener à la soute comme un poids mort devant ce nouvel équipage...

Une main toujours sur le mat, la jeune fille posa un regard un peu perdu sur le Thul. Il était vraiment splendide ce navire, et malgré tout le respect qu'elle éprouvait pour ce dernier, il était mille fois supérieur au Prime. Cédant à un nouvel instinct, elle se détourna de la voilure et se fraya un chemin entre les travailleurs en direction du capitaine elfe. Mais il est bien plus difficile d'évoluer sur un pont où presque tous le monde utilise la magie quand on y est pas habitué... Elle n'avait pas fait trois pas qu'une corde lui tomba dessus des hauteurs. Surprise, elle s'en saisit pour ne pas se faire fouetter par la solide tresse fibreuse qui tentait de remonter vers le haut de façon vraiment pas naturelle. Lâchant l'affaire, elle s'écarta d'un bond et s'éloigna au plus vite du nid de cordes vivantes, cherchant clairement à éviter les membres de cet équipage anormal. Quand elle parvint enfin au capitaine, elle jetait sans cesse des regards méfiants aux alentours.

- J'peux aller voir l'Thul, cap'taine ? y a trop d'trucs bizarres ici... P'is y veut m'parler j'crois.

Spoiler:

- Braaa ?

Les gnomes restèrent derrière cette fois-ci. Elle était belle et bien énervée, mais ils avaient du mal à saisir pourquoi. Ils se regardèrent tous, la regardèrent à nouveau, puis, levant leurs mains à hauteur d’épaules, continuèrent leurs tâches ménagères tout en entamant une nouvelle discutions chantante. Sur le pont, comme l’avait constatée Embrun, il y avait plusieurs pratiquants de la magie arcanique, du moins si l’on en croyait les gnomes puisque tout les membres d’équipage du Thul Galvondir étaient supposés disposer de cette magie qualifiée d’hérétique. Mais en fait il n’y en avait apparemment qu’un qu’il utilisait son pouvoir, sinon les gnomes, de façon réellement visible. A califourchon sur la plus haute barre horizontale du mât, un grand homme blond avec un sourire plus blanc que nature utilisait ses pouvoirs pour faire jouer les longues cordes, remplacer celles qui étaient défaites d’une main, refaire les nœuds d’une autre, donnant l’impression qu’il s’agissait d’avantage de serpents que de cordes de chanvres. Hormis cela, des elfes et des humains récuraient le pont sous la pluie, recousaient les voiles et chantaient. Oui ils chantaient et travaillaient sur un bateau car après tout c’est ce que faisait les pirates.

Alors qu’Embrun s’approchait du Capitaine, ce dernier entamait un couplet avec deux autres elfes grands et blonds, tandis qu’un humain aux cheveux noirs jouait du luth derrière eux.

Ainsi vous connaissez, les pirates et leurs chants
Loin de nos pays, notre demeure est l’océan
Nul ne bravera ceux que vous nommez forbans
Mais vous n’oubliez pas, nos actes de sang !

Que Souffle le Vent et que Hurle la Mer !
Épées à la main, Regard à l’horizon !
Que Hurle le sang et que Souffle l’Ether !
Demain matin, nous vaincrons !

Puis, le chant s’achevant, le capitaine se tourna avec un sourire vers Embrun.

- Tu y sera toujours la bienvenue, fais comme chez toi. Mais évite simplement de descendre dans la cale, Tel’av notre enchanteur y passe l’essentiel de son temps et n’est pas toujours une agréable compagnie, surtout avec les plus jeune que lui, ou ceux qui en ont l’air. Termina-t-il avec un clin d’œil.

Une planche stable, soutenue par une corde, faisait un pont entre le Thul et le Prime qui ne devrait pas présenter trop de risque, même pour une blessée. Sur le pont du Thul, des marins allaient et venaient, vacant à leurs affaires, notamment des réparations car ce dernier avaient souffert comme tout les navires de la Tempêtes, mais elles avançaient bon train. Sur le pont même, il devait y avoir une vingtaine de personnes, elfe, humains et certains mélanges des deux. Dans les hautes altitudes des trois-mâts du Thul, une dizaine d’autres personnes jouaient d’agilité, de force et de magie à un juger par certains mouvements anormaux des cordes, pour effectuer leurs tâches. D’autres étaient là seulement pour discuter, observer ou chanter. Pour de simples réparations par un temps plutôt calme, malgré la pluie, être nombreux serait d’avantage une gêne qu’autre chose.

Le pont se divisait en trois parties que l'on appelait sur ce type de navires, ponts inférieur, pont et pont supérieur. Le pont inférieur se présentait à la proue du navire, tout à l'avant et était le lieu d'implantation du premier mât, d'une taille moyenne, il se trouvait environs un mètre en-dessous son voisin de derrière, séparé par quelques marches. Le pont était le cœur même du navire sur tout les niveau puisque c'était là que ce trouvait le plus haut mât mais même sur ses flancs, on trouvait en temps normal les batteries d'armes de tirs utilisées pour le combat. Bien que dans ce cas, le Thul Galvondir ne compte que peu de balistes par rapport à ce dont il était capable, deux batterie de douze, une de chaque côté soit 24 balistes alors qu'il aurait aisément pût en contenir et utiliser le double si ce n'est plus. Le pont supérieur enfin, accueillait un mât qui était équipé d'une longue voile amovible et que l'on voyait habituellement sur des vaisseau de plus petite taille. C'était le type de voile qui prenait le vent non pas pour se propulser mais pour s'orienter. Sur ce pont supérieur, on trouvait la barre et il était assez large pour accueillir des dizaines d'hommes qui pourraient rapidement se mettre en formation pour monter sur les mâts ou tirer sur un navire approchant. Mais la séparation entre le pont et le pont supérieur, contrairement au pont inférieur, n'était pas d'un seul mètres mais de plus de deux. Le pont supérieur était d'abords soutenu par des colonnes de bois blanc qui formait une sorte de porche avant trois portes dont l'une devait probablement amener vers les quartiers du capitaine tel que c'était souvent le cas sur de nombreux navire.

Malgré le patchworks de personnalité et d'éléments à observer, un détail attirerait l'attention de la jeune pirate sous ce fameux porche. Debout devant un banc de bois, une silhouette fine et élancée, vêtue d'une grande robe blanche aux larges manches et resserrée par un corset noir. Elle avait l'air jeune, son visage n'arborant pas la moindre ride, mais ses yeux étaient d'un bleu laiteux comme ceux des personnes âgées dont la vue s'efface et ses cheveux qui auraient dû être de jais se blanchissaient déjà par dizaines. Alors que Embrun tournait son regard vers elle, la main de la jeune femme se leva dans le vide et caressa l'air l'espace d'un instant et une déformation rouge apparue pour s'évaporer aussitôt. Comme si le simple contact des doigts fin avaient suffit à la aire disparaître. La jeune femme baissa alors le regard, repliant son bras contre sa poitrine. Elle semblait oubliée de l'équipage qui vivait dans une apparente bonne humeur.

Spoiler:

Embrun remercia le capitaine elfe d'un hochement de tête avant de se diriger vers le Thul. elle marchait très vite, nullement gênée par les remouds des vagues, et bondit sur la planche dès qu'elle arriva à coté. après une très rapide vérification de l'équilibre de la structure, elle se redressa et gambada vers le pont du navire pirate. La peur de tomber ne l'avait jamais étreint quand elle voltigeait dans les cordages, alors ce n'était pas une simple planche qui allait l'inquiéter. Enfin, elle put poser les pieds sur le pont humide du vieux bateau et ferma les yeux, une main encore posée sur la planche. Elle l'imaginait bien filant au cœur d'une tempête, brillant comme dans sa vision, et cette pensée influençait largement son humeur.

Elle commença par un rapide tour du pont, observant aussi bien le navire que ses matelots. L'équipage était un élément indissociable de son bâtiment, lors d'un voyage en mer. À quoi bon avoir un merveilleux trois mats si personne n'est capable de le mener et de l'entretenir ? Mais ces marins y semblaient parfaitement aptes, bien qu'ils soient aussi magiciens. Le jeune pirate ne pouvait pas juger de leur capacité à réagir devant l'imprévu en mer avec cette simple scène, mais l'état du Thul laissait présager qu'ils ne s'étaient pas mal débrouillés. Il y avait bien quelques réparations à faire, mais après une tempête de cette ampleur, rien de surprenant. Quand même, elle serait bien montée dans les hauteur pour voir leur façon de faire... Devant l'efficacité de la magie dans les réparations des voiles, sa répulsion pour cette pratique s'effritait.

Devant ce qui était probablement la cabine du capitaine, une femme semblait complètement en marge de l'équipage. Une elfe sans doute, vu ses traits fins, ce qui n'était pas franchement original sur ce navire. Embrun se tendit brusquement quand une ligne rouge apparut et s'effaça presque aussitôt. La dame du Thul en semblait responsable... Mais sur ce navire, la magie était monnaie courante. Sauf que jusque là, elle avait vu des marins s'en servir pour la navigation ou pour s'amuser, mais cette femme ne semblait pas franchement joyeuse et sa prestation n'avait apparemment aucun but. Embrun s'approcha prudemment d'elle, restant quand même à une distance raisonnable de la magicienne.

- Qu'est-c'qu'vous faites ? C'était quoi c'te lumière ?

La jeune fille fixait son interlocutrice d'un regard violet très perçant. Elle n'était pas franchement antipathique, juste naturelle. Malheureusement, la diplomatie ne faisait pas partie de ses dons...

Spoiler:

La jeune femme de sembla pas remarquer Embrun qui approcha et lorsque cette dernière lui parlât, elle ne tourna pas son regard vers elle, pas immédiatement. Elle eût d'abords un éclat dans les yeux, qui disparût à la faveur d'un air mélancolique. Elle se tourne vers la jeune pirate mais ne semble pas la voir tout à fait, comme si pour elle les contours de l'adolescente étaient flous ou qu'elle n'en distinguait qu'une impression. Puis elle regarde sa main droite ou du moins baisse le regard vers elle, toujours serrée contre sa poitrine et dans un murmure dit :

- Je touche un reflet du passé.

Puis elle lève sa main gauche et effleure l'air à coter d'Embrun tandis qu'un reflet violet s'y dessine, se reflétant dans les yeux de la jeune femme. Le reflet semble ensuite être emporté par le vent, se détachant en de petit morceaux déformés par l'air de la mer avant de complètement de désagréger. Mais alors qu'il disparaissait, il semblait que les yeux bleu de la jeune femme se remplissait encore d'avantage de tristesse bien que ses lèvres s'étire légèrement tandis qu'une connaissance lui était soufflée magiquement. Elle s'assoit sur le banc de bois qui se tient derrière elle et pose avec douceur cette main qui colora l'air une seconde plus tôt, pour inviter la jeune pirate à s'y assoir.

- Embrun, tu as le nom du vent.

Ce n'était pas la seule chose semblable au vent, sa voix est douce comme une brise et plus discrète encore. C'est à peine si elle utilisait ses cordes vocales, ne parlant qu'à voix basse comme si elle était effrayée comme la jeune fille ne s'enfuie ou que sa voix ne se brise ou ne brise quelque chose d'autre, comme la présence d'Embrun. Ou était-ce autre chose ? Mais cette voix, elle semblait ne pas tout à fait venir d'ici, de ce pont, de ce port. Elle semblait venir d'ailleurs, de derrière un voile de velours trop lourd pour que le son parvienne parfaitement jusqu'aux oreilles d'Embrun.

- Tu n'es pas la seule à qui la magie à prit.

La jeune fille semblait plongée dans une terrible tristesse. Un sentiment profond, plus profond que les abysses de l'océan. Sa magie avait un prix comme Embrun qui avait perdu son cher Zephyr, il semblait que cette jeune femme ait perdu beaucoup à posséder son don ou sa malédiction. Si les membres du Thul Galvondir bénissaient leurs pouvoirs et les utilisaient pour le bien être du navire, cette jeune femme, capable semblerait-il, de "toucher" des fragments de connaissances colorés par sa magie, ne pouvait qu'être plongée dans le désespoir par ses propres pouvoirs. Comme une exception qui confirmerait une généralité. Mais ce serait alors une bien triste règle. Pendant ce temps, le reste du Thul vivait et respirait un air marin emplit de bonne humeur. Comme si les deux jeunes femmes s'étaient retrouvées emprisonnées d'une bulle qui les séparaient du reste du monde, les laissait s'oublier. L'invisibilité était un don de magie mais il était également possible pour tout être du commun de l'utiliser. L'invisibilité ce n'est pas forcément ne pas se faire voir mais tout simplement se faire oublier. Elles étaient comme invisibles, la jeune femme aux cheveux blanchissant était assez oubliée pour toute deux.

Embrun ne compris d'abord pas de quoi parlait la jeune femme. Elle était habituée au parlé rustre et franc des pirates, pas aux métaphores alambiquées. Elle aurait tout de même pu en saisir le sens si elle avait de véritables connaissances en magie arcanique, mais ce n'était pas le cas. Pour elle, on ne pouvait tout simplement pas toucher la passé. D'ailleurs, même si ce tour était possible, elle n'avait aucune envie de l'apprendre. Mieux valait laisser le passé à sa place et construire le présent... Si on lui avait parlé du futur, elle aurait eut la même réaction. Elle n'avait jamais cherché à prévoir l'avenir au delà de la vague suivante, et encore, seulement quand il y avait beaucoup de vent. Et puis en quoi ce pouvoir pouvait il être utile ? Le passé était immuable, non ? Une lumière violacée finit par la distraire de sa perplexité, et disparut presque aussitôt, comme la rouge qu'elle avait vu avant. Elle eut un léger mouvement de recule, toujours mal à l'aise avec tout ce qui avait rapport à la magie.

- J'vais bien... C'pas des blessures graves, j'tiens d'bout... Grommela t-elle d'un air maussade en réponse à l'invitation.

La jeune fille fronça les sourcils un instant quand l'étrange elfe prononça son nom, mais elle ne s'en inquiéta pas longtemps. Le capitaine avait très bien pu le lui dire et ce n'était pas comme si elle cherchait à la cacher. Puis elle ne lui semblait pas si clairvoyante, après tout., elle s'était trompée.

- Des embruns, c'n'est pas du vent, c'plutôt du brouillard v'nant d'la mer. Lança t-elle avec un haussement d'épaule.

Cette femme était bien plus proche du vent qu'elle, mais pas les rafales d'une tempête. Plutôt un souffle lointain qui apporte des nouvelles à ceux qui savent l'écouter... Elle n'avait pas le violence ou l'impétuosité d'un pirate en tous cas. La jeune marin ne comprenait toujours pas ce qu'elle faisait là. Une amie du capitaine ? Voir sa compagne ? En plus, les femmes n'étaient pas courante sur les navires... Et pas souvent bien accueillit. Enfin, tout dépendait surtout des capitaines et celui du Thul avait décidé de l'embarquer, donc il devait se ficher du sexe de ses matelots. Il ne lui avait certainement pas proposé une place sur son navire pour qu'elle fasse la fille à marin. Plutôt plate et maigre, avec une peau encore plus tannées que celle des hommes et des vêtements pas même dignes de cette appellation, il pouvait vraiment trouver mieux pour faire fantasmer l'équipage. Elle n'était pas laide, mais n'avait rien à voir avec les visions qui peuplaient les rêves des marins.

Embrun releva brusquement la tête pour fixer l'elfe d'un regard entre l'agressivité et la frayeur. Autant pour son nom, ce n'était pas surprenant qu'elle sache, autant pour ce qu'elle venait d'évoquer... Elle n'avait pas parlé de son passé à grand monde. Juste à Rallen en fait, et seulement par bribe. Olaf avait aussi du en deviner une partie, mais pour le Zéphyr, il ne savait pas. Ce secret, elle le gardait précieusement et n'appréciait pas de se le voir arracher sans plus de cérémonie. Était-ce cela, toucher le passé ? Ce pouvoir ne lui plaisait pas du tout dans ce cas.

Même si elle n'avait rien fait de franchement répréhensible, la fille des mer sentit une boule se former dans sa gorge. Son attitude avait quand même été à la limite de la mutinerie, bien que pour elle ce soit le second, le mutin. Mais surtout, elle ne savait pas à quel point cette femme connaissait son passé. Elle repris d'une voix plus basse, vaguement anxieuse.

- C'que j'ai perdu, j'le reprendrai, mais j't'interdit d'aller l'voir. C'est MON Zéphyr.

L'évidente tristesse de l'elfe rasséréna un peu la jeune fille. Peut être qu'elle ne le faisait pas exprès après tout... Elle était bien placée pour savoir que la magie n'était pas toujours maitrisable. Ce n'était pas une chance, un don du ciel, comme semblait le prétendre certains. Ou alors, seulement pour certains pouvoirs, pas tous. cette femme ne semblait pas faire partie de l'équipage, et ce, à cause de sa tare. embrun rencontrait pour la première fois une magicienne qui avait encore plus à se plaindre qu'elle... Si ses pouvoirs lui avait interdit la navigation, elle reposerait depuis longtemps au fond de la mer.

- T'as perdu quoi ?... Marmonna t-elle, ne sachant pas comment réagir face à quelqu'un de triste qui ne souffrait pas du mal du pays. L'envoyer travailler dans les gréements pour oublier ses soucis ne devait pas fonctionner.

Qu'a-t-elle perdu ? Elle semble ne même pas avoir réellement fait attention aux autres paroles de la jeune pirate. A moins qu'elles ne l'es ai oubliées lorsque la dernière d'entre elle fit ressurgir trop de souvenirs de douleur. La jeune femme lève le regard à côté de Embrun et passe la main droite devant elle, créant un arc-en-ciel aux couleurs peu conventionnelles. D'abord de l'argenté auquel succède le vert et le brun puis différentes teintes de beiges et d'or. Mais comme toutes les apparitions que ses mouvements ont créés, celle-ci se dissipe une seconde après avoir été créé, dispersée en lambeaux qui disparaissent complètement avant qu'une nouvelle seconde de s'écoule dans la roue du temps. Son regard laiteux se baisse à nouveau tandis que sa main retourne contre sa poitrine, ses cheveux poivre et sel retombant, lui cachant presque le visage.

- Des choses que je ne peux reconquérir. Elle relève lentement son visage vers la jeune pirate, ses yeux semblent s'emplir de larme mais un fin sourire est apparût sur ses lèvres. Le Thul Galvondir est le seul qui m'a accepté lorsque tous me rejetaient. J'aurais voulut pouvoir te montrer ce que peux toucher comme le peut le Capitaine Zalidan mais mon pouvoir n'apporte que le malheur et je n'aurais rien eût d'autres à te montrer que la souffrance.

Elle se lève précipitamment tandis qu'une perle d'argent humide tombe sur le pont, explosant en de nouvelles couleurs qui se dispersent et elle rentre à l'intérieur du navire, empruntant la porte la plus proche dont sort en même temps un autre marin. Ce dernier doit avoir un peu moins de trente ans. Ses cheveux sont de la couleur du bois verni et si ils n'étaient pas retenu par un bandeau qui ceignait son front, ils lui retomberaient dans ses yeux d'un bleu océan. Plutôt grand, il à la carrure d'un marin de carrière, celui qui à la force dans les bras et l'agilité de travailler dans les mâts. Il n'a sûr le dos qu'un ersatz de veste ou de chemise dont les manches ont disparût depuis longtemps et à laquelle s'accroche encore quelque bouton de cuivre, laissant nus bras et torse si l'on excepte son pendentif. En bas, il porte une large ceinture qui tient en place un pantalon sombre et troué compléter par des bottes que l'eau à rendue lâches. Il observe la jeune femme passer à côté de lui puis se tourne vers Embrun et la salut d'un signe de tête.

- Tiens, une nouvelle tête. Moi c'est Ale. Fais pas trop attention à Delyndra, elle à trop de douleur en elle pour que ce soit sain pour quiconque ne connaît pas son histoire de la côtoyer de trop près.

Ce Ale n'avait pas l'apparente bonne humeur du capitaine ni la tristesse de cette Delyndra mais il ressemblait d'avantage à un marin conventionnel, un de ceux qui avait déjà travaillé sur un navire et le faisait depuis de nombreuses années. Un véritable marin qui avait vu les trois mers de ses yeux et en avait gardé le souvenir sur ses traits. Car si on pouvait encore voir la jeunesse en lui, ses yeux d'une couleur de mer après la tempête semblaient êtres ceux d'un père, d'un homme qui veille déjà sur les plus jeunes que lui et en prends la responsabilité.

Embrun ne chercha pas à la retenir. Si elle voulait absolument partir pleurer plus loin, elle n'y pouvait rien. Son altruisme était quand même très restreint, et il y avait des curiosité largement plus intéressante sur ce bâtiment. Elle n'était pas habituée à montrer son chagrin en pleurant et ne comprenait donc pas bien la jeune elfe. Elle préférait largement s'énerver et passer ses nerfs sur des ouvrages maritimes. À s'enfermer seule, la fille ne risquait pas de sortir de son malheur. Pas étonnant que l'équipage l'évite, elle ne faisait rien pour s'en rapprocher... Enfin, cette rencontre lui avait au moins appris le nom du capitaine qu'elle n'avait pas pensé à demander.

Un autre marin sortit de la cabine, bien plus classique celui ci. Un bon vieux loup de mer qui avait du voir passer bien des marrées. Il ressemblait bien d'avantage à l'image qu'avait Embrun des pirates. il lui faisait bonne impression avec ses vêtements rappés et ses manières plus rustres que celles de Delyndra ou du capitaine. Et il avait un petit air qui lui rappelait son père... Vaguement, juste un quelque chose qui ravivait ce souvenir, à moins que ce ne soit la présence de celle qui côtoyait le passé qui ai fait remonter cette image à son esprit ? La jeune fille lui répondit par un salut pirate.

- J'suis Embrun. Ton cap'taine m'a d'mandé si j'voulais embarquer sur l'Thul. L'est étrange c'te fille... Elle fait quoi sur l'navire ?

Embrun marqua une légère pause, pensive. Rien à faire, elle ne voyait pas à quoi pouvait servir de savoir "toucher le passé". Elle supposait toujours qu'elle était une compagne du capitaine, bien qu'il ait des gouts bien sombre dans ce cas. Elle ne devait pas faire une amante très joyeuse. Sans laisser le temps à Ale de répondre, elle repris, changeant complètement de sujet.

- Peut importe, si c'pour la magie, j'veux pas l'savoir. J'ai d'jà ma tare à gérer, ça suffit. J'venais saluer l'Thul vu qu'vais sans doute embarquer... Zaukon i' dit qu'f'rais mieux d'y aller et j'aime bien c'rafiot. Y cause encore plus qu'le Prime.

"Mais pas autant que le Zéphyr..." Ajouta t-elle mentalement, un voile dans les yeux. Après un soupire un peu frustré, elle jeta un nouveau regard aux alentours. La rencontre avec l'étrange elfe l'avait coupé du monde un instant, mais maintenant qu'elle reprenait conscience du monde extérieur, elle n'avait aucune envie de rester immobile. En fait, elle mourrait d'envie de monter au gréement. Il y avait du monde là haut et ce qu'ils faisaient n'était pas naturel. La magie la rendait nerveuse, pourtant il faudrait bien qu'elle s'y habitue si elle devait embarquer avec eux.

- J'vais continuer à faire l'tour, i' r'ssemble pas aux navires qu'connais c'lui là. C'quoi la prochaine destination au fait ? J'ai pas pensé à d'mander au cap'taine du Thul. Enfin... T'façon j'ai pas encore pu voir mon cap'taine alors c'pas dit qu'je vienne.

Ale regarda Embrun en silence. Pendant une seconde, il ne dit rien, se contentant de l’observer alors qu’elle avait cessé de parler.

- Une tare hein ? Tu vois, c’est exactement comme ça que Delyndra considère ses pouvoirs. Une tare. C’est pour ça que son esprit sombre à chacune de ses propres pensées. Elle à tellement ressassé cette idée qu’elle était maudite qu’elle s’en ait persuadé jusqu’au plus profond de son être et sa serait étonnant que sa propre magie ne l’ait pas maudite pour ça. Alors pour essayer de t’éviter le même sort, sans mauvais jeu de mot, Delyndra est là parce qu’elle touche le passé mais aussi l’avenir et elle est capable d’y voir le pire, peut-être le meilleur mais ça il faudra demander au Capitaine.

Le regard du marin était celui d’un père qui faisait la morale à son enfant, qui lui apprenait ce dont il aurait besoin pour faire face à sa vie d’adulte. Embrun n’avait probablement pas envie qu’on lui fasse la morale et encore moins de la part de quelqu’un qu’elle avait rencontré trois minutes plus tôt mais il fallait croire qu’elle avait beaucoup à apprendre pour pouvoir vivre sur ce navire. Et puis l’intérêt de quitter le Prime à la faveur du Thul n’était-il pas d’apprendre à maîtriser ses pouvoirs pour pouvoir retrouver le Zéphyr en toute sérénité ? Il y aurait donc des choses qu’elle devrait entendre, bien que cela ne lui fasse pas plaisir.

- Mais c’est une bonne chose que le Thul te parle, au moins cela prouve qu’il te fait assez confiance pour ça. Certains ont attendu des semaines pour comprendre que ce n’était pas seulement un joli morceau de bois verni mais généralement ceux là était magiciens avant d’êtres marins.

Il marqua une pause ou plutôt, il semblait qu’il avait fini et qu’il allait partir en direction du pont que la pluie battait toujours mais il se raviva et replongea son regard dans celui de la jeune pirate.

- Cela ne te fait-il pas réaliser quelque chose d’ailleurs ? Ta fameuse tare comme tu le dis toi-même, c’est ce genre de magie qui à donné naissance au Thul et à l’équipage qui continue à le faire vivre chaque jour. Si le Thul te parle vraiment, je crois que tu devrais pouvoir comprendre que les préjugés que tu avais sur la magie arcanique auraient déjà tous dû s’effondrer comme un château de carte en pleine tempête.

Sur ses paroles, Ale se dirigea vers le pont, passant sous la pluie et se dirigeant vers l’un des filets du mât principal afin de l’escalader. Arrivant à sa hauteur il fit signe à Embrun.

- Tu veux pas voir le port de là-haut ? S’écria-t-il, les mains en porte-parole pour couvrir le bruit de la pluie et du vent.

Et comme un père qui avait réprimandé un enfant pour une bêtise qu’il avait dit, malgré la dureté de ses propos, il ne lui en voulait pas. Car il était l’adulte et il était là pour apprendre à l’enfant, même si il devrait éventuellement lui cogner sur le crâne pour lui en faire sortir les idées préconçues.

il lui rappelait vaguement son professeur précédent avec ces leçons de moral. Embrun n'aimait pas qu'on lui dise ce qu'elle devait penser, mais elle s'y était un peu habituée sur le Prime. Elle n'était plus aussi opposée à la magie qu'au départ, aussi, même si elle continuait à la considérer comme une tare. Ou plutôt, elle voyait encore ses pouvoirs ainsi, mais ceux des autres magiciens, pas forcément. Elle enviait par exemple les pouvoirs du prêtre originel, celui qu'elle avait vu sur le port. Rallen lui avait bien expliquer les différentes formes de magies, mais elle avait encore tendance à tout mettre dans le même sac.

Plus que de l'agacement, la jeune magicienne éprouva une certaine crainte devant le discours moralisateur du marin. Une peur sans base, comme celles qu'on peut éprouver face à un Dieu auquel on attribut des pouvoirs et des idéaux qu'il n'a pas forcément, sans même être vraiment sûr qu'il existe. Il semblait penser que la magie était capable de maudire son possesseur, et pour ce qu'elle en savait, il n'y avait aucune raison que ce soit impossible. Elle n'avait pas plus de preuves qu'il disait vrai, mais dans le doute... Peut être la magie arcanique avait elle une conscience propre après tout. En bonne fille des mers, elle ne voulait surtout pas se faire maudire. Ses superstitions de marin reprenaient vite le dessus quand elle était confrontée à l'incompréhensible.

- C'bon, j'le dirai plus... Grommela t-elle, faisant passer son inquiétude pour de la mauvaise humeur.

C'était tellement plus simple. Le meilleur protocole pour résoudre un problème restait de l'éliminer, mais elle n'avait pas jusqu'alors penser que cet ennui là puisse refuser de se voir éliminer ou se venger après coup. Vu que ses pouvoirs n'hésitaient pas à se rebeller quand elle tentait de les oublier... Et puis la magie n'était peut être pas si négative si elle lui permettait de communiquer avec le Thul. Elle était habituée à une certaine proximité avec les navire, due à son affinité naturelle de marin, mais jamais de cette sorte. Sans doute ses "discutions" avec le Thul et la confiance que ce dernier lui accordait était elle plus due à son esprit de pirate qu'à sa magie arcanique.

Un instant, Embrun cru qu'elle allait pouvoir bouder tranquille, mais Ale ne semblait pas vouloir en rester là. Il fallait qu'il continue sa leçon... Mais il réussit cette fois à toucher un point sensible. La jeune fille ne pouvait tout simplement pas haïr la magie si elle avait permis de construire un navire pareil. Il semblait avoir une vie propre grâce à cette science, et même une conception de la beauté. L'image du Thul brillant dans la tempête lui revint en mémoire. Elle avait rarement vu un aussi beau spectacle. Le Zéphyr fendant une mer en furie peut être ? Quand la une était pleine, l'écume prenait une teinte argentée en jaillissant au dessus de sa coque, et du haut du mat, ce spectacle était plus beau encore que celui du Thul... Ou au moins embellit par ses souvenirs et ses regrets. Sans réfléchir, elle en confia l'image au vieux navire pour qu'il comprenne, lui, au moins, ce qu'elle avait perdue à cause de cette magie qui l'avait construit.

- Tu veux pas voir le port de là-haut ?

L'appel la sortit immédiatement de sa morosité. peut être qu'il la traitait comme une enfant, mais elle devait bien en être une d'une certaine façon, car elle oublia très vite le discours moralisateur pour courir vers le mât. Il y a des choses qu'on ne peut pas refuser. Oubliant aussi bien ses blessures que les recommandations et menaces de Zaukon, elle s'élança dans le gréement pour rejoindre Ale. Au début, la pirate évoluait avec une aisance et une rapidité surprenantes, mais à deux mètres du premier pallié, elle s'arrêta, affichant une grimace de dépit. Sa cuisse lui brulait, elle avait frôler une corde de trop près. Elle repris bien vite l'ascension, un peu plus prudemment, alors qu'un peu de sang commençait à tacher la toile rêche de son pantalon. Rien de grave, juste un petit rappel de son corps qu'elle ne semblait pas décidée à prendre en compte. Comme si rien ne s'était passé, elle s'arrêta un instant près du pirate.

- J'm'en fiche maint'nant, d'la magie. Mais à cause d'mes pouvoirs, j'ai perdu mon bateau. Lança t'elle vant de continuer à grimper.

Embrun évoluait rapidement, bien que distraitement. Elle se penchait souvent au dessus du vide, accrochée par une main à une corde, pour regarder le port. Elle ne s'arrêtait pas pour autant d'ailleurs. Ces mouvements faisaient partie intégrante de sa danse vers le sommet. Enfin, elle s'installa dans le nid de pie pour observer les alentours et attendre son compagnon.

Ale se déplaçait avec vitesse et souplesse. Probablement pas autant que Embrun mais lui aussi avait l’expérience de la mer et il avait la connaissance de ce navire ce qui lui évitait le genre de désagrément que pouvait rencontrer la jeune fille, bien que les blessures de cette dernière jouent également. Arrivés au sommet du mat, Embrun s’installa dans le nid de pie mais pas Ale. Au lieu de cela, une paire de pieds fins se posèrent à sa droite sur la barrière de bois qui séparait la jeune pirate du vide tandis que le marin arrivait sur sa gauche, s’accoudant au nid. Les deux pieds, nus et fins qui étaient reliée à de longues jambes couvertes d’un pantalon de toile sombre. Plus haut se trouvait un torse finement musclé visible grâce à la chemise blanche habituellement flottante mais à présent détrempé que cette personne portait. Ses deux bras étaient semblables à l’ensemble de son corps, fin et pâle, se terminant par de longs doigts gracieux. Le visage différait car si sa peau blanche, ses pommettes hautes et ses traits nobles correspondaient parfaitement à l’idée que l’on pouvait se faire des elfes, le tatouage alambiqué qui partait du coin gauche de sa bouche pour monter jusqu’au sourcil en passant par l’œil gauche criait la liberté de cet elfe qui ne s’était pas conformé à l’habituelle esthétique noble de son peuple.

Le regard tourné vers la cité des athées, Ale déclara sans même prendre le temps de se tourner vers le nouvel arrivant :

- Embrun, Sithrand. Sithrand, Embrun.

Le dénommé Sithrand baissa son regard sur la jeune pirate, posant son index et son majeur sur sa tempe avant de les retiré dans une caricature de garde-à-vous.

- Tout à l’heure tu demandais quelle serait notre prochaine destination. C’est quelque chose que tu dois savoir si tu embarques avec nous, on passe parfois plusieurs semaines en mer en évitant les terres. Nous ne sommes pas exactement les bienvenus partout. Déjà nous sommes étiquetés pirates, nous ne vivons que par nous-mêmes et avons les moyens de nous défendre face aux marines des 5 nations. En plus, jusqu’à présent seuls Elvem Adisil et Athéïle nous laissait mouiller dans leurs eaux. Et encore, Athéïle ne le faisait qu’avec réticence, ils préféraient éviter de déclencher l’incident diplomatique. Mais d’après ce que nous à dit Delyndra et ce qu’on à pût déduire de la situation actuelle de Athéïle, ça pourrait changer. Ca pourrait être la dernière fois qu’on voit cette cité avant plusieurs mois voire année mais il est possible qu’on puisse enfin apercevoir le port de Thalûn, ce qui ferait fichtrement plaisir aux triplés.

En parlant des gnomes, non ils n’étaient pas là. Mais ils avaient dit être vigies et un regard vers le bas permettrait à embrun de remarquer que le nid de pie avait été divisé en trois parties égales par de curieuses lignes de ce qui ressemblait à une peinture scintillante, formant trois triangles aux couleurs des yeux des petits gnomes.

- Mais on partira probablement dès que le bateau sera en état, Lupen n’aura pas besoin de nous et on à pas besoin de ce qu’il pourrait obtenir alors si tu dois encore décider si tu nous accompagne ou pas, fait le vite.

A l’horizon, le Joyau de l’Athéisme était relativement visible, quelque peu dissimulé par le rideau de pluie mais des yeux perçant pouvaient apercevoir du haut du plus haut mât du Thul, à différent endroit de la cité, les ombres des combattants qui s’affrontaient dans certains quartier pour le contrôle d’Athéïle.

Embrun avait toujours aimé regarder le paysage du haut d'un mât. Sur le Zéphyr, son père l'envoyait souvent faire la vigie, quand les eaux étaient calme. Elle était agile, avait une bonne vue et pas la moindre sensation de vertige. À califourchon sur le rebord du nid de pie, elle leva les yeux vers l'elfe auquel appartenait ces jambes interminables. Il ne semblait pas très loquasse. La jeune pirate lui rendit simplement son salut après avoir croisé son regard. Il avait un tatouage étrange qu'elle n'était pas capable de comprendre et qu'elle interpréta comme un emblème de marin. Il n'était pas le premier homme à porter un tatouage très voyant qu'elle rencontrait, loin de là. Certains en arboraient pour repousser les mauvais esprits, pour attirer la chance, pour montrer leur appartenance à un équipage ou simplement pour se différencier des autres.

Une fois ces courtes présentations expédiées, Embrun se tourna à nouveau vers le port. Ale semblait y chercher quelque chose, ou peut être ne faisait il qu'observer l'évolution de la situation. Ce n'était pas sans intérêt, la guerre civile faisait toujours rage dans les ruelles. Elle regrettait qu'Olaf ne soit pas visible. Elle aurait aimé savoir si il était toujours en vie. Il avait beau être partit avec Lupen, vu la situation, il n'était pas à l'abri d'une flèche tirée d'un toit. Et Rallen ? Même si il ne faisait plus partie de l'équipage du Prime, il avait trop longtemps était son compagnon de bord et son professeur pour qu'elle l'oubli en un instant. Elle laissa son regard airer sur la mer et le port à la recherche de traces de ses compagnons. Dilkayen était introuvable, Bill aussi, John John était blessé, et tant d'autres n'avaient pas même embarqués à temps. Avec un soupire résigné, elle se détourna du sinistre spectacle pour s'intéresser à son avenir immédiat.

- J'me doute bien qu'on peut pas mouiller partout, mais on doit bien partir dans une direction. Puis y a les iles. Avec l'Zéphyr, on y f'sait souvent escale. Genre pour réparer après une tempête ou un abordage...

Embrun laissa échapper un soupire et une ombre passa dans ses yeux comme à chaque fois qu'elle évoquait son navire. Son entrain naturel ne s'effaça pas pour si peu et elle se tourna vers le large avec envie.

- J'suis jamais passer à Thalûn. On dit qu'y a plein d'richesse là bas. Elvem Adisil, par contre, j'l'ai vu. Même qu'c'est là qu'il est monté l'homme aux yeux d'tempête. Enfin, j'l'avais d'jà vu avant, mais pas avec Delvïss d'pleine. C'pas pareil. Enfin, j'demanderai au cap'taine la destination.

Ils devaient aussi avoir une cache quelque part, un endroit où laisser leur richesses et trouvailles, mais il aurait été stupide de demander alors qu'elle ne faisait même pas partie de l'équipage. L'ile du Zéphyr, elle saurait encore la retrouver et pourrait y attendre son navire, sauf qu'une fois qu'il serait là on ne l'y laisserait pas monter et en plus, elle ne pouvait pas se rendre seule sur cette ile. Donner les coordonnées à un autre capitaine serait une haute trahison. Elle se fichait de trahir le second, mais trahir son propre navire... Impossible. Il n'était pas encore temps et elle allait apparemment devoir faire un choix difficile plus tôt que prévu.

- J'comptais d'mander à Olaf l'autorisation d'partir avec vous, mais si il est pas rev'nu avant l'départ... J'veux pas partir sans son consent'ment, j'lui dois beaucoup. Zaukon, l'est d'accord, mais c'pas l'cap'taine. Puis y a tellement d'morts, d'blessés et d'disparus dans l'équipage, d'jà... Y va d'voir r'cruter des p'tits mousses qui y connaissent rien ou presque alors l'aura p't'êt' b'soin d'moi. J'veux pas filer en douce. Vous pouvez pas y d'mander avec la magie ? En parlant dans la tête comme y fait l'cap'taine ?

Mais même durant ce sage discours, la jeune marin avait les yeux perdus dans l'horizon. Elle était restée trop longtemps à terre à son gout et l'optique de repartir dans la piraterie l'enchantait.

» Quel type d'animation trouver pour une soirée lorsque votre plan gît dans une mare de son propre sang ?
» Sulfate dans la rate, Potassium dans le sternum. [Infirmerie du Zéphyr]
» Lune et sang un rêve de jour orageux.
» Fleur de Sang Vs Fleur de Sang
» Rencontre au claire de sang