Eaux Troubles

Je me mords les lèvres sous la réprimande joueuse. Oh je sais bien que ce n'est pas totalement sérieux mais je me sens un peu fustigée sur le coup. Oui je sais que la curiosité amène la connaissance (parfois interdite) de choses qui impliquent une grande responsabilité.
Mais n'est-ce pas là le propre des dirigeants que d'assumer des parts de risques ? Evidemment, je ne sais pas si lever le voile sur une partie des mystères du clan du Corbeau fait partie de ce qu'un daimyo du Lion considèrerait comme "une prise de risque raisonnable". A mon sens, il y a surtout un problème de pudeur, de respect et d'honneur. C'est ce qui me gène dans le fait d'amener Akihiko à s'exprimer sur des sujets qu'il voudrait peut-être garder pour lui.

Encore que je ne suis pas certaine qu'il rechigne à la tâche… quand je vois sa manière de savourer l'instant. J'en viens même à me demander s'il n'y a pas dans le discours du Corbeau, une part de auto-jouissance intellectuelle personnelle du simple fait qu'un mystère est mystérieux.
Je lui renvoie donc un regard amusé quoique garni d'une mimique contrite.

- Toutes mes excuses Motomatsu sama, je n'ai pas pour prétention de sortir de ma place en m'aventurant sur des terrains qui ne me sont pas dévolus…

Ma répartie passe néanmoins inaperçu, Akihiko continue tranquillement à exposer ses techniques de voyages sans paraître le moins du monde contrarié. Menée en bateau encore une fois…
Je fronce les sourcils à son évocation de l'effet de surprise. Pour moi, ce mot résonne comme un frottement rouillé sous une plaque d'armure. Je reprends mon souffle. Je ne suis pas aussi puriste que les vieux Lions couturés qui assurent les poutres faîtières du clan mais il y a une limite. Dissimuler des samouraïs sous les traits d'ashigarus ? Mascarade, furtivité, tromperies… ces mots ne riment pas avec les idéaux que je m'efforce d'incarner. Pour moi, fille d'un "samouraï psychorigide", héritière unique d'une maison à la force d'une brebis égarée, l'honneur est la seule valeur clé qui assure ma position et ma légitimité dans l'empire. Je transpire rien qu'à l'idée de manier mon sabre d'une manière qui ne soit pas orthodoxe alors passer des faux vêtements…

Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. La question soudaine, imprévisible et pratiquement reptilienne de Motomatsu me frappe de plein fouet. Je rougis, inévitablement. Estomaquée que ce dignitaire ait assez de toupet pour me questionner aussi indécemment. Est-ce là la contrepartie de tous les marchés que l'on passe avec ce clan maudit ?!
Ma main droite tremble légèrement, je serre les dents et bafouille un début de réponse hoquetante.

- Jhe…n-ne…

Mes années de formation finissent par imposer leurs verrous d'acier sur mon esprit. Et comme au combat, un fil brûlant s'entortille autour de chacun de mes membres, mon estomac se carapaçonne, ma fièvre s'intensifie et pourtant je prends des coulées froides dans le dos. Le regard brillant, je poignarde Akihiko des yeux. L'honneur me commande de répondre. Je n'ai pas le choix mais je préfèrerai encore m'ouvrir le ventre que d'avoir à subir une pareille humiliation. D'un geste sec, je fais sortir la servante qui s'efface silencieusement.

- Les rumeurs sont volubiles, toujours déformées. Mais je vous répondrai sans détour. A la mort de mon père, j'ai repris la tête de la famille Hashimoto. J'ai suivi l'entraînement et me suis adaptée esprit et... corps. Quand je suis venue en âge d'être une femme, les médecins m'ont auscultée. (Je tâche de ne pas trahir le vide glacial qui s'ouvre sous mes genoux mais malgré moi mes yeux rougissent. Feu aux joues, la gorge nouée, je continue laborieusement). Je mourrai en enfantant, c'est incontestable. Alors, même si l'enfant survit, je ne serai jamais mère.

Mon cœur voudrait gicler de ma cage thoracique. Ma mâchoire voudrait se craquer et caqueter ma honte dans tous les terriers. Mes épaules voudraient se déboîter. Je baisse la tête, incapable de fixer plus longtemps mon interlocuteur

- Cela ne m'empêche pas de prendre un époux. Et si le devoir me le commande, je donnerai le jour à un héritier au prix de ma vie. Mais vous n'êtes pas sans savoir, Motomatsu sama, que le simple fait d'envisager un mariage signera très certainement la fin de la famille Hashimoto puisqu'il me faudra renoncer à mon nom et mes terres au profit de mon mari. Il faudrait que je donne le jour à un fils qui soit reconnu comme nouveau seigneur Hashimoto par contrat avant sa naissance… mais quel mari accepterait que son unique héritier ne porte pas le nom de ses propres ancêtres ?

Je secoue la tête de droite et de gauche. Une triste résolution remonte au fond de ma gorge et lorsque je relève enfin les yeux, aucune larme ne vient les troubler.

- Non Motomatsu sama, les rumeurs ne mentent pas toujours. Vous êtes sur les terres d'une famille sur le point de s'éteindre et dont je suis la dernière représentante.

Alors que Tokiwa relève la tête, après avoir ravalé le moindre signe de regret, elle remarque que Akihiko est au combien intéressé par tes réaction. Lui qui tout à l'heure avait accueilli son regard glacé avec une touche de défi. Avait il vu tout les signe de stresse de ton interlocutrice alors qu'il avait posé une question aussi assassine. Le fait est que la surprise pu se lire son sont visage un instant. Bien des Lions n'auraient pas eu le courage de parler de la véracité d'une telle rumeur. Cela ne manquait pas de mettre un certain charme dans l'image que faisait rejaillir la Petite Lionne. En effet, elle semblait tendre à devenir une samurai particulièrement intègre. Certains pourraient aussi dire trop mais une telle appréciation est bien sûr particulièrement subjective. D'ailleurs en parlant de subjectivité, comment Akihiko avait il apprécié cet élan de franchise ? Qui peut savoir ce que pense un Corbeau de toute manière ? Il pouvait tout aussi bien la prendre comme un désespoir de la part d'une suzeraine ou comme une faiblesse à exploiter. Toutefois ce n'était pas un visage amusé que la Petit Lionne voyait après l'aveu. Il réfléchissait, la main sur le menton pendant une seconde avant de se lever, de se placer au coté de la jeune Hashimoto et de plonger son regard dans le siens.

"Il faut un grand courage pour assumer de tels destin et responsabilité et un plus grand encore pour les accepter en présence d'un membre d'un autre clan. Je vois bien que cela vous touche, même si je ne pensais pas que cela soit vrai ... Dire que je suis désolé serait bien vide étant donné que je n'ai pas vraiment eu d'incidence sur votre problème. Mais sachez que je vous forcez l'admiration en agissant ainsi"

Hors de tout protocole, Akihiko semble, cette fois encore, avoir retiré son masque de manière totalement volontaire, cette fois ci. Sans comprendre comment il arrivait à faire cela, Tokiwa pouvait se sentir presque comme si ce n'était pas une discussion de samurai à samurai mais plutot d'ami à ami. Il dégageait de lui une aura qui donne confiance, voir qui remontait presque le moral. La suzeraine pouvait se sentir soutenue non pas par des serviteurs mais par un ami. L'instant dura pendant des secondes qui semblaient s'être rallongé avant qu'il ne remette son masque de mystère et qu'il décide de reprendre la discussion.

"Cependant, chère Hashimoto-san, vous n'avez pas répondu à ma question. Je ne vous ai pas demandé si la rumeur était vraie. Je vous ai demandé l'avenir de votre famille ce qui est une chose qui peut être totalement différente. Je vois bien la compréhension de la fatalité qui entoure votre famille, mais cette fatalité ne serait elle pas le moteur parfait pour changer les choses ? On ne se méfie que trop peu des gens qui n'ont plus grand chose à perdre. N'avez vous jamais pensé à contredire le destin ? D'explorer des voies que nulle autre famille n'avait explorée. Peut être est ce mon travail de juriste qui a déteint sur moi, mais toutes les traditions de notre empire n'ont pas fini d'être écrite. Peut être votre role n'est pas de faire survivre votre famille mais plutot d'inscrire votre nom dans l'histoire en développant votre propre tradition ? Si cela n'est pas votre tasse de thé, peut être pourriez vous mettre votre statut à rechercher un moyen de résoudre votre problème ? L'important dans la fatalité c'est de s'en servir pour vous grandir, ne pensez vous pas ?"

Akihiko, le conseiller. Voilà bien la première personne qui parle ainsi à Tokiwa, lui proposant d'autre option que de voir sa lignée s'éteindre avec les années. Peut être est ce parce que c'est le premier Corbeau qui s'intéresse à son cas avec des intentions amicales ? Peut être est ce aussi la première personne d'un rang égal ou supérieur qui voit en elle plus qu'une lignée en voie d'extinction ?Tout serait surement plus simple s'il n'était pas si difficile à déchiffrer, c'est certains, mais le fait est qu'on apprend souvent beaucoup à résoudre une énigme.

A la fin de la longue et paisible tirade de mon vis-à-vis, mon visage s'étire d'un étrange sourire. Le genre de sourire qui n'en est pas un, en fronçant les sourcils et relevant les pommettes sur une mimique inattendue.

- Vous parlez d'adoption n'est-ce pas ?

Fermant les yeux, je me masse le poignet où une courbature semble sur le point de se développer. L'adoption est une chose rare, inhabituelle et principalement effectuée à des fins pratiques dans les maisons nobles. En fait, jamais encore un héritage n'a été confié à un membre qui ne soit pas de lignée pure. Les anciens ne le permettraient pas. Et c'est assez logique ; permettre à la roture de monter ainsi en grade briserait l'ordre établi et menacerait directement ceux qui sont installés à son sommet.
Je ne suis pas aveugle, je sais que notre système peut parfois se montrer injustement conservateur, élitiste et dénué de compassion. Je n'en reste pas moins convaincue qu'il s'agit du meilleur gouvernement possible. Les hommes ont besoin d'une classe supérieure. Ils ont besoin de croire qu'elle est infaillible, inaccessible et dotée d'une puissance incomparable. Voilà pourquoi l'adoption est un sujet particulièrement sensible. Mais peut-être que je fais fausse route…

- Je suis étonnée que vous m'encouragiez ainsi à défier l'inexorable Motomatsu sama. Le devoir d'un samouraï n'est-il pas au contraire de l'embrasser et de le sublimer ? N'est ce pas ainsi que nous nous grandissons dans la fatalité ?

Un bref instant de silence se suspend. La discussion a pris un tournant dangereux. J'ai le choix. Soit faire confiance à un Corbeau maître (de son propre aveux) des tromperies. Soit m'en tenir à la ligne de conduite dictée par l'honneur et les traditions. Je regarde Akihiko au fond des prunelles, ces petits points sombres drapés d'ombre qui brillent malgré tout. Mes lèvres se pincent, je tente de prendre la mesure de ce qui se passe ici. Je n'y parviens pas.

- Alors que pourrais-je vous répondre ? Il n'existe pas dans tout l'Empire de situation qui ne repose sur les traditions. (Je me passe brièvement la main dans les cheveux, d'un geste lent et langoureux). J'ai beaucoup voyagé moi aussi. J'ai parcouru les terres du clan de l'Ours, je suis allée sur les rivages… partout, ce que j'ai vu m'a confortée dans l'idée que nous suivons toujours le même chemin. Regardez comme nos paysans labourent le sol. Leurs ancêtres travaillaient de la même manière. Les méthodes que nous apprenons, le maniement sabre, du naginata… le bajutsu, tout ceci consiste à reproduire ce qui a été conçu il y a bien des années.

Moi aussi, je sens bien que je tourne autour du pot. Akihiko attendra une réponse plus directe. Peut-être est-ce un piège, une mise à l'épreuve ou tout au contraire une invitation. Dans un cas comme dans l'autre, il n'est plus temps de tergiverser. Je ravale ma salive et me raidis assez notablement.

- Motomatsu sama, c'est parce que ma lignée s'éteindra avec moi que je cherche à la faire entrer dans l'histoire. Je sais bien que ce qui reste en fin de compte, ce ne sont pas nos idéaux mais nos actes.

Et puis d'un coup, l'idée me frappe. Je penche la tête, remarquant que le Corbeau m'a tout doucement amené à m'ouvrir complètement à lui sans jamais se dévoiler d'une quelconque façon. Astucieusement, je dois bien l'admettre, je n'ai appris de lui qu'une seule chose : il aime les secrets.
Voilà ce qui me pousse soudainement à m'interrompre et à lui lancer franchement :

- Tout ceci me paraît si étrange… auriez vous des projets me concernant Motomatsu sama ?

Après ta dernière remarque, Akihiko retient un pouffement de rire. Pouffement qui a de plus en plus de mal à rester dans la gorge, puis au font de la gorge et enfin dans la bouche du samurai du Corbeau. Lorsque le pouffement sortit, l'homme se mit à rire de bon coeur. La remarque était sortie avec tellement de franchise et de contraste avec le ton de la phrase précédente ... rien ne l'avait prévenu d'une telle remarque. Cela mais aussi un autre point qui s'empressa tout de suite de clarifier pour ne pas que Tokiwa prenne sa réaction comme une insulte. Sa voix était encore enjouée mais on pouvait sentir qu'il faisait son possible pour contenir d'autre rires

"J'avoue que c'est la première fois dans l'histoire qu'on demande à un membre de mon clan s'il a des projets sur quelqu'un. D'ordre général tout le monde croit qu'on a des projets pour tout"

Dans ce cas ou dans son inverse, il semble encore une fois que Akihiko énonce une vérité sur les mystères qui entoure les membres de ce clan maudit. Au moins, Tokiwa ne pourra pas vraiment dire que ce samurai là était austère et faisant preuve de mutisme. Au contraire, il semblait plutot ouvert comparé à la légende qui tourne sur eux. Encore une façade ? En tout cas la suzeraine avait remarqué un point assez important. Elle s'était ouverte à lui. Il était peu probable que l'absence d'information le concernant soit une coincidence, en même temps, son travail est de manipuler les termes pour qu'ils rentrent dans la loi. Toutefois, une fois qu'il réussit à se reprendre de son petit fou rire, il semble bien décidé à répondre à la dame Hashimoto

"J'ai effectivement des projets pour vous, je l'avoue. Enfin techniquement, c'est vous qui en avez pour moi. Vous ne vous rappelez pas ? Il y a quelques heures, vous vous disiez disposée à m'épouser. J'ai certes repoussé l'accomplissement de ces fiançailles mais je ne les ai pas pour autant oublié. Ce serait oublier la ravissante femme que vous êtes, et cela je ne pense pas le pouvoir, même si je le voulais"

Un compliment plutot bien placé, appuyé par un regard particulièrement intéressé, et ce malgré l'armure qui ne rend pas entièrement grace à la silhouette de la suzeraine. Mais pour un oeil entrainer, il est aisé de deviner que, malgré tout, le corps de cette dernière n'est pas ce qu'on pourrait appeler "repoussant"

"En ce qui concerne les projet à court terme, l'aide que je vous fournis non comprise bien sûr, j'ai peut être un ou deux projet vous concernant. Je pense d'ailleurs que les appeler "projet" serait hautement sur estimer mes compétence de prévision. Disons plutot que j'aime à penser avoir vu des ouvertures pouvant me mener à des objectifs particulièrement intéressant. Par exemple, l'un de ses objectifs et de vous voir sans cette armure sur votre dos. Le bonus de cet objectif serait de vous voir SEULE sans cette armure sur votre dos, seulement éclairée par des bougies. Luminosité qui, à mon avis, rendra grace à votre beauté"

Est-ce que j'ai tressaillis ? Est-ce que je me suis soudainement crispée ou au contraire relâchée ? Est-ce que ma main s'est involontairement portée contre ma poitrine cuirassée alors même qu'Akihiko exprime son souhait incongru ?

Je ne crois pas.
Mais.
Je ne peux pas en être certaine.

Il existe ici, et par ailleurs, des situations qui éprouvent bien plus le sang froid que les champs de batailles. Ces paroles onctueuses me mettent la chair de poule. Je l'imagine en train de m'imaginer vêtue différemment voire… complètement nue et ça, ça me gène terriblement. Ma respiration, la fine perlée de sueur qui humidifie mon front, la manière un peu gauche dont je tente de sourire malgré tout, ces détails ne peuvent pas lui échapper.

Alors je régis comme une guerrière. Je me sens vulnérable, je me mets sur la défensive. Je me racle la gorge et pour la bonne mesure, pose la main sur le casque ancestral déposé au sol à mes côtés.

- Il y a bien des moments ou nous ne portons pas notre costume de métal mais cela n'inclue pas les situations de tension. Contrairement à vous, dans le clan du Lion, nous faisons reposer notre protection uniquement sur notre matériel. Ce que nous présentons, c'est ce que nous sommes.

Et pourtant, combien de fois, en secret, ai-je maudit cette armure pesante, puante et mal seyante ? L'entraînement, les rigueurs d'une vie martiale ou la poésie et les arts n'ont que peu de place. Je suis étonnée de trouver autant de douceur chez cet homme. Je décide alors de laisser entrer un peu de nouveauté dans ma vie et d'ouvrir la porte :

- Mais je suis comme toutes les femmes Motomatsu sama. Ma peau préfère le contact de l'étoffe soyeuse d'un furisode aux écorchures permanentes que l'on récolte sous les plaques. Alors quand tout sera terminé, je serais heureuse de vous le démontrer. Cela dit, cet objectif m'a l'air plutôt éloigné...

Bon sang, cette discussion a vraiment pris un tournant inattendu. Je peux encore essayer de naviguer mais que je le veuille ou non, je suis en eaux troubles.

- C'est curieux, finis-je par avouer un peu librement, j'ai toujours pensé que les Corbeaux étaient du genre cryptiques, acétiques et pas vraiment préoccupés par les choses matérielles.

Je me reprends tout aussi soudainement.

- Oh pardonnez moi Motomatsu sama je m'égare !

Mais il y a en cet instant sur mon visage, une forme de sourire que je ne me connais pas. Et pour cause, depuis ce matin, c'est celui que j'affronte sur le visage d'Akihiko à chaque fois qu'il se moque "gentiment" de moi.

La tentative de Tokiwa pour changer de conversation alors que le malaise ... non plutot, l'inconfort se lit sur son visage comme le nez au milieu de la figure, ne manque pas de faire sourire le samurai du Corbeau. De toutes évidences, il voyait que sous cette armure il y avait une femme de caractère mais qui avait des envies et des idées tout aussi humaines que lui. Cependant, il vit que le protocole de la suzeraine tentait de se reformer après que son esprit ait divagué sur des pensées loin d'être d'actualité. Elle s'excusa tout de suite, alors que Akihiko n'avait pas même exposé de grief ... dommage, il aurait pu la voir rougir avant de se confondre en excuse pour peu qu'il ait fait mine d'être outré, vraiment dommage.

"Si cela vous dérange dans que cela, je peux très bien paraitre cryptique, acétique et peu attaché aux choses matérielles ... par exemple ..."

Il se met alors dans une position en tailleur avant de prendre une apparence sérieuse et de fermer les yeux. Son apparence est alors totalement métamorphoser, comme si en l'espace d'un instant l'aura de bienveillance s'était transformé en une aura de mystère. Il ouvre doucement les yeux pour se plonger dans le regard de la suzeraine avant de joindre ses mains dans un mouvement lent et précis. Son visage est inexpressif et sa voix monotone

"Hashimoto-san, sachez que la réponse à votre problème ne pourra être trouvé que si vous vous posez les question appropriée. Un mystère ne peut s'éclaircir que si toutes les pièces qui le composent sont mi à la lumière de votre conscience. Tout comme le secret du gout de ce thé, n'est pas dans la préparation, ou encore dans le thé, mais dans l'alchimie que celui ci nécessite. Toute autre réponse serait incomplète et donc irrémédiablement fausse. Trouver la main, les ingrédients et la recette, et vous découvrirai le vrai coupable de cette sombre affaire. Maintenant je dois méditer ..."

Alors qu'il termine sa phrase, un petit sourire narquois s'affiche sur son visage comme lorsqu'on se force à ne pas rigoler. Mais plus il se retient, plus il a envie de rigoler. Il reprends alors une pause beaucoup moins tendue et surtout plus attrayante que le rituel "tailleur".

"Je trouve que cette facon ne me met nullement en valeur mais à le mérite d'éviter qu'on vous dérange en général. Mais j'aime trop être en bonne compagnie pour risquer de la faire fuir avec des manières aussi sombres. D'ailleurs en parlant de sombre ..."

Un bruit d'aile se fait alors entendre à la fenêtre, attirant ton attention. L'un des Corbeau de Motomatsu se pose alors sur le rebord de l'encadrement. D'un cri quelque peu désagréable, l'animal semble parler à Akihiko qui l'écoute avec attention. Le samurai claque de la jambe avant présenter avec sa main comme perchoir. L'animal s'y pose aussitot avant de faire des petits cris, comme pour parler à son maitre. Celui ci affiche une mine perplexe avant de poser son compagnon sur son épaule.

"Il me semble qu'il y a de l'avancement dans notre affaire. Mon petit Kurogane ici présent semble avoir vu un groupe d'homme en arme approcher de la ville. Ils semblent être autour de 3 chariots. Vous attendez de la visite ?"

Effectivement, quand il se met à croiser les bras pour mimer une sorte de caricature de bonze raidit à la baguette… je manque de sourire de toutes mes dents (comble de la démonstration de gaîté protocolaire chez un samouraï du Lion). Mais je me réfrène, à m'en mordiller les joues s'il le faut, parce qu'à aucun moment je ne peux être sûre qu'Akihiko n'est pas sérieux.
Et si jamais il me montrait là quelque chose de précis ? Pas seulement une grimade mais des phrases réellement porteuses de sens. Il est très possible que tout ceci soit à double tranchant, avec ses risques et périls. Je ne peux pas vraiment prendre ça à la légère. Pas totalement.

Seulement voilà, j'ai beau faire tourner et retourner les phrases du Corbeau dans ma tête, leur contenu me paraît aussi vide que la présentation le laisse suggérer. Hormis ceci : la recette du thé.

Les questions que je me pose se voient néanmoins momentanément balayées par l'arrivée impromptue d'un autre volatile. Je fronce les sourcils et porte un index recourbé devant mes lèvres. Je n'aime pas vraiment les arcanes… et ce n'est pas parce que j'en vois depuis ce matin que j'y suis habituée. Loin de là.

Mais voilà du nouveau. Un instant, il faut que je considère ceci : des hommes en armes autour de trois chariots. Un convoi ? Oui mais de quoi. Et qui sont ces gens ? A nouveau, je fronce les sourcils et me racle la gorge :

- Certes oui. J'attends du monde mais pas si tôt. Si vous voulez bien m'excuser Motomatsu sama, je crains qu'il ne soit de mon devoir de remettre notre discussion à plus tard. Si vous souhaitez m'accompagner, je serai honnorée de bénéficier une fois encore de votre sagesse éclairée.

J'attrape mon sabre à la main et me relève sans attendre son assentiment, ne sachant que trop que les réactions trop prévisibles des paysans peuvent précipiter une situation en un éclair.
Je suis encore en train d'enfiler mon casque lorsque j'arrive vers ce qui sera sans doute la "porte" des sommaires fortifications que je fais édifier à la va-vite. Je me tâte. Il ne me reste plus assez de guerriers pour envisager une offensive. Si ce petit convoi s'avère hostile (ce qui n'est jamais à exclure), je devrais logiquement adopter une position de défense. Mais ça ne me plaît pas. Ça ne me plaît jamais. Alors comme souvent, j'opte pour le compromis.

J'alpague un des paysans et sans m'embarrasser de formule, je le questionne abruptement :

- Est-ce qu'il y a un système d'alarme ici ? Une trompe, un cor, un gong ? Quoique ce soit, fait le sonner séance tenante. Je veux qu'on l'entende de loin.

Ceci fait, je retourne chercher mon cheval.

La sortie de Tokiwa était tout ce qu'il y a d'énergique, et pour cause quelque chose bougeait dans ses bois. Amis ou ennemis, comment savoir ? Le fait est que les pas, rapides de la suzeraine quittèrent l'auberge tellement vite que la samurai n'entendit qu'à peine les remerciement de la serveuse sur l'honneur qu'elle avait eu à recevoir une grande dame. D'un mouvement brusque, elle intercepta donc l'un des paysans qui s'empressait d'aller creuser la tranchée pour la barricade, il avait d'ailleurs encore la pelle à la main. L'homme surpris manqua de tomber à cause ladite interception mais se rattrapa malgré le sol quelque peu boueux. Faire sonner le signal d'alarme, telle était sa tache à présent. Et c'est une tache ou il fonça à toutes vitesse, poussé par la détermination de la samurai, lui faisant clairement comprendre d'un regard que c'était d'une importance capitale. Arrivé à la maison du maire de laquelle on pouvait voir une sorte de tour d'observation en haut, l'homme empoigna un marteau avant de taper sur une sorte de grande planche qui dépasser de là. Chaque coup de marteau semblait claquer dans le vent, et au vue de la position légèrement surélevé par rapport à la forêt (et par rapport à une grande partie de la région aussi, par la même occasion) faisait que le son se propageaient surement sur des kilomètres. Tout les villageois présents, étonnés d'entendre leur "tocsin" s'arrêtèrent un instant avant de continuer leur travail avec tout autant d'empressement, si ce n'est plus car appréhendant la menace dont ils ignoraient tout. Tokiwa, elle, n'avait que faire de l'alarme, elle était déjà dans les écuries, où sa monture qui avait crapahuté dans la forêt toute la matinée espérait surement avoir une petite heure de repos. Le paysan qui s'occuper des bêtes se hata donc de lui amener le cheval pour qu'elle l'enfourche. Une fois sur sa monture, elle pouvait remarque qu'Akihiko était lui aussi en train de récupérer son étalon ténébreux.

"Je vous suivrais avec joie. Plus que ca d'ailleurs, parce que vous n'avez pas manqué de me complimenter sur ma sagesse et que j'ai vu votre magnifique sourire. J'ai vu que votre porte-bannière, un de ses collègue samurai et Takae sont déjà partie à la recherche des villageois. Je ne sais guère quelle est votre plan, mais vous semblez clairement en manque d'effectifs. Avez vous un plan, Hashimoto-san ?"

D'un coup d'oeil rapide, Tokiwa remarque la même chose que Akihiko, les montures de Hidezaku et Manji ne sont pas là, seul reste la monture de Atsutoshi et Ginji (je t'avoue ne plus être très sur de son nom), sont en train de gérer la conception des barricades. Il restait encore Misami qui, voyant sa maitresse se diriger avec fougue vers les écuries, attendait patiemment ses ordres, et ce malgré la disgrâce qui le marquait. D'ailleurs son visage montrait non seulement de la fatigue, de la résignation mais surtout de la honte d'avoir failli dans cet enfer forestier. Le fait est qu'il n'était pas sans savoir que Hashimoto avait besoin de bras, acceptera-t-elle ceux d'un homme qui avait été entrainé dans cette histoire et qui en était ressorti sali ?

Spoiler:

Je suis de dos lorsqu'Akihiko me rejoint. Il ne peut pas lire l'infinité de petites altérations qui passent sur mon visage un bref instant. Et lorsque je tourne vivement la tête, j'ai au coin des lèvres cette mimique étrange, ce sourire dysharmonique qui annonce parfois le pire.

- Mon plan ? C'est très simple Motomatsu sama.

Je pivote complètement pour lui faire face et joins les mains devant ma ceinture.

- Je vais me porter à la rencontre de ce convoi. Le signal d'alarme devrait les avoir mis sur leurs gardes. S'ils n'ont pas pris la fuite, il n'y a à priori rien à craindre.
Mais je ne peux évidemment pas écarter l'éventualité qu'il s'agisse d'hostiles se croyant assez forts ou assez malins pour m'échapper. Dans ce cas, je compte sur ma présence propre –et la vôtre peut-être, si vous y consentez- pour les prendre au dépourvu. Le simple fait qu'un seigneur se montre à eux signifie fatalement que le jugement impérial est sur le point de s'abattre.

Je hoche brièvement la tête quand on m'amène ma monture. Une main perdue dans l'encolure, je crochète distraitement les rênes. Faisant tourner et retourner la bride de cuir coloré entre mes doigts, je sers à Motomatsu ma plus énigmatique expression. J'attends un peu… juste pour saisir une éventuelle réaction. Et puis je continue :

- Bien sûr, dans les faits, je sais que le cœur des hommes est impétueux. Ils pourraient saisir leur chance de faire rouler la tête de la chef de famille Hashimoto, désorganisant ainsi à coup sûr tout ce qu'il peut y avoir de formalisé dans cette contrée.

J'enfourche mon cheval et le retiens d'une simple pression des genoux. Les deux mains libres, j'en profite pour arranger les quelques mèches de cheveux qui dépassent de mon casque ornementé.

- Mais j'ai pour moi deux atouts.

Maintenant mon sourire se fait plus large, peut-être un brin frivole… mais il n'en est rien. Je savoure simplement le plaisir simple d'avoir une ligne de conduite claire et définie. Pas de mystère pour moi. Pas de secrets, de louvoiements ou de faux-fuyants.

- Le premier c'est que je sais qu'ils peuvent tenter de m'abattre. Et le second…

Je tapote mon baudrier d'une main légère.

- Et bien c'est vous qui me l'avez remis Motomatsu sama !

Je pense à son étrange plume. Je ne sais pas tellement quel est son pouvoir mais j'aurais sans doute tort de ne pas lui en prêter. Ceci fait, je suis prête. Aucun homme pour me couvrir, hormis peut-être Motomatsu si comme il le dit, il souhaite m'accompagner "et plus que ça". Ce qui ne me déplairait pas soit dit en passant. Le cumul des deux prestiges conjugués à nos talents respectifs devraient avoir raison de toute forme de mauvaise surprise.
Il me faudra néanmoins un porteur de bannière. Ça m'ennuie mais je n'ai pour le moment qu'un seul homme dans mon champ de vision pour s'acquitter de cet honneur. Un honneur qui ne lui est certainement pas dû mais je suis contrainte de m'adapter.

- Misami.

Spoiler:

La suzeraine avait pris sa décision de partir à la découverte de ce groupe apparemment inconnu mais armé, et ce sans véritable escorte autre qu'un disgracier et un juriste. Bien entendu les deux gardes de ce dernier le suivons comme son ombre, bien évidemmen. Mais comment Tokiwa pouvait elle faire confiance à ces hommes pour combattre pour elle si leur maitre Corbeau n'était pas en danger ? L'heure n'était plus au question de toutes évidences, la suzeraine voulait des réponses et était prête à en découdre. Montant sur sa monture, l'air totalement assurée, Akihiko n'afficha qu'un air assez circonspect, surement à cause de la stratégie risquée qu'avait envisagé Tokiwa. Il ne répondit qu'avec un :

"Vous laisser seule face à un possible danger ? Comprenez que je ne le peux, Hashimoto-san"

Seule ? Il avait surement fait exprès d'occulter Misami de la possible escorte de la suzeraine, il faut dire qu'il n'avait guère prouvé une véritable utilité. C'était plutot son inutilité qui avait une utilité au finale, c'est ce qui avait fait venir Tokiwa sur ses terres reculées après tout. La petite escouade composé de Misami (qui avait trouvé un cheval), Akihiko et de ses deux gardes à pieds qui semblaient parfaitement tenir le rythme de course. Impossible de dire comment cela était possible mais malgré leur armures ils semblaient particulièrement endurant. Leur maitre assura même qu'ils étaient largement capable de tenir la course jusqu'à leur cible à quelques kilomètres du village vers le nord. Cela ne leur prendra pas plus d'une trentaine de minute à les atteindre. Les montures filèrent donc à une allure plutot raisonnable sur le chemin de terre et de gravier totalement inondé de boue par endroit. La bannière des Hashimoto flottait au vent alors qu'entre deux bruit de sabot du au premier galop des montures on pouvait entendre les pas de courses des ashigaru du Corbeau foncant à pleine vitesse, la lance en avant, comme s'ils opéraient une charge. Leur discipline et leur prouesse physiques, étaient ils vraiment des ashigaru ? Etaient ils seulement humain ? Là encore une question qui n'avait pas besoin d'une réponse immédiate. La foret se faisait de plus en plus dense jusqu'à presque faire un tunnel de verdure par certains endroit. C'était un territoire sauvage que la famille possédait là, bien trop dense pour pouvoir permettre un développement rapide, de toutes évidences, pourtant les ressources étaient là, attendant de servir. Ce bois qui semblait avoir survécu à la tempête, fort comme le peuple hubei, semblait protéger le groupe de cavalier alors qu'il entrain dans leur vingtième minute de chevauchée. C'est alors que Tokiwa sentit sa monture ralentir volontairement, tout comme les autres d'ailleurs. Elle ne saurait l'expliquer pourquoi, l'endroit ne semblait guère hospitalier ... il y régnait un silence malsain, c'était clair, une chose rodait ici, ce n'était pas des ronins, c'était autre chose. Des choses qui venait de sortir des bois, enroulé dans une capuche de la même couleur que la foret. Deux silhouettes étaient au milieu de la route. Ils avaient des katana à la ceinture et des arc dans le dos. Mais étrangement ceux ci ne se mirent pas dans une position de combat, ils prirent leur katana toujours en fourreau, et ils les présentèrent devant eux après s'être agenouillé et avoir baissé la tête. Comble de la surprise, Misami, était lui aussi descendu de sa monture, pour se mettre dans la même position, maintenant la bannière contre son épaule.

"Hashimoto-sama, pardonnez nous notre traitrise" Dirent ils en choeurs

Je suis déjà tendue depuis un petit moment. Bon certains diraient que je suis tendue depuis que je suis née… mais là en l'occurrence, il y a accumulation. D'abord les mauvaises nouvelles, l'équipée un peu malmenée par le temps, les mauvaises surprises et finalement, le retour dans une forêt sombre et tout aussi glauque que la précédente. A nouveau le seul bruit de succion des sabots dans la boue. Le cliquettement des boucles. Et rien. Rien. Rien. Désespérément rien.
J'ai affiché une mine résolue lorsqu'Akihiko a fait allusion au danger qu'il y a à se balader seule ou presque. Mais maintenant, dans ce silence sépulcral, je fais moins la fière. A peine rassurée en fait, par la présence des "bushis maquillés" dont la résistance physique semble à peu près aussi hors de commun que leur exemplaire discipline. Avec une phalange de ces soldats, je pourrais porter l'étendard impérial loin en Oridia. J'en suis certaine.
Pour tromper mon angoisse, je laisse mon imagination militaire dériver sur les usages tactiques que l'on pourrait faire d'une armée de fantassins capable de soutenir l'allure et l'endurance d'un cheval. Les possibilités…

Je sursaute alors lorsque je réalise que des silhouettes sortent du couvert des arbres. Un cri d'alarme meurt au fond de ma gorge. Je dois forcer mon impassibilité pour garder cette aura de respect… Je dois… Et bon sang, parfois, il est vraiment difficile de se maîtriser. Un certain nombre de jurons paillards défilent dans mon esprit quand je comprends que je n'aurais jamais dû redonner sa chance à Misami.
La manière dont il met pied à terre sans mon commandement. Cet agenouillement qui le place dans la même position que cette paire d'encapuchonnés. Au même niveau ! Je roule des yeux furieux sans parvenir à me libérer de cette stupeur imbécile qui m'est tombée sur les épaules et me glace la colonne vertébrale. Je baisse sèchement la tête, ce qui une fois de plus fait basculer mon casque dans une position qui dissimule au moins partiellement mon regard. Je serre les dents. Ma main s'enroule autour de la poignée de mon propre sabre.
Le contact dur et anguleux me redonne un peu de contenance. Je finis par rompre le silence humide d'une voix encore troublée de digne indignité :

- Alors c'est ainsi...

Cette posture de soumission ne s'accorde pas à leurs propos. J'y vois donc une manière respectueuse de me signifier que je ne détiens plus le contrôle. La manière dont Misami vient d'agir de son propre chef en dit assez long sur le sujet.
Mais pourquoi trahison ? Et qui sont ces anonymes ? Je me sens acculée mais pas encore livrée pieds et poings liés à un piège. Pas encore non mais je gage que dans quelques instants, on va me demander de suivre quelqu'un et alors je découvrirai peut-être le cœur de cette conspiration forestière.
Misami, ce magistrat en qui j'avais mis toute ma confiance aurait-il à ce point perdu le contrôle qu'il en serait passé à l'ennemi ? Je suis partagée entre mon devoir seigneurial et mon honneur de guerrière. Et une fois n'est pas coutume, il n'est pas impossible que j'écope d'un nouveau sobriquet :

- Vous prétendez me trahir. Je n'ai sans doute alors plus aucun ordre à vous donner.

Je détourne brièvement le regard en direction du Corbeau. J'espère lire quelque chose sur son visage avant de prononcer mon ultimatum. Je lui renvoie une expression sincèrement désolée, endossant sans équivoque la responsabilité de l'incident et de ses conséquences.

- Mais quelques soient vos desseins, je vous enjoins à les formuler au plus vite. Sachez que je ne me rendrai pas sans combattre, fussiez vous une armée. (Ma voix monte crescendo à mesure que l'émotion me submerge). Un vrai samuraï n'abandonne jamais. TELLE EST LA FORCE DU LION !

Et maintenant ? J'ai posé mes conditions, s'ils veulent me capturer, il y aura du sang. Je me tiens prête à dégainer. Les muscles parcourus d'ondes d'excitation. L'esprit clair. La main ferme.

Alors que Tokiwa perd peu à peu son self controle, se réfugiant dans ce qui lui restait comme connaissance sûres, c'est à dire son instruction, elle ne voyait autour d'elle aucun signe de menace. Les seules armes véritablement dégainées étaient les lances des Ashigarus du Corbeau, qui respiraient assez fort après la course qu'ils venaient de faire. Leur position n'était que défensive, visant à parer une charge de la suzeraine de la famille Hashimoto contre leur maitre. Akihiko, lui, restait sur sa monture regardant son interlocutrice, les mains n'étant même pas sur son arme. Malgré le malaise de la zone, personne ne voulait du mal à la samurai-ko, et elle pouvait le ressentir. Le seul véritable danger est l'isolement. La voix du juriste perça le silence qui s'était installé dans cette foret devenu malsaine. Une voix rassurante, tout comme son attitude, finalement.

"N'en voulez pas à ces hommes Hashimoto-san, ils ont agit dans votre intéret, malgré ce que vous pouvez pensez. Et vous meurtrir serait la dernière que je souhaite. Je vous l'assure"

Alors que le regard de la samurai se posait sur les trois hommes. Les deux avec les capuches les retirèrent. Et malgré la boue qui ornait leur visage, elle put les reconnaitre avec précision. Devant elle, se trouvait les trois magistrat de la famille Hashimoto. Tout les trois, certes habillé avec des vêtements qui ne rendaient pas vraiment grace à leur famille, mais avec néanmoins leur armure. Ils avaient eux même retiré leur insigne de magistrat, mais les portait toujours à la ceinture, attendant de les rendre à leur propriétaire.

"Réfléchissez, Hashimoto-san, ces hommes étaient des personnes respectables dans votre cour, ils avaient une situation. Pourtant ils ont pris sur eux de renier leur serment, ce serment que tout homme du Lion tient presque au même rang que le respect de l'empereur, tout ca pour cet instant. Tout ca pour que vous écoutiez leur parole à travers ma personne. S'il vous plait, rangez votre arme. C'est le sort de votre famille toute entière qui se joue à cet instant, voir même l'avenir de l'empire"

Les paroles de Akihiko transparaissait de sincérité. Tokiwa ne sait pas si c'est encore un de ses fois où l'homme arrive à retirer son masque d'acteur ou si c'est véritablement un masque sous son masque. En tout cas, c'était un moment où toute sa nonchalance avait disparue, ou sa voix montrait vraiment qu'il était sérieux , donnant d'autant plus de crédit à ce qu'il disait. Le fait est que la samurai n'était pas en position de forcer le passage menant au village. Il y avait peut être ce chemin, menant au groupe d'inconnu ... bon sang. Le troisième garde d'Akihiko, celui qui avait porté le message, était là pour lui couper le passage. Ce passage était d'ailleurs particulièrement risqué parce que la monture de la suzeraine semblait toujours autant redouter d'avancer. Il y avait des chances pour qu'il se cabre et la désarçonne. Le jeu en valait il la chandelle ?

- Ne soyez pas absurde Motomatsu sama…

L'idée ne m'a effleuré qu'un court instant et puis elle s'est envolée comme un moineau insaisissable. Et jamais par la suite je n'ai douté d'Akihiko. Mais j'aurais dû être plus méfiante. Un homme disposant de ses pouvoirs a forcément les capacités d'organiser des coups fourrés. Ainsi donc, c'est bien lui qui est derrière cette embuscade. Quelque chose de froid rampe dans mes entrailles. Je tente de respirer calmement ; en pure perte, j'aspire et expire l'air comme une gamine après une course effrénée.
Ma main reste contractée sur la poignée de mon sabre mais je ne bouge pas. Pas encore. A la place, je me racle la gorge :

- Si vous exigez de moi que je dépose les armes, que j'écoute ce qu'on a à me dire ou que je suive votre volonté… Vous savez que vous avez l'autorité pour me l'ordonner. Organiser ce guet-apens était superflu.

D'un regard incroyablement dur, je poignarde les trois hommes agenouillés devant moi. Le Corbeau. Le Corbeau les aura subvertis mais à quelle fin ?

- Mais je n'insulterai pas votre intelligence. Et si vous pensez qu'il fallait m'isoler ainsi pour que je sois en votre pouvoir alors je ne peux déduire qu'une seule chose.

Tête basse, le cœur battant mais l'œil sec, je retiens mon souffle une dernière fois :

- C'est que vos motivations sont contraires aux intérêts de l'empire !

Et d'un geste brutal et sec, je dégaine ma longue lame et fait cabrer ma monture pour forcer la piétaille à reculer. Une main serrée sur les rênes, je fouette l'air avant de pointer mon katana à l'horizontale devant moi : dans la direction de Motomatsu (mais bien trop loin pour être dangereuse).

- Je ne suis pas juriste ! Je ne suis pas une noble influente ! Ni même une courtisane ! Mais je suis une guerrière !

(Et d'une voix plus doucereuse, infiniment plus menaçante) :

- Je vous l'ai dit, dans ces conditions, si vous voulez me forcer à faire quelque chose, il faudra vous battre.

Akihiko ne prend toujours pas cette remarque comme un signe d'attaque et lorsque le cheval de Tokiwa se cabre, les trois hommes à genoux ne semblent pas bouger d'un pouce. Seule réaction, une sorte de réflexe de rentrer la tête dans les épaules, attendant le coup de sabot ou le coup de sabre qui les libérerai de leur trahison. Le Corbeau, n'a pas eu le moins besoin de bouger, parfaitement protéger par ses hommes prêts à réagir. Le manipulateur observait tranquillement, que la suzeraine ait terminer ses vindicte. Un soupir sortit de sa bouche alors qu'il répondait.

"Les intérets de l'Empire ... J'avoue que cette image est plutot plaisante quand on a jamais vu la cour impériale et ses fonctionnements. Mais la réalité est bien différente, Hashimoto-san. Et même si mon insigne impériale m'assure tout pouvoir, je me refuse de l'utiliser sur vous pour une raison simple : la discrétion. D'autant plus qu'un ordre peut être refusé ou contourné, je ne le sais que trop bien"

Tokiwa se rappelait d'une discussion avec l'un de ses précepteurs. Celle des accords que la famille Hashimoto avait passé avec d'autre famille et qui, faute de garantis, avait été avorté. La parole d'un samurai n'était pas égale la la parole d'un autre et même dans le clan du Lion existait des menteurs. L'honneur est une chose de subjective pour beaucoup de gens, et ce malgré le code du Bushido

"Mais je n'insulterai pas votre parole ou votre fierté à vous forcer de vous rendre sans combattre, c'est ce qui fait votre charme après tout"

Mais malgré cette phrase, rien ne semble bouger au niveau des combattants. Le regard d'Akihiko, par contre, montre une grande concentration. Ses mains se son rejointes et son visage se crispe légèrement. Quoiqu'il fasse, il faisait quelque chose que la suzeraine ne pouvait percevoir. Du moins, c'est ce qu'elle croyait avant d'entendre des battements d'ailes un peu partout autour d'elle. Son regard percut alors des corbeaux, se poser sur les arbres environnant. Toutefois, même eux semblaient troublé par l'aura malsaine de la zone. On sentait qu'ils avaient du mal à s'installer sur leur perchoir de toute évidence.

Soudainement, j'accuse le coup. Ma lèvre inférieure se prend d'un frémissement imperceptible. Il y a quelque chose de profondément dérangeant dans les paroles d'Akihiko. Ces mots, insensibles et acérés, filent se planter sous ma poitrine bien plus profondément qu'il ne le soupçonne. Renier ainsi le protocole, les honneurs et les conventions… par tous les kamis…
Ces phrases restent là, douloureuses et incandescentes. Elles laissent leur marque, leur griffure en forme de serres de charognard. Et tandis que les branches se chargent de ces répugnants volatiles, je tâche de me concentrer sur l'instant. Pas sur les concepts. Il y a un temps pour les lamentations et les grincements de dents.

Je desserre la mâchoire et entrouvre les lèvres pour y laisser glisser un filet d'air moite.
Et il y a un temps pour le combat.

Gonflant ma poitrine à bloc, je rabats sèchement ma lame à la verticale et la porte contre la moitié gauche de mon visage. Saluant ainsi mon adversaire selon le rituel, je déporte ensuite mon katana sur la droite et pointe le sol pour invoquer la bénédiction des kamis de la terre ; ceux qui recevront l'obole, corps cœur ou sang. Je me souviens de mon dernier affrontement contre un Corbeau. Rien au monde ne pourrait me donner envie de recommencer. Et pourtant…

- Motomatsu Akihiko du clan du Corbeau, moi, Hashimoto Tokiwa du clan du Lion, je vous défie en duel.

Plus rien en moi ne sourit. Par ces simples mots, je scelle le pacte de sang. S'il fait intervenir un de ses hommes (ou un des miens)… mais… qu'importe. Je suis peut-être la seule ici à me préoccuper de l'ordre des choses. Et cet homme, pourtant dévolu aux choses de l'ordre, répand le chaos.

Le regard sombre, je mets pied à terre et ajuste ma garde à deux mains, légèrement de profil, les jambes à demi-fléchies.
J'ai tiré la seule arme dont je sais me servir raisonnablement. Dans un duel de samourais je peux légitimement penser qu'il fera de même en face. Mais je sais bien qu'un combat contre le clan des arts noirs ne correspond jamais à ce que l'on attend. Tant pis. Je me mords les lèvres et attends, anxieuse mais déterminée, suspendue à un fil au dessus d'un gouffre rempli de boue collante.

Akihiko accueillit le défi avec une mine légèrement contrariée. Non pas effrayée mais plutot comme un parent devant faire la lecon à un de ses enfant. Secouant la tête doucement, il sorti son daisho avant de le confier à l'un de ses hommes qui planta sa lance dans le sol pour servir de porte sabre. Certes c'était un Ashigaru mais c'était aussi son protecteur, il y avait forcément de quoi être aussi fier que les samurai qui avait accompagné Tokiwa. Au contact de la boue, les sandales du samurai du clan du Corbeau s'enfoncèrent légèrement. Le sol était glissant, de toutes évidences mais ce handicape était pour les deux combattants. Un tel détail avait surement échappé à la Petite Lionne, emportée par sa colère, attendant que son adversaire se mette en place en relevant le défi ou bien qu'il dise clairement que son honneur n'était qu'un bouclier contre les "psychorigides" de cette région reculée. Surement pour énerver son adversaire, Akihiko ne dit rien alors qu'il descendait de son cheval, installant un suspense non seulement sur son choix mais aussi sur le choix des armes qu'il allait utiliser pour ce duel. Il resta même, le doigt sur la bouche en réfléchissant pendant une bonne trentaine de secondes pour mieux irriter Tokiwa. Mais au bout de ce petit jeu, il prit enfin la parole :

"Demandé de manière aussi formelle, comment refuser, n'est ce pas ? Moi Motomatsu Akihiko accepte le duel de Hashimoto Tokiwa. Mes conditions sont les suivantes. Ce sera un duel au premier sang à sabre tiré. Toutes les techniques seront autorisés dans un cas comme dans l'autre, au moins que vous ne retiriez votre armure. Le vainqueur de ce duel, devra se rendre au vaincu sans résistance. Il va de soit que la sécurité du vaincu sera assurée par le vainqueur. Je pense qu'en absence de témoin de votre maison, les trois disgraciers ici présents feront l'affaire"

Demander à un Juriste de connaitre les bon cotés des lois, ils vous les lanceront à la figure. En tout cas, Akihiko acceptait le duel et attendait une réponse de la suzeraine. Un duel au premier sang était une chose courante que Tokiwa avait appris lorsqu'elle étudiait les lois imposées par l'empereur lors du développement du code du Bushido. Pendant les période de paix, les duels à mort créait bien trop de mort dans les rangs des armées de l'empereur. C'est principalement pour cela que les duels entre deux trop grandes familles, ou personnalités importantes n'étaient que jusqu'à ce que la première goutte de sang ne coule. Cela n'empêchait pas que certains membres soient tranchés, et Akihiko devait le savoir. Un tel duel entrainait tout de même des morts, encore plus quand ceux ci ne portent pas d'armure comme lui. Au contraire, Tokiwa, elle, était plutot bien arnachée dans l'armure de sa famille. A quoi pouvait il penser ? En tout cas, son visage était toujours aussi sérieuse. Alors qu'il avait finit de parler, un silence assourdissant attaqua les oreilles de la suzeraine, à croire que même les volatiles attendaient sa réponse. Son coeur, remonté par la colère, lui battait dans les tempes. Elle était totalement seule dans cette foret, personne pour la soutenir ou la rattraper si elle tombe. Pourquoi ce traitre de Corbeau n'avait il pas maitrisé la jeune femme par la force et risquait sa vie ici ? Etait ce un plan ou bien une véritable envie de ne pas meurtrir celle qu'il charmait quelques minutes plus tot dans la journée. Que d'émotion en quelques heures !

Lorsqu'il met pied à boue dans ce cloaque forestier, je réalise seulement que le seigneur Motomatsu est légèrement plus grand que moi. Et dans cette position, moi tassée, compactée sous mon armure et lui digne et élancé comme une virgule dans son vêtement ample, la différence est saisissante.
Même dans cette situation, alors que nos points de vues s'entrechoquent, je me sens sale, inférieure et moins raffinée. Mais j'ai pour moi la rigueur de l'entraînement et l'habitude des aléas crasseux du combat. La sueur collante, les tensions nerveuses, les roulements de tambours sous ma poitrine qui encombrent mes tympans, la prise qui devient glissante… je connais tous ces écueils. Ils me sont familiers. La peur est un chiffon que j'enroule autour de mes paumes, je m'essuie le visage avec et je la laisse retomber sous mes sandales.

Je ne crains pas ce Corbeau.

Aussi, lorsqu'il énonce ses conditions, je me contente de hocher la tête. Qu'il utilise son art s'il le désire. Nous les Lions, disposons sans doute du meilleur matériel de l'Empire. Nos armes sont plus acérées, nos armures sont plus solides. Alors si à la prouesse du corps il préfère le tranchant de son esprit, je ne peux pas le lui dénier. Je dois simplement être prête.

Je me concentre et fais quelques mouvements lents pour mieux sentir le terrain. L'ambiance est si pesante que j'ai l'impression d'évoluer dans une masse d'air compact. La lumière est trompeuse et les sons semblent se faire avaler par cette épaisse couche de glaise gourmande -presque liquide-. J'ai l'impression d'entendre des claquements secs… comme des colifichets d'ossements pendus aux branches des arbres. Cet endroit empeste le maléfice. Est-ce là l'influence d'un Corbeau en colère ?

Je ne saurais dire. Passant et repassant ma langue sur mes lèvres, je raffermis ma prise et bande mes muscles. Dans un duel au premier sang, le premier engagement peut être le dernier. Ça ne me plaît pas. Cette règle frustrante et trop aléatoire se heurte à la persévérance que doit montrer un samouraï même blessé. J'aurais pu me battre sans craindre les coups mais à cause de ce point, je dois partager ma concentration. Diviser mes pensées et affaiblir d'autant mes chances. J'ai pour moi la force et la précision mais Akihiko m'a lui-même avoué être un adepte des subterfuges. Sur un enchaînement malheureux, un mouvement imprévisible et une surprise qui m'égare, je me fais planter. Je dois être prête à anticiper des coups venant de n'importe où, y compris de dos, alors même que le Corbeau se présenterait de face.
Mais plus encore, je dois le pousser à la défense, ne pas lui laisser l'initiative.

Alors dès qu'il tire son sabre, je lève le mien au dessus de mon casque et d'un cri bref :

- Soyez prêt, j'arrive !

Mes sandales laissent une empreinte plus profonde sous l'impulsion. J'attaque d'un coup vif et rapide tombant de haut en bas.

Alors que Tokiwa acceptait les termes, Akihiko n'empoigna pas tout de suite son sabre. Il retira le haut de son Kimono et retira ses sandales afin que ses pieds soient directement en contact avec la boue. Hashimoto put alors découvrir que le corps du Juriste n'était pas aussi vierge de bataille que l'ont pouvait le croire. Ca et là, il avait des cicatrices plutot voyante, reliquat de plutot impressionnant mais pas plus que les marques dans son dos. Celles ci n'étaient pas les marques de batailles, mais celle de punitions de toutes évidences. Tokiwa avait entendu les pratiques de certaines écoles qui soutenait que le chatiment corporel était le meilleur moyen d'apprendre. De toutes évidences Akihiko avait beaucoup appris. Mais poussé par son élan de colère et de crainte, la suzeraine Hashimoto se lanca à l'attaque alors même que son adversaire dégainait son arme ... de la main gauche ?

L'attaque de Tokiwa fut déviée, de justesse, par le samurai du Corbeau, que le corps sveltes semblait doué d'une certaine souplesse. Mais la parades à la main gauche était particulièrement déstabilisante pour la Petite Lionne qui avait appris qu'un Katana se maniait à la main droite, toujours. Ce n'était certes pas une règles ancrée partout, mais de toute évidence le juriste savait que, statistiquement, son maniement avait des chances de troubler plus d'un bretteur sans qu'il ne soit, lui, handicaper. Ses mouvement étaient agile et d'une impulsion, il se mit légèrement en retrait alors que la samurai-ko terminait son attaque sans chuter à cause du sol glissant. Lorsqu'elle se retournait, elle pouvait voir son adversaire, tenant son sabre à une main. Son regard concentré comme tout à l'heure. Les corbeaux tout autour du duels étaient en train de croasser, comme les spectateurs d'une arène ou les deux samurais s'affrontaient, l'une poussée par la colère, la frustration et la fierté, l'autre par une tache inconnue, aussi trouble que le résultat qu'il souhaitait obtenir.

Peut être aurait elle du l'écouter, au lieu de se lancer dans ce duel ? Peut être avait il raison ? Non c'était surement un piège de ce clan maudit qu'est le clan des Corbeau. Il était de loin l'un des plus dangereux de ses représentants, de toutes évidence, affichant cette nonchalance alors qu'il était au courant de tout depuis le début. Toutefois, Hashimoto avait vu à travers son masque quelques fois. Etait ce là aussi une illusion ? Il disait ne pas vouloir faire de mal à la suzeraine et ... c'est ce qu'il avait fait. A cet instant, alors que l'esprit de Tokiwa assimilé avec intelligence la parade de son adversaire, elle se rendit compte qu'il aurait très bien pu porter une attaque au niveau du torse. Certes l'armure familiale aurait certainement empêcher une estafilade mais l'impacte aurait été bien sentie. Pourquoi n'avait il pas attaqué ? Surement une autre sournoiserie du Corbeau.

Torse nu ?

Alors même que ma lame ricoche sur la sienne, je ressens une certaine force dans ce bras pourtant malingre. Assénant pourtant un coup vertical à deux mains, j'avais une bonne chance de faire ployer sa garde ! Troublée, je le suis encore plus lorsqu'en me remettant en position je constate que le Seigneur Corbeau ne fait pas mine de contre-attaquer.
Il me toise, dans cette absence de tenue totalement indécente et contraire à toute précaution élémentaire. En ce moment je ne m'attarde pas sur les reliefs délicats de son buste ou sur les cicatrices pâles qui en zèbrent certaines parties… mais en d'autres temps…

Je m'ébroue sauvagement. Il attend que je commette une erreur. Je ne peux pas me laisser troubler. La surprise, le changement, l'inhabituel sont ses armes. Je ferai donc usage des miennes en y mettant toute ma conviction. Mon regard en feu se verrouille au sien. J'énumère quelques secondes avant d'opter cette fois pour une franche taillade oblique. Vu qu'il se garde de la gauche, je dois inverser tout. Cet exercice mental supplémentaire est un handicap mais pas sérieux. J'ai déjà connu des combats plus chaotiques.

Le dojo qui abrite mon enseignement possède plusieurs particularités qui régulent chacun de mes gestes. Tout d'abord, l'interdiction des coups d'estocs. Aucun membre du Lion ne s'abaisserait à utiliser son katana comme une vulgaire épée démérienne. J'ai déjà enfreint cette règle une fois et aurais pu être déchue de mon titre pour cela. Je n'ai pas l'intention de commettre une seule erreur en face de ce légaliste, aussi corrompu et bouffi de traîtres mystères soit-il.

L'air putride s'ouvre autour de moi tandis que je fonce. Mes pensées accélèrent encore. Il y a dans le combat cette étrange forme de perception des gestes au ralenti. Je dois frapper de bas en haut cette fois…

Un glissement me déstabilise, je me rattrape.

…mais présenter ma lame à l'horizontale pour anticiper une éventuelle contre-taillade.

Un autre des preceptes qui émaillent mon kenjutsu est qu'il est interdit de parer autrement que par le tranchant de la lame. Tout autre choc risquant d'endommager le sabre.

Au dernier moment, arrivant sur le Corbeau, je me détends d'un bond pour le prendre plus haut qu'il ne m'attend, cherchant à percer sa défense par une action rapide et directe. Je sais déjà qu'en retombant dans cette boue traître, je devrais rabattre ma lame dans le dos par-dessus mon épaulière gauche pour bloquer sa contre-attaque. Le fait que je sois régie par des schémas aussi simples ne risque t-il pas…

Le schéma de Tokiwa était réglé comme du papier à musique. Elle allait faire pression sur le samurai du Corbeau dont les oiseaux semblaient s'être mit à hurler, pour exulter leur maitre. Combien sont ils ces maudits corbac ? Impossible de le savoir mais ils envahissent les arbres telles des tumeurs noires sur cette forêt malsaine. Le fait est que l'attaque était prête elle avait été testée et retestée par les Hashimoto pendant les nombreuses heures d'entrainement qu'à passé dans le dojo familiale. Cette attaque allait elle porter alors que le sol était dangereusement instable ? Akihiko lui attendait, bien ancré sur ses appui, son regard lui disant clairement de venir à lui. Après une impulsion, la jeune suzeraine se lanca droit sur son adversaire. Alors qu'elle s'élançait le bruit des dizaines d'oiseaux dans les arbres se fit entendre, mais Tokiwa était bien trop concentrée pour les entendre, même hurler dans un vacarmes assourdissant. Un spasme montrait que le samurai du Corbeau était prêt à recevoir l'attaque.

Un faux pas manqua de faire glisser la jeune femme qui se reprit totalement, elle ne devait pas briser sa course, pas maintenant, pas lancé à cette vitesse. Akihiko, lui aussi prit une impulsion alors que Tokiwa commençait son saut. Le temps se ralentissait. Les mouvements des deux combattants semblaient être si lent à cause de l'adrénaline qui courait dans leur veine, mais tout se passait si vite. La jeune femme penserait tout d'abord que son adversaire allait sauter lui aussi pour lui couper son attaque, mais il n'en était rien. Son pied arrière s'avança rapidement alors que l'avant s'appuyait avec force. Il ne pouvait pourtant pas tenter de coup de pied, pas à cette hauteur. Au pire Tokiwa n'avait qu'à replier les jambes pour éviter le pied, mais c'est alors que le pied d'Akihiko fouetta l'air projetant une éclaboussure de boue, marquant un scion sur l'armure de la chef de famille Hashimoto pour terminer sur son visage.

Par réflexe, la jeune femme n'eut d'autre chose que de détourner le regard au moment de l'impact. Totalement déconcentré et ayant perdu sa cible de vu, elle tendait tout de même sa parade dans le dos mais ce n'est pas de là que vint l'attaque, si l'on pouvait appeler cela une attaque. Un coup fut porté à la tête de Tokiwa, pas un coup assommant, un coup juste assez fort pour qu'elle le sente et surtout que le casque familiale, trop grand pour elle, ne lui tombe sur les yeux. Foutue tête de melon de son père ... Forcée de retrouver sa visibilité, d'une manière ou d'une autre. C'est une scène totalement étonnante qui se passa devant ses yeux, à cet instant.

Akihiko était devant elle, à distance de deux sabre, sa main libre placée devant son coeur en train de réciter des paroles dans une langue qu'elle ne connaissait pas. Il était sans défense, c'était certains mais une chose noir passa devant les yeux de la jeune femme : une plume. L'attention capté l'espace d'un instant, est le temps sembla s'arrêter. Tout autour d'elle était figé, son corps aussi. Seul ne bougeait que les plumes de corbeau qui se mirent à pleuvoir de plus en plus nombreuses. Les paroles d'Akihiko, elles résonnaient dans l'air, envoutante. Et ces plumes ... Tellement de plumes, des milliers d'oiseaux ne pouvait en créer autant ... des millions non plus. Tant de plumes et si peu d'oiseau ... tant de plum... Les ténèbres sembla l'entourer à mesure que les plumes tombait et que son esprit ne pouvait sortir de cette transe totalement phantasmagorique. Elle put lever les yeux au ciel pour voir la pluie l'enfermant presque dans une bulle de ténèbres ... Tant de plume et si peu d'oiseau.

"J'ai gagnée" dit la voix d'Akihiko douce à ton oreille presque protectrice

Cette voix sorti littéralement de sa transe de manière presque instantanée. Les oiseaux s'étaient envolée et aux pieds de la Petite Lionne ne restait qu'une dizaine de plume. Seule chose vrai qu'elle ait pu voir. Une douleur à son doigt la fit réagir. Une petite coupure saignait, telle une égratignure. Akihiko n'était plus devant elle, il était déjà en train de marcher vers sa monture pour se rhabillé. Quel avait été ce pouvoir qu'avait utilisé le samurai du Corbeau ?

Un cri sec. Le frottement des plaques d'armure. Eclaboussure sombre. Un tintement sourd qui m'envoie la tête dans les épaules. Je dissipe la sensation de choc d'un mouvement sec du menton qui renvoie ma visière en arrière. Une attaque du haut, sur le casque. Il faut frapper en bas MAINTENANT. Ramenant mon sabre sur le côté, pivotant, la langue entre les lèvres et le regard rivé au fil acéré qui file en ce moment même se ficher dans le flanc de…

de rien.

le noir le plus total.

l'obscurité

Mais une obscurité habitée. Le froufroutement de dizaines, non de centaines de plumes noires qui m'engloutissent dans leur enveloppe satinée. Elle glissent, tombent, virevoltent et pendant un temps je perds la notion de l'espace.
Un éclair de panique me traverse mais je sais ce qu'il en est ; la magie du Corbeau. Ça ne m'empêche pas de porter une main craintive à ma gorge comme si je craignais qu'une de ces plumes n'aille se ficher dans ma trachée. La sensation d'étouffement est abominable, chaotique, terrifiante. Je cherche un repère. Je relève naïvement ma lame dans ce mælstrom sans couleur ni odeur.

Je ne vois, ne sens, ne touche, ne goûte rien jusqu'à ce qu'au creux de mon oreille, se fasse entendre le doux murmure d'une condamnation fatale.

Gagné. Gagné ?

Je me crispe. Le rideau de ténèbres se déchire et la scène se dévoile à nouveau dans sa misère boueuse. Lorsque je retire ma main, un très léger filet de sang roule le long de mon index. A peine une entaille, tout juste une écorchure.

A cet instant précis, je n'ai jamais rien connu de plus douloureux.

Mon katana retombe contre mon mollet, serpent sans force qu'on a mâté par une tape sur la tête. La pointe racle mes sandales, agitée de légers frémissements au rythme des tremblements de ma main droite. Mon regard s'hypnotise un moment à cette coulée carmine et puis je m'ébroue. La torpeur cesse lorsque je réalise vraiment que j'ai perdu. Et par quel infime sang !
La honte s'endigue derrière ma fierté, elle monte, monte, monte…

Je baisse la tête. Mes épaules s'affaissent. Et pourtant, ma voix est encore claire lorsque je confirme sombrement :

- Vous m'avez vaincue selon les termes de notre duel. Et selon notre accord, je suis maintenant dépendante de votre volonté.

Détournant légèrement les yeux sur le côté, je réprime une montée nauséeuse en songeant avec quelle facilité un seigneur des arcanes est parvenu à mettre à genoux une samouraï aguerrie.
La honte déborde maintenant. Elle me submerge, faisant naître une grimace verte au coin de mes lèvres. Mais je ne suis pas qu'une simple samouraï. J'incarne une lignée, je participe d'une trame plus grande.

Alors je relève la tête, comme se doit de le faire une dirigeante Hù Bei. Je porte ma lame vierge de toute souillure contre mon visage et la rengaine en faisant coulisser la lame contre le fourreau depuis la garde jusqu'à la pointe.

- Seigneur Motomatsu, du clan du Corbeau, puisque vous m'avez vaincue, il semblerait que je n'ai plus aucun moyen de ne pas vous écouter. J'espère que vous me pardonnerez cet excès de fièvre mais doutant de vos motivations, il était de mon devoir de tenter de vous raisonner.

J'aurais pris du plaisir à me battre plus franchement. Le goût cuivré dans la bouche, la sueur, les risques mortels et la tension permanente… quoi de plus éternel ?
Cette parodie de duel qui se termine avec moins de dégâts qu'un entraînement ne me laisse pas seulement un goût amer sur la langue. Elle se saupoudre d'un sel acide qui me sussure que rien ne me sera épargné. J'ai l'impression que je n'aurais plus vraiment mon mot à dire. Mes vœux, mes idéaux et mes résolutions… tout ça va se faire méticuleusement fouler aux pieds. A qui la faute ? Il semblerait simplement que certaines choses changent.

- Nos méthodes sont infiniment différentes et je gage qu'il en va de même sur nos points de vues à propos de beaucoup de choses… Et pour l'instant, il semblerait que ce soit le vôtre qui prévale. (Je répète, presque mutine avec l'ombre d'un sombre sourire). Pour l'instant…

Je n'ai pas honte de m'être faite vaincre par un pair. Ni même de devoir m'incliner face à un personnage envers qui je devais de toute façon obédience. Non, ce qui remue en moi comme un reptile insatisfait, c'est de ne pas avoir pu me battre jusqu'au bout. Jusqu'à ce que mes forces déclinantes ne suffisent plus à soulever ma lame et que, le poing meurtri porté contre ma cuirasse rougie de sang et écaillée de coups, j'aurais alors croassé entre mes lèvres fendues avec entièreté :

"Akihiko, vous avez gagné."

Mais il n'en a pas été ainsi. Pourrait-il seulement comprendre ce qui me noue ? Peut-il entrevoir la forme d'intimité et de compréhension mutuelle à laquelle on accède par le combat ? J'ai bien peur qu'il s'agisse encore d'une tare atavique de samouraï psychorigide.

Les paroles d'Hashimoto ne tombent pas dans les oreilles d'un sourd alors qu'elle énoncé le résultat de ce duel quasiment couru d'avance. Toutefois, Akihiko ne croisa le regard de la suzeraine qu'une fois totalement rhabillé. Laissant un grand moment de flottement dans la scène. Les disgraciers, eux, n'avaient pas bougé d'un poil, leur sabre toujours placé devant eux. Après avoir remis le haut de son kimono, le vainqueur du duel rengaine son sabre dans le fourreau tenu par son serviteur. Après s'être essuyé les pieds, il prit enfin la parole avec une expression que Tokiwa n'avait connu qu'auprès de ses précepteurs, une expression signifiant presque avec dépit, qu'elle avait encore beaucoup de chose à apprendre.

"Nos points de vue ne divergent pas forcément, Hashimoto-san, ce qui vous différencie de moi, c'est le recul sur la situation et le manque d'informations. Ces choses vous ont manqué pendant cette journée, elles vous ont encore plus manqué pendant ce duel. Ce ne serait pas bien important si vous n'étiez qu'une samurai parmi tant d'autre, mais c'est une Famille que vous dirigez. Vos décisions décideront de l'avenir de centaines voir de milliers de serviteurs. Et s'il y a bien une chose que nos deux clans ont un commun c'est leur avis sur le fait que l'ignorance n'excuse en rien une erreur"

Après s'être grossièrement essuyé les pied avec un chiffon que lui avait donné l'un de ses lanciers, il remonta sur ses sandales avant de monter sur son cheval, toujours avec autant de grace. Sur sa monture, il attendit que la jeune femme soit, elle aussi remonté sur sa monture pour lui faire signe de marcher à ses cotés. en coupant dans les bois en direction de l'Est. Les montures sont de plus en plus nerveuse par l'ambiance malsaine de cet endroit alors que la monture de son nouvel hote ne semble pas des plus troublé. Le petit convoi avance à vitesse lente à travers les fourrés qui ne semblent pas bouger, presque totalement immobile par quelque chose qui aurait stoppé le cours du temps. Le silence, seulement troublé par les bruits de pas et la succions dues aux sabots des chevaux, est de plus en plus pesant jusqu'à ce que Motomatsu-sama reprenne enfin la parole

"Pour revenir sur notre discussion de tout à l'heure, sachez que les intérets de l'empire, malgré le fait qu'ils sont guidés par l'empereur, sont appliqué par des serviteurs tout ce qu'il y a de plus humains. De plus, notre divin empereur base ses réflexions et ses décisions sur les avis de ses serviteurs. Sachant cela, pensez vous vraiment que les lois de notre empire n'aient pas de faille ? Ou bien que les erreurs n'existent pas ? Impossible d'en être sûr si ce n'est en étudiant cela au cas par cas. Il y a de cela une dizaine d'années, l'empereur, dans sa grande sagesse, chargea l'un de ses plus puissants scientifique de trouver la combinaison chimique et magique parfaite : celle qui permettrait de transformer nos soldats et samurais pour leur offrir une force et une agilité surhumaine. De par le coté sensible de ses recherches, l'Empereur jugea bon de confier la garde de cet homme au clan du Corbeau, afin qu'il puisse faire ses expériences tranquillement. Ces recherches avancèrent sans pour autant conclure sur une solution viable. Mais un tel projet avait forcément besoin de temps mais l'impatience de certaines personnes de mon clan les poussa à taxer subitement ces recherches d'hérésie. L'empereur, écoutant ses conseillers déclara alors que de telles recherches n'étaient plus d'actualité. Mais le scientifique santait que la solution n'était pas loin et que stopper maintenant serait un crime. Il décida donc de fuir pour continuer ses recherches de manière clandestine. Ce sont ces recherches qui trouble votre fief, ce sont ces recherches qui ont convaincu vos hommes de couvrir ce scientifique et de se disgracier : en l'échange de votre avenir"

Les fourrés étaient de plus en plus dense, et passer au travers devenait quasiment impossible pour deux chevaux. Misami et les autres magistrats, eux, étaient resté à marché aux coté de leur maitresse, leur sabre toujours dans leur main droite et non à leur ceinture. Ils n'étaient plus des samurais mais n'avaient pas recu l'autorisation de mourir, un peu comme à l'anti-chambre du Jigoku, patientant sur une barques sans guide pour les amener dans le royaume des morts.

Il a raison bien sûr. Mais avais-je d'autre choix que celui de me conformer à mon enseignement et ma discipline ? C'est par les préceptes du combat que je me suis comportée et c'est par ceux de la gouvernance que je suis réprimandée.
Dilemme pratiquement insondable lorsque deux principes s'affrontent ; suivre la voie de l'entente honorable ou la voie du triomphe sans partage. Les deux ne concordent pas toujours. Rarement en fait.

Mais en réalité, tout ça n'a aucune importance. Belle philosophie pourrais-je dire, tandis que j'ôte mon casque pour éponger la sueur de mon front. Mais la vérité, c'est que je me suis jetée à corps perdu dans la mêlée sans réfléchir. Le nœud gordien s'était à peine présenté que je voulais déjà le trancher d'un coup de katana.

J'ai eu tort… oui mais je ne regrette rien. Etrange.

Calant le casque sur le pommeau de ma selle, j'enfourche pour ma part ma monture dans l'état où je suis ; maculée de boue jusqu'aux mollets. Je me serai vraiment salie dans ce bourbier… jusqu'au bout.

De bonne grâce, j'accepte le sermon du Seigneur Corbeau d'une inclinaison silencieuse de la tête. Lèvres fermées, triste figure contrite, je ferme les yeux un bref instant lorsque ses paroles éveillent en moi l'étrange échos d'une lointaine rebuffade. Lorsqu'après avoir perdu mon premier combat, j'avais voulu m'ouvrir le ventre… alors là aussi, on m'avait pointé le devoir du doigt. Cette décision ne m'appartenait pas, pas plus que les traîtres qui ont sali le nom Hashimoto ne sont libres de se faire seppuku sans mon autorisation. Comme l'a dit le seigneur Motomatsu, je suis responsable de centaines de vies à travers la mienne. Je devrais sans doute me montrer plus sage, plus modérée… mais je suis esclave de mes pulsions que je le veuille ou non !

Notre progression ralentit notablement, la chaleur, la moiteur, la sueur salée… tout contribue au harcèlement perpétuel d'insectes piqueurs qui ne nous laissent aucun répit. Mon cheval proteste lorsque les buissons menacent de se refermer littéralement sur nous. Mais je me laisse guider, louvoyant habilement entre les souches mortes et les ronces traîtresses sans un regard pour notre "escorte".

Le Corbeau continue à parler. Cette fois il déchire une partie du voile sans plus de préambule. Ses révélations me perturbent évidemment. Partagée entre la volonté sacrée du divin Sho-Qïn et ce projet que tout guerrier digne de ce nom considérerait comme une hérésie ! Modifier des soldats ? Elever notre rang au-dessus de ce que nous sommes réellement ? Je ne peux pas approuver. Non… c'est une abomination !
Mais si telle est la volonté de l'empereur, qui suis-je pour douter de son jugement ? Une fois de plus je suis sur la sellette…

Je rajuste justement mon assiette et prends le temps de réfléchir le plus calmement possible. Une foule de questions se disputent la première place avec acharnement. Je ne choisis pas la plus bruyante ni la plus brûlante non. J'en choisis une plus tenue, timide… au fond. Une question de fond, voilà ce qu'il me faut pour rétablir mon équilibre.

- Alors selon vous Motomatsu-sama, il est concevable de se déshonorer pour préserver l'avenir ? C'est une idée dangereuse qui conduit à beaucoup d'excès.
(Je hausse les épaules). Evidemment on peut m'opposer que si nous sommes tous morts, l'honneur ne servira plus à rien. Mais ne vaut-il pas mieux laisser une trace nette et propre dans l'Histoire plutôt que de s'avilir ?

Mais je suis tout même intriguée par cette recherche interdite. Mon cheval manque de trébucher une fois de plus. Je suis contrainte de tirer sur les rênes et décide sans façon de mettre pied à terre pour le mener par la bride.

- Ces troubles dont vous me parler Motomatsu-sama… sont-ils liés aux résultats des expériences de ce chercheur ? Lorsque l'on cherche à altérer l'œuvre des kamis, on met forcément sa conscience en péril… la sienne, comme celle de ceux que l'on modifie.
(Ecartant une branche de la main, je relève soudainement la tête, le regard brillant). Si mes gens, même des nōmins, ont été les sujets d'expérimentations cruelles, je ne le pardonnerai jamais.

Les paroles de Hashimoto semblait, l'espace d'un instant perdu dans un abime d'indifférences alors que Motomatsu semblaient réaliser une manoeuvre quelque peu périlleuse avec sa monture quelque peu nerveuse. D'une mains sur le flanc de l'animal ténébreux, il se calma presque de manière instantané. Une fois assuré que sa monture ne sera pas trop agitée pour continuer le trajet, il reprit la discussion là où la suzeraine l'avait laissée.

"Il est aisé de parler d'Honneur dans la théorie, mais l'appliquer est souvent bien plus complexe que l'on ne le voudrait. Certes la tradition nous permet de garder une pureté dans notre manière de vivre, mais elle ralentit bien souvent l'évolution, une évolution de pensée mais aussi de moyen. Prenez par exemple, l'utilisation de la poudre à canon, que les dogmes samurais ne cessent de critiquer la valeur honorable aujourd'hui. Ils étaient moins disposer à la critiquer quand cette dernière leur permettait d'avoir une écrasante supériorité face à leurs ennemis. Bizarrement, maintenant que seul les plus économe et stratèges ont réussi à en garder, certains des "guerriers" sentant le vent tourner pour eux décrétèrent qu'une utilisation d'un tel outil était déshonorant ... comme quoi les coups sournois ne viennent pas uniquement de mon clan"

L'histoire de la poudre noire remonte loin, le précepteur de Tokiwa l'avait mentionné sans trop s'étendre sur le sujet. Cette arme avait quasiment éclipsé les samurais de l'empire. C'était malheureusement bien peu comparé à la connaissance que semblait avoir Akihiko sur le sujet, mais était aussi bizarre que cela ? Juriste comme il est, il se devait d'avoir une connaissance de lois qui remontait parfois à plusieurs siècles. Mais était il vraiment un Juriste ? Le corbeau avait porté tant de masque durant cette journée que l'on peut douter de la moindre de ses paroles. Et si c'était ca la force de ce clan maudit ? De n'être jamais sûr des paroles qu'ils prononcent, cela créé l'inconnu. C'est cet inconnu qui faisait doutait leur ennemi et Tokiwa savait bien qu'un doute dans un combat menait bien souvent à la défaite : "une détermination acéré est la plus puissante des armes d'un samurai".

"En ce qui concerne les "expériences" qui ont troublé votre fief, je tiens a vous assurer que je n'y suis pour rien. C'est en apprenant l'apparition de ce savant sur vos terres que je l'ai ... comment dire, "persuadé" de rester ici, sous la garde de vos Magistrats. Je ne vous demande cependant pas de lui pardonner pour ces expériences. Ces "échecs" comme il le dit, sont la conséquence d'une vie à fuir et étudier une magie qui nous dépasse tous. Il faudrait toutefois que son passage et que ses expériences restent secrètes. Et si possible qu'elles puissent continuer sous le controle de votre famille et de la mienne"

Les fourrés étaient de moins en moins dense. Laissant peu à peu apparaitre un ruisseau dont le bruit ne semblait arriver aux oreilles de la samurai que maintenant. Elle remarquait aussi qu'à cet endroit, les insectes n'étaient nullement en train de la tourmenter, en particulier parce qu'il n'y en avait plus. L'endroit est d'un calme encore plus dérangeant, sans savoir pourquoi, la zone semble légèrement plus morne. C'est un peu comme si un fin nuage passait au dessus cette région sans véritablement avoir envie de partir. Au bord de ce ruisseau se trouvait une grotte devant laquelle se trouvait un petit camps. Les 3 disgraciers allèrent justement devant celui ci pour déposer leur armes. Akihiko, lui traversa le ruisseau avant de descendre de sa monture pour passer un coup d'eau sur ses pieds encore légèrement boueux

"Si vous voulez vous rafraichir un peu ou encore retirer les quelques traces de boues ... l'eau est bonne. L'avantages des tempêtes en été"

Je rougis légèrement lorsque que le seigneur Corbeau évoque le point de vue des samouraïs conservateurs vis-à-vis des armes à feu. Malgré qu'on ne se soit jamais parlé, je sais ce qu'en pensait mon père par le biais de l'enseignement et des traditions qu'on m'a inculqués. Et pour tout dire, c'est un point de vue que je partage par a priori.
Aussi je baisse la tête une fois de plus, profitant de ce que je suis tête nue pour laisser quelques mèches de cheveux dissimuler mon trouble. Passant la longe dans ma main gauche, je m'arrête un court moment contre un tronc pour retirer un glaviot de boue gluante de ma semelle. Les sabots de mon cheval charrient de vrais blocs de terre, c'est encore pire.
Mais voilà que nous émergeons finalement dans une trouée moins oppressante. Une petite claie baignée d'un calme rafraîchissant. Ne seraient-ce les pensées qui me tourmentent, j'en pousserais un soupir de soulagement. Il émane néanmoins de cette zone une profonde sensation d'abattement.
Et le spectacle de ces hommes, ces traîtres, qui viennent déposer leurs armes n'est pas fait pour me réjouir.

Je grimpe sur mon cheval pour franchir le petit cours d'eau et repose pied à terre de l'autre côté. Dédaignant muettement l'invitation de mon "hôte", je reste en retrait, une main perdue dans l'encolure de ma bête encroûtée. Je m'étire le dos, savoure le délicieux craquement de quelques vertèbres et relève mes cheveux sur le front d'une main moite.

- Vous savez Motomatsu-sama, je pense qu'il y a dans l'art du kenjutsu une forme de noblesse qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. La distance qui sépare les combattants est idéale. Les mouvements sont gracieux, comme une danse en l'honneur d'une pluie automnale aux gouttes rouge sang.

Je me penche pour arracher un brin d'achillée que je glisse entre mes lèvres. Résidu enfantin d'une époque très lointaine où l'on me destinait simplement à la lecture, la musique et la poésie.

- Si la lame est un vœu de l'esprit, alors les armes à feu sont une apostasie par comparaison. Vous l'avez dit vous-même, prendre une vie ou en disposer est une grande responsabilité. Il convient d'en mesurer l'importance et le poids. Lorsque l'on frappe quelqu'un, saisir toute la pureté de l'œuvre des kamis.
Les armes à feu ne permettent pas ce genre de chose. Elles tuent par anonymat. Par centaines. Ce truchement métallique n'est plus une extension du corps, c'est un outil vulgaire sans saveur qui dégage une odeur rance.

Je ne pense pas qu'Akihiko s'attendait à s'engager sur un terrain philosophique en me parlant toilette. Je me surprends à lui sourire et à retrouver un bref instant l'étrange familiarité qui nous a rapproché dans la matinée. Et puis je reprends conscience que j'ai en face de moins mon vainqueur. Celui qui m'a humiliée, trahie et qui maintenant m'entraîne dans cette équipée dont je ne comprends ni n'approuve les buts.

Détournant le regard, je reprends d'un ton plus distant.

- Pour ces mêmes raisons, je pense que tout le monde ne devrait pas être en mesure de brandir l'acier. La caste des bushis -et plus particulièrement celle des samouraïs- existe parce qu'elle endosse la responsabilité de mesurer l'importance de la vie. Alors oui, il y a des coups bas, des arrangements égoïstes et des abus de pouvoirs. Mais il n'est pas facile de conserver la tête froide lorsque l'on reçoit la puissance. Peu d'entre nous en sont capable. Moi-même je succombe parfois à l'ivresse du commandement suprême. N'est-ce pas également votre cas ?

Je me retourne et desserre légèrement une lanière d'épaule qui me fait mal.

- Après tout, nous ne sommes qu'humains. Et nous ne sommes pas supposés nous élever au-dessus de ça. Nous sommes simplement supposés tirer le meilleur de nous même et de ceux dont nous avons la charge. C'est ainsi que nous contrebalançons nos torts, en produisant plus de biens que de maux.

Tournant la tête, je regarde Motomatsu droit dans les yeux, par dessus mon épaulière dont le métal poli ne renvoie aucun reflet dans cette atmosphère de plomb.

- Mais ça ne signifiera jamais que la fin justifie les moyens. Alors maintenant que je vous ai exposé tout ce que vous trouverez en moi… parlez moi donc de cet endroit.