Eaux Troubles

Alors qu'Hashimoto pose sa question, espérant ne pas éveiller les soupçons de de son interlocuteur, elle le voit réfléchir et remonter légèrement sa lèvre inférieure. Cela lui donnait une impression assez amusante, qui n'est pas vraiment protocolaire mais qui n'en est pas moins signe d'une réflexio. Il reste comme ça avant de commencer sa réponse sans être forcément à l'aise.

"Je ne sais pas si on peut dire que j'ai entendu quelque chose sur les environs. Mais je suis quelqu'un de plutot prudent. L'une de mes devises personnelles est "toujours regarder ou l'on met les pieds". Mes voyages d'agréments n'y font pas exception. Le plus simple serait de vous montrer..."

Le samurai affiche un sourire content de pouvoir montrer un de ses pouvoirs à son interlocutrice. Certes l'esprit stratégique de Tokiwa pouvait déjà se réjouir de pouvoir voir une démonstration de pouvoir d'un membre du clan du Corbeau. Akihiko joint ses mains un instant, prenant un air concentré avant de se mettre à réciter une incantation avec une rapidité de diction qui étonnerait n'importe qui. Ses yeux se ferme rendant son apparence encore plus proche de la transe, son index et son majeur droit lever devant sa bouche alors que sa main gauche semble soutenir sa jumelle. Les paroles forcèrent en intensité signe que le sort allait bientot se lancer, sa main droite se rapprocha de sa bouche. Puis il fit avec ses mains un enchainement de signe d'une précision extrême avant qu'il ne glisse son index et son pouce dans sa bouche pour siffler avec. Le sifflement est puissant mais pas forcément désagréable. Tout à coup, un bruit d'ailes se fait entendre et un corbeau se pose à coté d'Akihiko qui affiche un sourire amusé de sa petite blague. Il caressa la tête de son compagnon alors que celui ci la lui présentait. Un petit croassement satisfait se fit entendre alors qu'il recevait sa récompense

"Kuromaru est l'un de mes petits éclaireurs. Il me préviens quand il y a des choses peu communes dans la régions. Et votre petit groupe de cavalier portant la bannière des Hashimotos et commandé par une femme n'est pas bien courant dans cette petite région. Quant à la raison de votre présence en ces lieux j'ai d'abord cru que l'annonce de mon passage dans cette région était arrivé à vos oreilles. Je n'aime guère visiter les seigneurs sur mon chemin. Voyant l'insigne impériale, ils tentent tous, plus ou moins, de savoir pourquoi je passe dans leur région alors qu'en réalité il ne s'agit que de mon propre plaisir. De plus, cela m'évite d'avoir à assister à des repas et d'autres convenances qui, même si je les apprécie, ne manque pas d'être particulièrement répétitive d'un domaine à l'autre. Je me suis dit que découvert, mieux valait que j'aille me présenter à vous. Toutefois, étant donné la surprise que vous avez affiché, je me doute qu'une affaire de première importance a attiré votre attention sur cette région, et que peut être celle ci est en rapport avec le petit groupe de paysans armés qui patrouillent à 2 ou 3 kilomètre vers l'Ouest"

Akihiko décrocha un peu de riz de sa boulette avant de le donner à son compagnon de plume noires. Celui ci semblait l'accueillir avec appétit et ne manque pas de remercier son maitre en croassant avenc de sautiller sur ses pattes noires elles aussi. L'animal était parfaitement dressé, et les geste de Motomatsu-san était d'une sorte de tendresse retenue envers l'animal, comme s'il voulait le cajoler mais qu'il se retenait volontairement pour une raison que son interlocutrice ne voyait pas avec précision. Certes c'était plutot mal vu de le faire en société mais le protocole n'était guère son soucie aujourd'hui semble-t-il. Peut être était ce simplement qu'il n'aimait pas afficher un attachement particulier envers une personne en qui, malheureusement, il ne pouvait vraiment faire confiance. Comment être sûr de ce que pense cet homme qui prend un malin plaisir à manipuler les apparences ?

A l'issue de la démonstration arcaniste du Corbeau, je sens bien que je pique un far. Je voudrais bien dire que je ne suis pas impressionnée par la capacité élégante et assez mystérieuse qu'à cet homme à faire plier les kamis à sa volonté. Je voudrais m'insurger contre ça, montrer que je ne suis pas une villageoise qu'on égaille par quelques effets de manche !
Mais je dois bien avouer que je suis troublée. Autant par l'apparition du corbeau (l'animal) que par la prestation du Corbeau (l'autre).
Je toussote et opine légèrement de la tête:

- Vos présomptions sont exactes Motomatsu sama. Je commande ici une opération assez délicate qui nécessite que je contourne certaines habitudes. C'est pour ça que vous avez pu voir des paysans en armes arpenter les chemins sous la direction d'un de mes hommes les plus loyaux.

Voilà, c'est ça, surtout ne pas montrer que je ne maîtrise rien de la situation et faire mine d'ignorer la légion de fourmis qui envahissent mes jambes depuis qu'il a précisé la distance qui me sépare de ce que j'espère être le groupe de Misami.
Je distille mon impatience dans un sourire qui tient sans doute plus du rictus guerrier que d'une franche expression de courtoisie.

- Disons que c'est ma manière de surprendre mon adversaire.

Je me racle la gorge et expédie le reste de mon thé avant de reposer le petit bol d'un geste assez définitif pour signifier que j'aimerais en finir avec cette petite collation. Seulement cet homme m'est supérieur en titre, rang, et position ; je ne peux rien lui demander. Et j'en suis donc réduite à attendre son bon vouloir pour me lever !!
Mais il ne sera pas dit que la "petite lionne" (qui me reste encore un peu en travers de la gorge) ne sait pas faire bouger les choses.

Triturant machinalement la garde de mon wakizashi, je replie deux doigts devant mes lèvres, faisant mine de réfléchir à quelque chose :

- Nous sommes en chasse Motomatsu sama. D'ailleurs, je pense que nous devrions rapidement arriver à piéger notre proie. Je sais que ma requête va vous sembler incongrue mais cela vous intéresserait-il de participer à la traque ? Je me doute que vous avez déjà dû voir quantité de ces expéditions de samouraïs psychorigides mais comme vous l'avez dit, il est plus rare qu'elles soient conduites par une femme.

J'achève ma petite déclaration d'un sourire plus franc cette fois, en le regardant directement dans les yeux. Je ne suis pas vraiment hostile envers Motomatsu. J'aurais plutôt du mal à résister à cette forme de charisme ténébreux qui émane de lui… un peu comme une forme d'interdit à franchir. Ce qui le rend d'autant plus dangereux à mes yeux.

Un sourire de convenance s'affiche clairement sur son visage alors que Hashimoto lui propose de participer à la chasse. Etrange que son expression soit aussi visible d'ailleurs. Pendant la première fois dans la conversation qu'elle a l'impression qu'il est légèrement mal à l'aise. Peut être est son physique, bien peu taillé pour le combat de prime à bord ? Ou bien est ce pour une autre raison qui pour l'instant n'est pas bien clair. Toutefois, juste avant de répondre, il semble remonter son regard et le planter dans celui de son interlocutrice. Certes il avait les yeux tellement étiré qu'il était difficile de voir où se poser véritablement son regard, mais la chef de famille, ne le voyait pas, elle le sentait. Cela ne l'empêcha pas pour autant de répondre pour autant, sans lacher le contact visuel.

"Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un foudre de guère, Hashimoto-san, et mes pouvoirs ne sont que rarement offensifs, et ne vous serait pas d'une très grande utilité. Je suis désolé"

Il baisse alors le regard mordant délicatement dans sa boulette de riz et macha de manière délicate. La conversation semblait tournait vers sa fin, il le sentait. Mais Tokiwa sentait que Akihiko réfléchissait à quelque chose. Peut être une manière de t'aider car, en tant que samurai, il serait mal vu pour lui de ne pas offrir assistance alors qu'il a été clairement stipulé par la suzeraine de la région qu'elle souhaiterait le voir participer à l'affaire. De plus, il semblait particulièrement concerné par l'affaire de la samurai-ko, peut être n'avait il plus la neutralité et le recul des juristes du Corbeau ? Avait il, en un sens succombé au charme de Hashimoto ? Avait il des projets pour elle une fois que la crise serait passée ? Des possibilités toutes aussi viable et diamétralement opposée. Le mystère n'en restait pas moins complet alors qu'il reprenait :

"Par contre, mes pouvoirs pourrais vous être utile pour ce qui est de la logistique. Mon petit Kuromaru et ses amis sont de merveilleux messagers, cela pourrait vous être d'une grande aide pour vos manoeuvres. Certes ce sont des paysans mais ils n'empêche que si, comme vous dites, ils sont commandé par un de vos hommes de confiances je suis sûr que celui ci saura comment les manoeuvrer. Entre vous et moi, nombre sont ceux qui sous estime le courage et la valeur des paysans, mais tout bon stratège doit savoir tirer partie de son environnement et de ses ressources"

Hashimoto le savait, l'information est souvent la clef de la victoire dans une bataille, de plus, si d'aventure, d'autres de ses hommes arrivaient, mandé par son message, porté par Chuemon, il allait peut être falloir certaines capacité à centralisé les actions et à les coordonner. C'était un cadeau précieux qu'offrait Motomatsu et les cadeaux du clan du Corbeau, malgré le doute concernant leur raison, ont la réputation d'être toujours d'une grande utilité. Encore fallait il que la chef de la famille Hashimoto l'accepte

Mon visage se ferme sous la réflexion, la surprise et peut-être aussi, une légère pointe de déception. Refuser le combat… Les Corbeaux n'ont-ils donc aucun honneur ? Je conçois qu'un samouraï puisse choisir de servir l'empereur par la parole plutôt que par l'épée. En revanche je comprends mal comment un homme fier et digne peut ceindre un katana et se faufiler entre les occasions de l'utiliser.

Je détaille plus attentivement le physique d'Akihiko en quête d'indices. Elancé et mince, il n'a effectivement rien d'un vétéran couturé qui aurait porté l'étendard de l'empire dans des contrées hostiles. Ses mains sont plus délicates que les miennes et ses bras que je devine assez maigres à partir des poignets sous son kimono ne sont sans doute pas coutumiers des franches taillades. Même son teint reste pâle malgré une vie à arpenter les chemins… mais sans doute est-ce là une des marques des sorciers.

Je détourne les yeux fugitivement pour ne pas avoir l'air de m'attarder.

Faible en apparence… Mais je me souviens de mon premier affrontement contre un Corbeau. Je n'ai rien oublié, ni l'impact des coups, ni de la maestria de ses gestes. Les samouraïs de ce clan ténébreux compensent leur physique par leurs pouvoirs. Magie presque impie… recourir ainsi aux kamis ne me semble pas assez respectueux pour être tolérable. Mais qui suis-je pour en juger ?

Et la magie… c'est précisément ce qu'il me propose au lieu d'une lame supplémentaire !
Hum.

Je me racle la gorge pour briser le silence avant de répondre à voix haute et distincte :

- Votre concours est apprécié bien sûr Motomatsu sama. Votre Art surprendra mes féaux mais je suis certaine que l'avantage tactique que nous en retirerons sera déterminant.

J'accepte donc, à contrecoeur. Mais d'une manière que j'espère assez délicate pour lui signifier qu'il ferait sans doute mieux de tenir ses volatiles à l'écart de mes hommes. Le corbeau, même manipulé par un fidèle de l'empereur, reste un oiseau de mauvais augure.
Le fait de devoir concilier ces différents aspects alors que je ne devrais me concentrer uniquement sur le mystère des disparitions me met en rogne. Je m'en mordille les lèvres mais ça ne change rien.

Tapotant impatiemment sur le rebord crénelé de la protection d'acier verni qui me couvre le haut de la cuisse, je reprends :

- Nous pourrons nous mettre en route dès que vous le souhaitez Motomatsu sama. J'avais justement dans l'idée de chevaucher à la rencontre de mes paysans ce matin pour recueillir leurs informations.

Je brûle de rompre cette discussion. J'en ai marre. Ma claque. Ras le bol ! Place à l'action.

Alors que Hashimoto acceptait l'aide de Motomatsu celui ci lui sourit de manière totalement sincère. Peut être que ses maigres talents en tant que combattant il pouvait aider sa peut être future épouse à résoudre un problème assez grand pour pouvoir ? D'autant plus que, comme l'avait supposé la jeune héritière, jamais les Motomatsu n'avaient brillé par le combat, toujours par la parole. Cela en fait il des moindres samurais ? L'empereur ne semble pas le penser. Après le débat reste ouvert, mais Tokiwa souhaite-t-elle le déclencher tout en ayant conscience de la position de sa famille, dite combattante, et de celle de Motomatsu, dit diplomate ? Il faut croire que non.

Mais l'heure de la conversation semblait être terminée, pour preuve Tokiwa ne tient plus sur place. Certes Akihiko aurait peut être apprécier voir durer la conversation plus longtemps avant de se lancer dans une aventure qui ne le regardait pas, mais il termine sa coupe de thé avant de se lever et de faire signe à son corbeau de monter sur son épaule.

"Qu'attendons nous alors ? Vous êtes là à discuter alors que vos paysans font tout le travail ... ah la la toujours en train de trainasser ... J'ai hate de voir le coeur de la petit Lionne pour qu'elle taise les mauvaises langues à son sujet"

La remarque de Akihiko n'était nullement sérieuse à en juger son sourire malicieux sur son visage. Bizarrement l'homme ne semblait pas souffrir après s'être maintenu en tailleur pendant plus longtemps que son interlocutrice pourtant, surement l'habitude des salles de réunions. Mais ce qui étaient beaucoup plus bizarre c'était sa manière de remettre ses chaussure, enfin ses tongs. Celles ci attendaient dans la boue au pied de la petite plate forme sur laquelle vous vous trouviez. D'un petit bond, il tombe dessus, et ce sans la moindre glissade, petite hésitation. Il était évident que l'homme était un bon comédien, serait il un bon acrobate aussi ? La preuve est qu'au moins il n'a pas un mauvais équilibre. Il appela ses gardes en ne disant rien de plus que "Gardes ?" et ceux ci arrivèrent presque aussitot avant de se mettre au garde à vous. Il leur dit alors d'une voix tout ce qu'il y a d'autoritaire.

"Changement de plan, cette région semble avoir besoin de soutient. Sasouke-san ? Pars et va voir notre futur hote, et mes le au courant de mon retard. Je le rejoindrai une fois cela fini. Les autres, votre mission, à savoir me protéger tient toujours, bon travail et échauffez vous les jambes car nous allons voyager"

Ses ordres donné, il se retourne vers son hote actuelle, Tokiwa, pour lui proposer sa main pour descendre la marche sur laquelle elle se trouve toujours par galanterie. Comme dirait l'autre, la galanterie n'a rien à voir avec l'apparence mais avec le comportement. La preuve, ce n'est pas parce qu'une dame est une chef de famille et qu'elle porte une armure qu'il n'a pas à lui proposer son aide pour descendre dans la boue. Après un sifflement, une monture noire jaillit de nulle part sans la moindre selle ni liens pour l'arnacher. La bête s'arrête à coté de son propriétaire ce qui permet à la jeune Hashimoto de l'admirer avec soin. En y regardant bien, la bête n'est en rien bizarre ou mystique. Ce n'est qu'un cheval à la robe d'un noir étonnamment sombre. Pas le moindre reflet brun. L'animal est calme semble attendre les ordres de son maitre, tout comme les deux autres gardes

Un poing dans l'estomac. Souffle coupé, j'accuse le coup et manque une respiration avant de noter le rictus moqueur peint sur son visage. Je ne sais qu'en penser mais une fois de plus, je me sens flouée.
Mais je n'ai pas le loisir de m'étendre sur le sujet, fouettée par la remarque d'Akihiko, je me redresse à mon tour et bafouille une quelconque excuse avant de me diriger vers le rebord de la plateforme.

Hein ? Comment a t-il fait ça ?

Et maintenant son cheval. Mes lèvres sont encore arrondies de surprise lorsque je vois arriver un élégant étalon, peut-être pas aussi lourd que nos montures de guerre mais certainement plus racé.
Je baisse les yeux sur le Corbeau et prend le temps de me recomposer. Il a fait mention d'un autre hôte. Bien sûr, je suis idiote ! J'aurais dû m'en soucier plus tôt.

- Pardonnez moi Motomatsu sama je n'avais pas l'intention de vous retarder dans vos plans. J'ai maintenant une dette envers vous et je m'efforcerai de m'en acquitter de la manière la plus honorable et la plus adéquate pour vous.

Je claque deux fois dans mes mains pour faire venir Hidezaku.

- Rassemble les hommes et trouve moi Takae. Il nous accompagne.

Il va sans dire que le Ryomin ne va pas chevaucher comme nous, ce qui signifie que malgré mon impatience, nous serons contraints de tenir une allure modérée pour ne pas essouffler le petit homme. Mais c'est une bonne chose, après cette radée le terrain n'est pas sûr et ce mors aux dents de nos montures nous évitera des incidents de parcours.

Lorsque mes propres bushis reviennent, j'ai déjà enfilé mes propres sandales de combat. Piquée par ses dernières plaisanteries, j'ai refusé la main de Motomatsu. Sans vraiment le regarder… comme si je ne l'avais pas remarquée.
De toute façon il ne me sied pas de passer pour une dame qu'on escorte et qu'on assiste. Il veut me voir à l'œuvre ? Je vais lui donner du mordant.

Je grimpe agilement sur mon propre destrier et enroule les rennes autour de mon poignet gauche afin de garder une main libre pour manier le katana. Manji m'apporte justement mon sabre que je noue fermement aux deux boucles prévues pour cet effet sur la selle. Les préparatifs avancent vite.

Passant à côté d'Akihiko, j'avance un peu entre les hommes avant de faire volter mon cheval. Les quatre cavaliers nanginatas sont là. Avec les quelques "gardes" du Corbeau, cela nous laisse moins d'une dizaine de lames.
Largement suffisant pour tout affrontement contre des bandits dépenaillés. Mais s'il s'agit d'autre chose… et bien il faut espérer que Chuemon sera diligent.
Passant sur la droite, je me redresse sur les étriers pour clamer à voix haute :

- Bushis ! Nous allons faire route à l'ouest. Nous progresserons à allure mesurée et prudente. Notre objectif est de joindre un groupe de paysans conduits par un dénommé Misami. Restez sur vos gardes et tenez vos hampes à main ferme. A partir de maintenant, vous devez considérer que l'ennemi peut surgir de n'importe quel fourré. Au contact, nous nous efforcerons de capturer plutôt que de tuer mais n'hésitez pas à châtier les fauteurs de troubles s'ils s'avèrent trop belliqueux. Vous êtes autorisés à trancher mais faites en sorte de garder leurs langues intactes.

Puis sur un raclement de gorge, j'étends mon bras droit à l'horizontale, paume vers le haut dans un geste généreux en direction Motomatsu envers qui j'incline la tête :

- Le seigneur Motomatsu du clan du Corbeau ici présent nous fait l'honneur de sa présence et de son assistance pour cette tâche. Soyez fiers et dignes, l'œil du divin Sinseï Sho-Qïn est sur vous !

Puis refaisant le trajet en sens inverse, je me baisse pour parler à Takae :

- A côté de moi Takae, tenez moi informée si des détails vous semblent digne d'importance.

Puis enfin, à l'intention d'Hidezaku, mon nouveau porteur de bannière :

- Tu remettras un portefeuille à la femme de Takae en remerciement.

C'est un système que j'ai moi-même mis en place. Plutôt que d'annoncer les sommes que je dispense (ce qui ne serait pas très digne), je fixe une mesure personnelle. Un portefeuille contient 5 Yules, une somme assez confortable mais pas de quoi clamer sa richesse. Je ne veux pas créer de jalousie excessive entre mes sujets.

Je suis prête, je coiffe mon casque ornementé et boucle la jugulaire. Passant une nouvelle fois au côté du Corbeau, j'opine du chef :

- Motomatsu-sama. Si vous le voulez bien nous prendrons la tête de la colonne.

Et d'un geste sec, j'ordonne la mise en branle de notre petite escouade.

Alors que Tokiwa donnait ses ordres, son invité était monté sur sa monture unique alors que son messager, après un peu d'échauffement, se lança à toutes jambes. S'il y avait un soucis sur le chemin, il ne semblait guère en avoir conscience ou peur en tout cas. La garnison ainsi réunie devant chez Takae se mit presque en formation devant sa demeure. Tokiwa remarque alors que Akihiko est amusé par une chose dans sa direction ... mais ce n'est pas la jeune héritière qu'il regarde mais plutot le jeune enfant de Takae qui vient de découvrir, en se levant, toutes une armée de samurai se mettre en formation devant chez lui. Hashimoto put voir qu'il était encore plus scotché que la veille où il put voir ces guerriers impériaux quasi divins demander l'asile pour la nuit. L'enfant restait tout de même à l'intérieur alors que le porte bannière donnait quelques compensations financières à sa mère. Celle ci les prirent après avoir vérifié sur les vêtements de son mari. Celui ci venait de sortir avec son arme, habillé pour crapahuter dans la foret et surtout dans la boue. L'héritière assista alors à une scène bien rare dans son entourage. La femme, ayant réajusté les habits de son époux semblait éviter son regard. De son point de vue Tokiwa voyait la crainte dans les yeux de la mère au foyer, crainte qui se voyait avec des petites perles translucides aux coins des yeux. Son mari lui relève la tête et lui glisse quelques mots à l'oreille avant qu'elle ne se place près de la porte de la maison, comme pour montrer qu'elle était maintenant la maitresse des lieux. L'homme s'avança vers Tokiwa avant de s'incliner légèrement.

"Hashimoto-sama, je vous suivrais jusqu'à ce que vous n'ayez plus besoin de moi"

Dans sa voix, l'héritière sent une sorte de regret face au devoir qui l'attendait. Il savait surement que son role était important pour la résolution du problème qui terrorise la région mais laisser la maison sans défenses ... enfin sans pouvoir agir en cas de problème, cela le tiraillait. Mais telle est le role de la petite Lionne en tant que chef de famille. Elle brise les familles pour la gloire de l'empereur. Les lois et les livres disent bien évidemment que les gens doivent obéir aux ordres mais, quand ceux ci mourront et qu'ils ne pourront jamais revoir leur famille, Hashimoto saura-t-elle l'assumer ? En tout cas la question ne se pose pas encore et, avec de la chance, elle ne se posera pas. Il faut dire qu'au total, elle allait avoir sous ses ordres une douzaine de personnes prêtes à aller combattre, qui pouvait résister à une telle force de frappe. D'autant plus quand une armée de cavalier allait la verrouiller et la ratisser. La petite troupe se mit donc en route, avec Akihiko en tant que guide, étant donné qu'il savait où se trouvait la troupe de paysan, et Takae qui les guidait parmi les pièges de la foret. L'homme du peuple était, d'ailleurs, d'une habileté rassurante dans ces bois qu'il cotoyait de manière régulière. Ses pas, sans être véloces, étaient plus rapide que la normale, surement pour ne pas faire perdre du temps à sa suzeraine ou encore pour terminer ce travail au plus vite.

A chaque minutes, Hashimoto put observer cette foret dans laquelle se cachait, peut être une menace encore inconnue. Il faut dire que les bois étaient denses et que la végétation lui fit, à plusieurs reprise fit avoir ce qui semblaient être des hallucination auditives. Mais une foret est pleine de vie et les bruit des bêtes se cachant de cette armée d'humain, pouvait faire croire à bien des chose. Plus la troupe s'enfonçait dans la foret, plus la végétation était dense pour ensuite réduit et laisser place à de grand arbres glanant plus de végétaux que ceux de l'orée, désherbant naturellement la petite végétation. Cela donna presque l'impression d'une enceinte d'arbuste signifiant la frontière entre le territoire humain et celui de la nature. La nature, un autre suspect pour Hashimoto ?

Il ne fallut pas plus d'une heure pour voir au loin un groupe de de personne en train de crapahuter dans la foret. Apparaissant dans leur dos à environ 100 à 200 mètres d'eux, ils n'ont pas encore vue la troupe qui pouvait les voir armés de quelques armes improvisés, de batons, de faux et de lance de chasse. Ils avaient surement de l'armement d'appoint comme des hachettes ou des petites lames mais rien de comparable à l'armement de la petite armée. Et pourtant ces gens ne semblaient pas effrayé, plutot sur leur gardes, dans une formation approximative et surtout tenant leur armement d'une manière peu conventionnel.

En cet instant, il n'y a pas de place en moi pour l'hésitation, le sentiment ou la bagatelle. Je suis tendue, corps et esprit sur l'unique tâche que je dois accomplir : résoudre cette affaire de la manière la plus rapide et simple possible. De fait, je n'accorde même pas une pensée à la promesse de Takae. Evidemment qu'il suivra mes ordres.

Nous chevauchons entre les arbres sans émettre d'autres sons que la succion des sabots dans la boue collante, les renâclements des montures, les crissements du cuir et le tintement occasionnel de boucles métalliques. Il fait plus sombre dans les bois et la rosée matinale additionnée de l'eau stagnante d'hier a créé un bourbier qui ralentit notre progression. Le climat est plus oppressant, mis en scène par un démon joueur qui voudrait nous faire perdre nos repères.

Mais je suis confiante, le regard fixé droit devant moi, je m'efforce de percer l'enfilade de troncs noueux qui s'interposent sans cesse. Je ressens déjà, sans doute par excès de fougue, la pulsation vive du sang contre mes paumes. Je meurs d'envie d'en découdre. Un peu comme si l'inaction pataude des derniers jours avait endigué une rage en moi qui se déverse à présent en cascade dans mes veines.
Je ne laisse que rarement mon regard tomber sur la silhouette agile de Takae. Il se débrouille bien dans ce terrain hostile. Mais sans doute est-ce plus commode de progresser à pied…
Tournant la tête, je capte le profil de Motomatsu sur la droite. Toujours aussi droit et étrangement propre malgré la crasse collante soulevée par les chevaux. Un bref sourire un brin sardonique s'étire sur mes lèvres. Toute cette pureté est trop irréelle. C'est un mensonge. Mais je préfère ce genre de coquetterie à la puanteur que dégagent rituellement les guerriers du clan de l'Ours. Dans le fond, j'aimerais sans doute moi aussi connaître moins de démangeaisons sous cette armure grinçante.

Je suis interrompue dans ma rêverie par un claquement de langue sec dans mon dos. Un des hommes vient de remarquer quelque chose. En plissant les yeux, je les vois moi aussi. Ils n'ont pas l'air menaçant. Je fais claquer mes rênes et talonne ma monture, prenant une légère longueur d'avance sur mon escorte.

- Hai !

Passant sans vergogne au milieu du groupe de paysans, je cherche un visage familier sous ces haillons. Rien de reconnaissable. Je tourne, je tourne, puis lasse de ce petit jeu, je lance d'une voix forte :

- Y'a-t-il un dénommé Misami parmi vous ?

Alors que Tokiwa interpèle les paysans, ceux ci, totalement surpris, lève tout de suite leur armes et semble tenter de se mettre en formation défensive. Certes, pour un oeil exercé, les paysans n'ont vraiment aucune notion de discipline ou d'habitudes guerrières, mais ces fourches, faux et lances bas de gammes pouvaient aussi faire des dégats. Toutefois, une fois la bannière des Hashimoto en vue, les paysans semblèrent baisser leurs armes et se mettre à genoux, quasiment front contre le sol. La suzeraine en imposait dans son armure suivie d'une petite dizaine de soldats et un noble. Comment pouvoir justifier leur présence et leur armement ? Peu importait pour eux, ils avaient devant eux la relève, du moins c'est ce qu'ils pensaient. Alors que Tokiwa passaient au milieu de ces gens, et qu'elle appelait Misami-sa, ils eurent une expression perplexe sur le visage. Le chef de cette petite troupe, un paysan un peu plus agé que les autres mais tout de même sacrément robuste, sa moustache grise lui donnant un air un peu plus sévère que la moyenne ... enfin quand il ne se prosterne pas.

"Non Sama, Misami-sama est parti avec deux forestiers il y a de cela quelques minutes. Nous étions en train de suivre ses traces et..."

Soudain un cri de douleur se fait entendre au loin pile dans la direction que venait d'indiquer le chef de la petite troupe. Quelques instant plus tard, un autre cri se fit entendre avant qu'une voix reconnaissable par Tokiwa ne hurle un ordre une pointe de panique dans la voix.

"Ils sont là ! Venez vite ! Toshiro et Aketsu sont mort !"

Le groupe de paysans se retrouvait bloqué attendant la réaction de la suzeraine, tout comme ses soldats. Certes Misami était un magistrats mais tous étaient sous les ordres de la chef de famille et bouger sans son ordre serait comme lui désobéir. Toutefois, l'espace d'un instant, les regard de toutes les soldats s'étaient durci, leur mains s'était raffermi sur leur rênes et sur leur naginata. Là était la différences entre les paysans et les samurais, parfaitement illustrée à quelques secondes près. Les paysans ont peur de l'inconnu et son désorganisé par la surprise. Les samurais, eux, sont formé à ne pas montrer leur peur, à accueillir le combat même quand celui ci est imprévu. Toutefois, le seul qui gardait une réserve et un stoïcisme effrayant était Akihiko. Même si ses hommes à pieds s'étaient placer en formation pour le protéger, lui n'avait, semble-t-il aucune crainte, comme si sa position d'observateur lui conférait une invincibilité étonnante. Arrogance, comédie ou complicité ? Comment savoir ce qui trame dans la tête d'un corbeau ?

Quelques minutes ?! Bon sang, Misami est vraiment insaisissable. Mais cette fois, je ne suis plus très loin. Avec un peu de chance…

"Ils sont là ! Venez vite ! Toshiro et Aketsu sont mort !"

Je réprime un juron par une curieuse grimace et tire sur les rênes pour faire virer ma monture dans la direction du cri. Mon excitation se propage. Pas question que je laisse échapper cette occasion. Gonflant ma poitrine, je dégaine mon sabre d'un geste souple et fluide. Le sifflement de l'acier reptilien me couche un frisson dans le dos.

- Armes au clair ! A moi !

Talonnant furieusement pour me lancer dans un petit galop, j'arrive péniblement à me tirer de l'ornière du chemin. Le terrain n'est pas idéal, il faut sans cesse compenser en se penchant d'un côté ou de l'autre de la selle. Et pour ce qui est de charger, c'est cramé. Je suis contrainte de ralentir le mouvement. Il ne manquerait plus que l'héritière Hashimoto morde la boue par excès de fébrilité !
La lame du katana est par ailleurs assez longue pour risquer de se ficher dans un tronc. S'il y a engagement, les armes courtes auront l'avantage.

Un regard en arrière m'informe brièvement de la position des hommes. Les cavaliers gênés par les bois, les hommes à pieds progressent plus facilement. Je serre les dents. J'embarque tout le monde, les guerriers, les paysans et même Takae qui doit déjà être moulu. C'est une erreur, ils vont me gêner mais d'un autre côté, le surnombre peut me donner l'avantage.
Je fais passer la lame au ras de l'encolure du cheval, légèrement inclinée vers le bas et me penche en avant. Encore une enfilade de sapins détrempés dégoulinants de résine collante et je tombe sur…

L'ordre était donné, le signal de la bataille, et tout les cavaliers donc les montures semblaient rugir d'impatience se mirent en mouvement, passant dans la foret en une ligne mouvante. En avant de cette ligne se trouvait Tokiwa, son arme dégainée, foncant à travers les fougères et les troncs qui étaient des obstacles particulièrement génants pour les chevaux. Fort heureusement, la nature n'était pas uniquement là pour ennuyer ces cavaliers ou les hommes à pieds. La végétation avait, pour la plupart séché le sol au point de le rendre plus stable que celui du chemin. Les cris provenait en haut d'une montée assez brutes mais ne pouvant pas pour autant stopper la pseudo charge des cavaliers de la petite Lionne. Cette pente créa cependant un léger retard pour les troupes à pieds, en particulier les paysans qui n'avaient pas tout à fait l'habitude de la charge. Arrivé en haut du promontoire, la samurai et l'avant garde pu voir enfin l'homme tant recherché : Misami. Celui ci avait son katana en main, une main plaqué contre son cou, surement pour éviter de perdre trop de sang d'après ce qu'elle peut voir. L'homme était d'ailleurs habillé pour la traque. La dernière fois que la suzeraine avait vu son homme, il était habillé comme tout juriste d'un kimono avec le Mon du clan Hashimoto bien en vue. Là le Mon était toujours visible mais placé sur un kimono au couleur discrète et surmonté d'une armure légère. Il était de loin le plus armé mais aussi le moins touché

"Hashimoto-sama ? Faites attentions, il y a des archers"

Usant de son sabre et et dos à un arbre, il pointait la direction d'un promontoire légèrement plus élevé où rien ne bougeait si ce n'est les arbres. Aux cotés du magistrat se trouvaient deux corps légèrement plus équipé pour la foret mais restait néanmoins moins bien équipé que des éclaireurs de l'armée. Les deux hommes avaient été touché dans des parties vitales. L'un avait recu le projectile en plein torse l'autre au niveau de la gorge. Celui ci n'était pas encore mort, du moins il bougeait encore mais les chances pour qu'il survive plus de quelques minutes étaient bien minces. De toutes évidences, les archers n'étaient pas mauvais vu les coups de maitre qu'ils venaient de réaliser de l'endroit pointer. Dans son entrainement stratégique, Tokiwa avait apprit que la puissance des archers étaient bien réduite face à de la cavalerie, mais à l'heure actuellement, les archers avaient l'avantages du couverts et l'ascendance. Pour l'instant aucune flèche n'avait été tirée mais les rodeurs avaient ils fuit où bien préparaient ils une flèches spécialement pour la plus gradé, parfaitement perché du haut de son cheval, à découvert ?

Un premier regard pour évaluer la situation. Des empennes non-identifiables. Les corps crispés dans une pantomime d'agonies douloureuses. Et Misami, planqué derrière son arbre avec une blessure mal située.
Un second regard me permet de mieux tenir compte de son avertissement. Les archers sont en surplomb. Bien sûr c'est bien pensé mais face à des soldats en armure, même le plus précis des traits peut butter contre une protection. Je pourrais choisir de charger au mépris des risques mais c'est là que vient le troisième regard.
En me retournant légèrement, je constate que mes hommes sont dispersés, gênés par les arbres. Il y a ceux qui traînent, ceux qui s'avancent trop vite… une formation brisée, c'est encore le meilleur moyen de se prendre une avoinée.
Le temps que les cavaliers arrivent au contact, les ennemis auront dix fois le temps de reculer pour trouver une autre position et finir leur travail tout tranquillement.

- Non, ce n'est pas envisageable, pensé-je tout haut. Puis baissant les yeux sur l'émissaire meurtri, je fronce les sourcils sévèrement. Misami, combien sont-ils ? Avez-vous eu le temps de les compter ou d'évaluer leurs forces ?

Mais j'ai déjà une idée. Alors avant même qu'il ne me répondre, j'anticipe la suite. Levant la main gauche, je fais stopper l'avancée de mes hommes. Je reste en selle, mais je me décale légèrement pour interposer d'avantage de troncs entre moi et la ligne de tir présumée des archers embusqués et je claque la langue à l'attention d'Hidezaku, mon porteur de bannière. Un insecte en profite pour me piquer, ce qui m'arrache un grognement irrité. Un combat après un orage, ce n'est pas le pire moment mais presque.
Lorsque Hidezaku se rapproche, je lui transmets mes instructions d'une voix trempée d'acier froid.

- Les fantassins se dépoilent à couverts sur les côtés en arc de cercle. Les cavaliers se massent en retrait au centre. Pas en ligne de mire évidemment. Que personne ne bouge sans mon commandement. Ensuite, je veux les sommations d'usage. Qu'ils envoient un émissaire ou meurent jusqu'au dernier. Dites leur qu'ils sont déjà encerclés.

Pendant qu'il se met en place, je rejoins Akihiko envers qui j'offre un léger mouvement de tête déférent.

- Motomatsu sama, il semble que nos adversaires soient tapis quelque part au sommet de cette éminence. Je voudrais connaître plus précisément leur position. Sont-ils vulnérables à un encerclement ? Ont-ils une ligne de fuite prévisible ? Je vous serais reconnaissante si vous pouviez utiliser vos talents pour me fournir quelques détails tactiques. De mon côté, je vais tenter de nous gagner un délai pour vous permettre d'agir avec plus de souplesse.

Maintenant que j'y pense, mon ton était à la limite de l'ordre. En situation tendue, je suis plus incisive… je me morigène mentalement en espérant que rien de mauvais n'en sortira. En tout cas, je n'ai pas le loisir de m'en préoccuper immédiatement. Soulageant une démangeaison au creux mon cou, je fais signe à Hidezaku pour qu'il lance les sommations. Ce dernier s'avance à découvert, bannière haute, il se racle la gorge et se frappe la poitrine, poing fermé :

- Dame Hashimoto Tokiwa, chef de la famille Hashimoto et paire du clan du Lion est ici pour mettre un terme à vos agissements. Dans sa clémence, elle vous donne une chance, et une seule, d'exposer vos vues. Envoyez sur le champ un porte-parole sans quoi vous subirez la fureur et la vengeance sans condition. Ne soyez pas obtus, ne défiez pas la volonté de l'empire une nouvelle fois ! En ce moment même nos forces verrouillent votre retraite, vous ne pouvez pas espérer vous en tirer. Répondez maintenant ou subissez le silence à jamais !

J'opine du chef, satisfaite. En fait je suis même assez fière de lui. Malgré le fait qu'il soit très largement exposé à un trait mortel, pas une fois il ne s'est dérobé ou n'a hésité en prononçant l'ultimatum. Je me doute qu'ils ne se rendront pas aussi facilement, mais je compte sur le prestige imposé par ma présence en ces lieux pour les faire hésiter. Ce qui donnera peut-être assez de temps à Motomatsu pour réunir assez d'informations.
Mais je sens que la bataille est proche. J'ai déjà du sang sur le bout des doigts… saleté de piqûre.

Les ordres étaient donné et bien vite tout les membres de l'escouade se mettait en mouvement avec une plus ou moins de facilité. Il faut dire que les paysans n'avaient pas l'habitude des placements et espacements. Toutefois, ceux ci avaient, semble-t-il décidé de les trois garde de Akihiko réagissant avec une discipline assez étonnante considérant leur apparence plus proche du mercenaire que de celui du garde impérial. Les déplacements de troupes prennent quelques secondes, seconde que Hidezaku, avec un stoïcisme impressionnant, utilise pour se mettre en tête de convoi. Pendant ce temps, le samurai du clan du Corbeau avait déjà prit l'initiative de parler à son compagnon animal qui fonçait droit en direction de la petite crête. Visiblement, Akihiko n'a pas mal pris l'ordre de la petite lionne, mais comment savoir ce qui traversait la tête d'un maitre du Corbeau ?

Les paroles du Porte Bannière s'élève aussi haut que les cieux où vole le rapace du juriste. Des paroles fortes, impressionnantes et intimidante, des paroles faites pour imposer la reddition, des paroles pleine de confiance. Un parfait moyen de déstabilisation malgré la position défavorable du terrain et la supériorité numérique peu assurée. Toutefois, Hidezaku ne fut pas coupé par la moindre flèche. C'était d'ailleurs étrange, aucun mouvement n'était visible à l'endroit pointée sur la par Misami. Pire encore, après quelques secondes suivant le discours de Hidezaku, Akihiko avait une idée de ce qui se passait là haut sa réponse était particulièrement troublante.

"Hashimoto-san ? Il n'y a personne là haut. Kuromaru ne voit pas de gensà priori. Si vous me laisser un peu de temps je pourrais appeler plus de mes agents et tenter d'élargir mes recherches"

La vermine est bien souvent le pire des adversaires, Hashimoto le voyait à présent. Non seulement elle attaquait là où on ne l'attend pas mais quand on essaie de l'écraser elle a une facheuse tendance à glisser entre les doigts. De plus à chaque fois que celle ci frappait, cela ne faisait qu'augmenter l'irritabilité de la cible. Mais, même si cela faisait près de 2 ou 3 minutes, ils n'avaient pas forcément pu aller très loin. Au pied de Tokiwa, l'homme à la flèche dans la gorge tentait malgré tout de parler, n'arrivant à produire que des petites gerbes de sang. Ses yeux supplient alors que ses mains ensanglantées cherchent à juguler l'hémorragie sans grand succès. L'espace d'un instant, Tokiwa put voir le désespoir et la douleur de son peuple s'éteignant peu à peu.

[hrp : ils sont donc trois les gars de Motomatsu ?]

Partis… déjà. Frustrée, je rengaine mon sabre et serre le poing. Ils ne m'échapperont pas éternellement. Inclinant brièvement la tête, je fais signe à Akihiko avant de poursuivre :

- D'accord, si vous pouvez essayer d'en savoir plus, cela ne peut que nous être utile. Pourriez vous également commander à vos guerriers de former un périmètre défensif autour de cet endroit ? Je n'ai pas envie de confier cette responsabilité à des paysans et mes hommes vont être très occupés dans les minutes à venir. (Désignant le porte bannière d'un geste large). Si vous avez besoin de quoique ce soit, demandez à Hidezaku, il s'executera en mon nom. Soyez assuré que nous ne quitterons pas ces lieux avant que vous n'y soyez disposé.

Je fais avancer ma monture de quelques pas pour m'approcher de la troupe mélangée. Bon, laissons tomber les manœuvres d'encerclement et tout ça. J'envoie un cavalier reconnaître les hauteurs précédemment occupées par les archers, je rassemble la piétaille et je me concentre sur l'organisation de la suite. Bilan des troupes : une poignée de mercenaires étranges ; la contribution du Corbeau, des paysans désorganisés et ma propre petite escorte pour l'instant réduite à quatre cavaliers.
Ratisser les bois serait passablement inutile, stupide et une redoutable perte de temps. Non avec cette troupe réduite à moitié composée de pécores , il y a mieux à faire. Je mets mes bushis en rang et je m'adresse à tout le monde d'une voix orageuse où la colère commence à poindre par éclairs :

- J'ai besoin d'éclaireurs, de gens qui connaissent parfaitement les lieux. Takae, vous vous occupez de recueillir les informations. Je veux un rapport complet sur cette forêts et ses alentours. Les grottes, les pistes, les sentiers, les caches probables, tout !

Je suis limitée en ressources, il va falloir utiliser tout ça intelligemment.

- Dans un premier temps, nous allons rejoindre Hi-Jal et établir notre quartier général là bas. Vous paysans, vous allez construire une barricade autour des habitations. Manji, tu superviseras ce chantier. Attendez mon ordre pour partir.

Je resserre la bride d'un tour autour de mon poignet gauche et m'adresse à un autre de mes cavaliers.

- Atsutoshi, lorsque Ginji sera redescendu vous irez sur le champ tous deux faire une inspection des fermes sur le pourtour ouest de cette forêt. Passez par le nord et redescendez par l'extérieur. Soyez prudent, cette bande se nourrit forcément sur le pays. Des complices ne sont pas à exclure. Profitez en pour faire des relevés topographiques précis en vue de rédiger une carte. Au besoin, faites vous guider par un homme du pays. Libre à vous de choisir.

Je suis inquiète, je manque d'hommes, je manque de temps et je déteste le harcèlement des tirailleurs. Ces affrontements fuyants son déshonorants. J'en viens enfin à m'intéresser au cas de Misami et de ses deux compères amochés. Les deux là ne passerons pas la nuit. J'hésite à les achever… non pas que ça me pose problème mais je n'ai pas envie de mettre fin aux jours d'un cousin ou d'un frère devant cette bande de paysans.

Je lève donc la main droite pour attirer l'attention :

- Si certains d'entre vous souhaitent s'occuper de ces deux là, qu'ils le fassent maintenant.

Puis me penchant sur ma selle et d'une voix plus sobre :

- Misami ? Ça va aller ? (Et d'un éclat plus vif). Au rapport !

Les ordres fusent à toutes vitesse et les membres de l'escouade, dont l'adrénaline venait de grimper en flèche de par la présence des deux forestiers abattus sur le sol, obéissaient à toutes vitesse. En fait, la seule personne semblant totalement détendu dans cette situation était Akihiko qui siffla bruyamment en pinçant ses lèvres, faisant réagir ses soldats presque instantanément. Ceux ci, équipé de lance, se placèrent autour de leur maitre, lance pointé vers l'extérieur. Il était assez impressionnant de voir le samourai du Corbeau commander ses gardes du corps de la même manière qu'il commande ses volatiles, de manière brève et précise. Pendant ce temps, Ginji était déjà parti en direction de la crête, alors que le second cavalier l'attendait, en demandant aux villageois la direction de leur village. Takae et le villageois moustachu bien batis se propose alors en tant qu'éclaireur, ce qui est d'ailleurs quelque peu troublant pour la chef de famille qui n'avait pas entendu parlé de paysans aussi volontaire à satisfaire sa volonté. Pourtant les écris parlent souvent d'une sorte d'absence de volonté des Heimins à combattre ou agir avec abnégation, ce qui faisait que la guerre était réservé à la caste combattantes des samurais et voir des Ashigaru (soldats non nobles). Etaient ils des exceptions qui confirmaient la règle ou une preuve que certains écris philosophiques sur les classes sociales étaient obsolètes ? Une question qui n'avait malheureusement pas encore sa place dans les besoins actuels de Tokiwa. Cette dernière avait l'attention totalement tournée vers son serviteur jadis loyal et rigoureux et dont la réputation chez sa maitresse était émietté. Celui ci gardait sa main gauche sur son coup alors qu'il rengainait son arme et trouvait un tissu pour servir de pansement. Son visage était tiré par la fatigue aussi bien physique que mentale alors qu'il s'inclinait devant Hashimoto-sama.

"Merci de vous inquiéter Hashimoto-sama, ce n'est qu'une égratignure. Je préfère de loin cette éraflure à avoir une flèche planté dans le cou. Mais la situation est quelque peu inquiétante et votre présence me surprend. Cela fait des jours que je vous avais envoyé un pigeon pour appeler des renforts mais l'absence de réponse me faisait penser que mon messager avait été abattu. N'ayant pas de nouvelle j'espérais organiser un assaut sur ce qui me semblait être le camps ennemi, une petite grotte proche d'un petit écoulement d'eau (il pointe un endroit en peu plus bas par rapport à votre position), c'était le dernier endroit que je n'avais pas fouillé à la recherche de ces fichus ronins mais c'était clairement un piège, ils nous attendaient et nous ont attaqué. Des semaines, que je suis ici et je n'ai jamais réussi à les voir autrement que par des silhouettes ou des mouvements dans les bois. Ils ne laissent pas de témoins, capable de les identifier attaquent les voyageurs isolés de manière aléatoire, que ce soit des cargaisons de soie ou bien de paille, ce qui m'a tout d'abord fait croire qu'ils soient peu intelligent, mais ils savent cacher leur trace et faire preuve de stratégie, parfois redoutable comme aujourd'hui. J'ai pensé qu'il y avait une personne qui les informaient de mes mouvements mais aucun des paysans ne savaient où je me rendais quand je les ais conscrit. J'avoue ne plus savoir comment gérer cette affaire, pardonnez moi Hashimoto-sama"

Avouer un échec est une chose difficile, encore plus pour un samurai telle que Misami, mais le fait est que 5 semaines dans cet horreur inconnue isolé de la moindre civilisation avait surement abattu cet homme plus que de raison. De plus ses capacités d'enquêteurs avaient toujours été plutot bonne, alors comment un petit village pouvait les réduire ainsi à néant. Cet échec était il pardonnable par la chef de famille qui voyait aujourd'hui son serviteur aussi marqué par ce terrain défavorable et la sensation de combattre des fantomes ? C'était une question qui, elle, devait être réglée au plus tot.

Le récit de Misami me laisse perplexe. Et puis la perplexité laisse place à une déception grinçante. Cinq semaines sans nouvelles, la situation lui échappe et au lieu de s'en tenir à une conduite prudente, il opte pour un assaut à l'aveugle avec des paysans ? Je fronce les sourcils, mécontente. Ça fait beaucoup de temps perdu. Et le prestige des Hashimoto s'écaille encore une fois lorsque les guerriers de la famille font appel à ceux qu'ils sont censés protéger.
Au regard que je lui lance, le samouraï a des raisons de pâlir encore un peu, je pourrais lui refuser les honneurs et décider de sa mise à mort immédiate.

- Tu m'as failli Misami.

Le couperet froid. Mon cheval henni comme pour apporter sa contribution à la réprimande, je l'appaise d'une tape sur l'encolure.

- En temps normal, je te laisserais laver ton honneur de la manière adéquate mais nous sommes en situation inhabituelle. Aussi, je ferai une entorse. Je ne t'autorise pas à te faire seppuku. Pas encore.
Je l'admets, ta ligne d'action n'était pas dépourvue d'un certain courage. (Je le poignarde du regard et lève le poing). Mais il ne faut pas confondre bravoure et inconséquence ! Ratisser les bois n'est certainement pas la bonne méthode. Quand tes messages restent sans réponse, tu dois prendre en compte l'intelligence tactique de l'ennemi.

Je relève la tête, peut-être arrogante, en tout cas irritée et je tranche d'un ton sec :

- Mais je ne suis pas ici pour t'enseigner ce genre de chose. Tu te joindras à mon escorte pour le moment. Fais en sorte que je n'ai plus à me plaindre de toi.

Je me détourne vivement de l'émissaire en disgrâce et repasse en revue l'ensemble des hommes restant. Je sais, c'est facile pour moi de fustiger un subordonné alors que je n'ai même pas encore été confrontée à la mélasse dans laquelle il s'est embourbé. Facile mais logique et nécessaire.
Si je suis inflexible ce n'est pas uniquement parce que c'est ce qu'on attend de moi. C'est surtout parce que c'est l'unique moyen de faire ressortir ce qu'il y a de mieux en chacun. C'est ainsi que le Lion domine sa proie.
A cette pensée, je referme ma main droite sur la poignée du katana familial. L'exaspération me rendra petit à petit moins vigilante. Je ne dois pas me laisser engourdir sous des sensations parasites. Je savais en partant du manoir que ce ne serait pas simple. Rester concentrée et alerte.
Je me dirige au pas vers le Corbeau. Pour le moment, je dois attendre que Akihiko en termine avec son rituel. Je suis étonnée par la sérénité souveraine qui émane de sa personne. Une force tranquille, froide, éclatante et incompréhensible. L'effet est saisissant… c'est la puissance du Corbeau. Différente, oh combien, de la fougue du Lion mais sans doute plus efficace quand il s'agit d'impressionner.
Quoiqu'il en soit je ne sais pas comment il fait pour rester aussi calme ! En comparaison je dois passer pour une gamine excitée. Et c'est la vérité, chaque minute que je passe ici est une minute de plus accordée à ces chiens pour prendre de la distance.

Misami ne peut rien dire, il savait déjà qu'il avait failli et savait le risque de la défaite pour un membre du clan du Lion, mais le fait est qu'il était sur ces terres pendant 5 semaines à traquer sans relache ces fantomes sans le moindre honneur. Comme tout lion, une envie de vengeance devait lui étreindre le coeur et ce même si c'est la dernière chose qu'il fera. Rengainant son arme, il fait un hochement de tête avant de se placer légèrement en retrait par rapport à sa maitresse. Pendant ce temps les villageois tentaient de soigner leur camarade qui, malgré la flèche dans le cou se battait pour respirer. Misami regardait ce pauvre homme avec un air au combien coupable. Comment les ronins avaient ils put savoir que Misami et les paysans arrivaient. Où avait il mal fait son travail ? Toutefois, il se forçait à ne pas le regarder avec pitié. Ce n'était pas par méchanceté ou par manque de coeur, mais simplement que Misami se devait de présenter comme un samurai et non comme un homme du peuple, il devait paraitre au dessus de ces considérations et stoïque.

Pendant ce temps, Tokiwa pouvait voir son éclaireur, Ginji, en train d'arriver en haut du promontoire, là où les archers avaient tiré. Comme tout bon samurai, il restait sur ses gardes et avait déjà fort bien compris qu'il était bien plus exposé que ses frères. Peu importe, son role était crucial dans la traque. Toutefois, arrivé sur place, il fit quelques tour dans les bois autour de la zone désigné avant de faire un signe que la zone était totalement dégagée. Il revint alors auprès de la chef de famille, son cheval soufflant et étant au combien nerveux après les courses qu'il vient de faire voir même un peu trop nerveux, mais ce n'était pas le plus important.

"Aucune trace de qui que ce soit Hashimoto-sama. Si des gens étaient là haut ils sont très doué. Je ne suis pas un expert en traque malheureusement"

Ginji disait vrai, il faut dire que bien peu de tes soldats étaient des traqueurs, plus habitué au combat "rangé" plutot que la poursuite à proprement parlée. Fort heureusement, Akihiko, lui, semblait particulièrement confiant en ses capacités et bien vite, des corbeaux provenant d'à peu près toutes les direction se réunirent pour atteindre le nombre de 6, ils se posèrent sur les branches autour du juriste. La scène est presque surréaliste, car les animaux sont littéralement sorti de nul part et son regard intense se plonge dans chacun de ces compagnons animaux et ne dit rien. L'intensité du regard semble parler pour lui. A chaque fois que l'un des volatile se fait passer en revu, celui ci décolle dans une direction après s'être arraché une plume et la déposer dans le creux de sa main. Les six plumes en main. Akihiko reste concentré. Même quand les villageois se réjouissent du fait que l'hémorragie du survivant. Celui ci arrive à respirer difficilement mais il est transportable. Ginji et Atsutoshi, allant vers le village, les paysans vinrent voir la chef samurai.

"Hashimoto-sama, vos hommes pourraient ils emmené notre blessé au village ?"

A cet instant, Motomatsu-sama, sort de sa transe ne manquant pas de couper la discussion en cours avec un ton faussement calme

"Il n'est pas bon de rester ici. Une chose fait peur à mes amis et c'est donc mauvais"

Hm. Ils ont filé, je m’y attendais… mais surtout, je suis mal à l’aise. Nous ne sommes pas à notre avantage dans cette forêt bourbeuse. J’ai sans cesse l’impression de sentir des yeux entre mes omoplates. Ça me démange, ça m’irrite comme une piqûre de taon. Je devrais sans doute sonner le départ. Manji rassemble déjà les paysans, je fais signe à Atsutoshi pour qu’il se mette en route avec Ginji. Du coin de l’œil, j’observe Akihiko, perdu dans une transe étrange à base de plumes de ces volatiles fétiches. Je me demande s’il s’en tirera mieux que ma petite bande de cavaliers.
Une clameur attire alors mon attention. Les villageois. Je fronce les sourcils, ils pensent que le blessé peut s’en sortir. Et au moment où je me dis que c’est une mauvaise idée, le Corbeau fait irruption avec une certitude d’une froide résolution : il faut partir d’ici. Je ne peux qu’opiner du chef, faisant basculer involontairement la visière de mon casque sur mes yeux. Ma tête est décidément plus petite que celle de mon père.
Tandis que je rajuste mon champ de vision d’un coup de pouce, je considère mes féaux groupés, agglutinés comme des mouches autour d’une plaie. Ils sont inutiles mais je ne peux pas les laisser risquer leurs vies ici. C’est donc d’un timbre tiède (je ne peux pas égaler le calme glacé de Motomatsu) que je prends l’affaire en main.

- Il n’en sera pas ainsi. Cet homme a donné sa vie aujourd’hui, vous célèbrerez sa mémoire. Maintenant, rentrez immédiatement chez vous. (Puis relevant la tête). Manji.

Mettant alors rapidement pieds à terre, je dégaine mon wakizashi et en appose brièvement la pointe sur la gorge du mourant. Je n’hésite pas lorsque je lui tranche la carotide d’un geste sec, mettant rapidement un terme à ses souffrances sous l’honneur de ma propre lame. Je procède de même avec le second blessé pour en avoir le cœur net. Ce menu détail étant réglé, je grimpe agilement sur la selle et reprends les rênes.

- Nous partons maintenant Motomatsu sama. Puissent les kamis faire qu’ils aient la stupidité de nous croire une proie facile. S’ils attaquent, ils apprendront à leurs dépends qu’il ne faut jamais défier l’Empire. En attendant, nous allons leur préparer une coupe amère qu’ils boiront jusqu’à la lie.

Les mots durs de Tokiwa surprirent tout d'abord les paysans qui se demandaient surement ce si ces derniers étaient un encouragement pour le rétablissement de leur compagnon ou bien une sentence de mort. Le fait est que quelques secondes plus tard ils avaient leur réponse par la lame du wakizashi de leur suzeraine au travers de la gorge, l'achevant sans la moindre hésitation. Ils restèrent alors tous tétanisé par une telle réaction. Comment la protectrice de ces terres pouvait elle jouer avec une vie qui se défendait si vaillamment pour survivre et continuer de la servir ? Les regards des gens allaient de la surprise au dégout mais tous savaient que c'était elle qui commandait alors il fallait lui obéir. Ces regards pouvait être douloureux pour l'esprit humain mais celui qui avait le plus de chance de hanté Hashimoto n'était pas l'un de ceux ci, c'était plutot celui du forestier qui tendait les mains vers elle, tentant de déglutir et d'évacuer le sang dans sa gorge comme pour dire une chose, son regard suppliant de l'épargnée non pas par peur mais par une sorte de devoir, une ténacité. Cette dernière s'enfuit alors à l'instar de son sang qui était déterminé à le quitter dans cette funeste matinée. Prendre les décision difficiles, telles étaient le devoir des chef de familles. En prendre des mauvaises, telle était leur hantise.

Toutefois, les ordres étaient donnés et le groupe devait partir, la foret était un environnement bien trop instable pour continuer à y combattre ainsi. Alors qu'elle allait voir Motomatsu, celui ci lui tendit une plume de corbeau ainsi qu'à Hidezaku, qu'à un de ses gardes et à Takae qui revenait de son observation pour retrouver le chemin du village. Après une petite prière, il ne dit alors qu'une incantation incompréhensible avant de parler à la chef

"Je vous suis Hashimoto-san, ce petit sort rendra notre trajet plus sur ... normalement. Assurez vous de toujours l'avoir sur vous et pressons"

La voix de Akihiko était étrange à ce moment, son regard se posait un peu partout, comme s'il sentait la présence de quelqu'un ou quelque chose qui l'ennuyait. Etait ce là sa plus grande frayeur : se faire observer ? Sa voix était aussi devenu étonnamment protectrice, presque inquiète pour la sécurité de Tokiwa. Cela aussi était troublant, l'espace d'un instant, on aurait cru que le masque du Corbeau s'était craquelé pour laisser paraitre des émotions avant de se reconstruire et ne plus rien laisser paraitre.

Le convoi de retour au camps se lança donc alors que la foret était devenu étonnamment silencieuse. Le soleil se levait encore un peu plus chauffant de plus en plus cette foret devenu totalement humide et dont la petite brume naturelle laisse place à une atmosphère étouffante. Les hommes sont presque tous sur les nerfs par cette ambiance alliant la peine d'avoir perdu des membres de leur village sans avoir eu l'occasion de voir les assaillants, donc sacrifiant deux autres personnes sans faire avancer l'affaire. Certes la présence des samurai et des gardes de Akihiko étaient légèrement réconfortante mais étant donné que l'ennemi restait inconnu, leur nombre l'était aussi, laissant planée des doutes sur l'état de faiblesse dans lequel était ce convoi. Au bout de deux bonnes heures dans la foret sur un sentier au combien plus praticable que tout à l'heure, la troupe arrive en vue du village de Hi-Jal qui n'est pas bien différent de ce qu'avait pu en lire Hashimoto dans des vieux document d'archives. C'était un village ne dépassant pas les 200 habitants peu protégé mais sur entouré au Nord d'une série de collines reliant les terres contestée entre le Lion et la Mante (mais pas si contesté que cela car totalement désertes). Il est quasiment midi et le soleil est assez chaud et étouffant, ce qui n'empêche pas les travailleurs de continuer leur besogne dans les rizières. Le village est sur une petite colline surélevé mais aussi particulièrement entouré de foret d'où l'ont peut voir, quelques fermes écarté du coeur du village. Voyant une telle délégation, le maire du village ne manque pas d'apparaitre devant elle en s'inclinant bien bas devant la bannière du clan Hashimoto. Ils ne savent surement pas que la chef de famille se trouve en face d'eux, pour cause, elle n'a guère le temps de passer partout. S'il savait il n'hésitera surement pas à s'agenouiller devant elle, malgré la boue sur le sol.

"Ohayo samurai-sama, je suis Tama, ancien du village et maire. Nous vous remercions d'avoir ramené les membres de notre petite communauté en vie à leur foyer ... du moins presque tous" son regard se pose sur Misami qui ne manque pas d'essayer d'éviter le contact avec ses yeux troublé

Je suis d'abord surprise par le présent étrange de Motomatsu, sa conduite semble pourtant sincère. Si de prime abord il m'a semblé un brin taquin, hâbleur et malicieux, il est clairement plus concentré maintenant.
Concentré et… réellement préoccupé. Préoccupé par notre survie ? Est-ce d'avantage ou autant que par notre victoire ? Impossible de le savoir.
Je serai décidément toujours déconcertée par les modes de pensée des Corbeaux. Voyons, si cette plume agit vraiment comme un artefact protecteur, pourquoi accorder le même prix à la vie d'un simple citoyen comme Takae qu'à celle d'un samouraï ? Peut-être tout simplement parce qu'il n'y a personne d'autre à portée de main et qu'il serait dommage de gaspiller ces talismans en les conservant pour lui.
Je ne sais pas. Je ne comprends pas. Peut-être aussi qu'Akihiko a appris des choses que j'ignore et que soudainement, la vie de Takae devient une clé de voûte dans la résolution de cette affaire.

Je le remercie machinalement mais je cille donc, un bref instant, avant de décider de remettre mes questions à plus tard et de passer la plume à ma ceinture ainsi qu'il me le conseille. D'un signe de tête, j'engage un Hidezaku perplexe à faire de même tandis que nous nous mettons en route.

Evidement, notre arrivée au village ne manque pas d'attirer l'attention. La tête de la colonne assurée par Manji se fait immédiatement alpaguer par un bonhomme qui, sans être franchement rondouillard, est notablement plus enveloppé que les autres paysans.
Misami a l'air gêné. Son attitude m'arrache un grognement que je camoufle en raclement de gorge. Qu'un samouraï se sente lié par des responsabilités envers ses gens est une chose morale et honorable. Qu'il se résigne à une attitude éplorée et confuse parce qu'il a échoué en est une autre, lâche et avilissante. Pour le peuple, la caste des guerriers doit incarner la force et la ligne guide. Voilà pourquoi nous nous devons de rester fiers et droits en toute occasion. Y compris et surtout dans la tourmente.

Triturant la longe entre mes mains, je talonne ma monture pour m'avancer aux devants du dénommé Tama. Je le regarde directement, prenant le temps de saisir la teneur de son regard avant qu'il ne baisse les yeux comme il se doit en présence de ses maîtres.

- Le temps des peines n'est pas encore révolu, Tama. Mais celui de l'incertitude s'arrête à partir de maintenant.

Ma voix s'est modulée d'une manière étrangement douce, me surprenant moi-même. Je me suis adressée comme j'aurais pu le faire à un enfant égaré. Et tout aussi soudainement, je décide que ce ton me plaît pour le moment. C'est donc avec un mélange de plume et d'acier que j'égraine mon petit programme :

- Dans un premier temps, nous allons réorganiser la défense de votre village. J'aurais besoin de toute l'aide que vous pourrez me procurer ; travailleurs, matériel mais aussi des connaissances. Tout ce que vous pourrez me communiquer me sera utile.

J'incline légèrement la tête sur le côté pour inclure le digne Corbeau dans mon champ de vision.

- Motomatsu-sama, le temps de votre séjour, je vous engage à considérer ce village comme votre. Si vous avez besoin de quoique ce soit, je me porte garante qu'il vous sera accordé tout ce que vous demanderez.

Motomatsu trouvera sans doute étrange ce nouvel accès de loyauté de ma part envers lui. Un peu redondant il est vrai mais ce me semblait être la meilleure manière d'introduire un magistrat impérial auprès de Tama sans passer par un protocole de présentation officiel et outrancieusement compliqué.

Les paroles de Tokiwa, certes pas forcément clamé tel un discours étaient tout de même assez fortes pour attirer l'attention des paysans qui passaient dans la rue et écoutait cette délégation de soldats réunis sous la bannière officielle de la famille Hashimoto. Ils entendirent alors que la samurai-ko demandait de la main d'oeuvre pour fortifier le village contre la menace invisible qui se terre dans les bois. Initiative qui ne pouvait être prise que par un dirigeant militaire de ces terres. Hors des dirigeant militaire de sexe féminin, il n'en existait pas beaucoup le regard de Tama-san montra qu'il avait compris votre identité ou du moins il avait un tout petit doute préférant ne pas la confondre, car elle pourrait mal le prendre. Toutefois l'annonce de Tokiwa sembla quelque peu gêner le chef du village qui attendit que Akihiko, avec un sourire plus détendu que tout à l'heure ne lui réponde en passant à coté d'elle.

"Je prendrais cette proposition avec toute la bienséance qui vous sied, Hashimoto-san, et je ne demanderai rien de trop indécent ... pour l'instant. Je vais m'installer où je le peux"

Pas de doute son sourire charmeur et son masque d'acteur était bien revenu en place, cette phrase le prouvait. Ses gardes le suivait comme son ombre alors qu'il entrait dans le dans le centre du village. La remarque n'avait pas été assez forte pour que les autres l'entende, mais la suzeraine, elle avait pu clairement l'entendre. Elle n'eut pas le temps de pouvoir lui répondre quoique ce soit que Tama-san était déjà là pour poser des questions.

"Des fortifications autour du village ? Mais, samurai-sama, même si le gros des maison de notre village sont ici, il y a plusieurs batisse qui sont éloigné. Ce serait les isoler des défenses"

Takae, entendant ceci, s'approche de la chef de famille le visage montrant une inquiétude certaine à son interlocutrice.

"Hashimoto-sama ... ma famille est éloigné d'ici ... je ... Puis je aller les rejoindre ? Ne serait ce que pour les ramener ici"

Là était donc la faiblesse des gens du peuple, leur famille. Mais Tokiwa pouvait elle le lui reprocher ? Que savait elle de la faiblesse d'avoir une famille si ce n'est ses précepteur. Certes elle avait le devoir et les responsabilité dus à son rang et son nom, mais avait elle une boule dans l'estomac en quittant son fief pour aller combattre ? S'inquiétait elle pour ses serviteurs les plus loyaux ? Serait elle capable de discuter un ordre de l'empereur si celui ci lui demandait de ne pas bouger quand son fief serait en danger ? Difficile à répondre d'autant qu'elle n'avait que rarement eu d'exemple de famille dans son entourage. Se battre pour l'amour des siens, c'était une sensation qui pourrait sembler si loin de la samurai-ko

A peine arrivés au village, plusieurs détails triviaux nous assaillent. Mon armure grince légèrement lorsque je tourne la tête pour regarder Takae. Je ne suis pas certaine d'avoir du temps à consacrer à tout un chacun. Je tique de la joue droite, ferme les yeux, fronce les sourcils… je fais le tri entre les vies et les morts.
Une vague odeur de charogne me colle encore aux narines. C'est étrange comme ce genre de chose revient vite. Comme les mouches sur un œil vitreux ouvert sur le vide. Comme les corbeaux sur un charnier.

Et justement, du coin de l'œil j'observe passer le digne représentant de son clan. Maintenant que nous sommes plus ou moins sortis du bourbier, l'attitude d'Akihiko retrouve ces accents joueurs et irrévérencieux qui ont manqué de briser ma carapace ce matin. Le fait que j'en soit consciente et que je tente d'anticiper ça ne change rien. Je sais que s'il m'exaspère trop, je me rendrai ridicule. Cette perspective me noue presque autant que de devoir affronter un ennemi invisible et fuyant comme celui qui persécute Hi-Jal. Je fronce encore les sourcils. Ça aussi c'est une mauvaise chose ; les rides du souci surviennent toujours trop vite sur le visage des jeunes femmes.

Je me redresse et tapote familièrement l'encolure de mon cheval qui commence à s'impatienter.

- Permission accordée Takae. Vous avez rempli votre part en conduisant mes hommes ici. Je ne l'oublierai pas. Maintenant vous êtes libre de rejoindre les vôtres et si vous le souhaitez, de les conduire ici ou nous construisons un périmètre sécurisé. Le parcours risque d'être un peu dangereux mais… hmmm.

Reportant mon regard sur le maire, je réfléchis un court instant et me gratte le menton.

- Non en fait je pense qu'il serait bon que nous rapatriions toutes les familles dispersées. Tama, voilà ce que nous allons faire : vous allez constituer deux groupes de trois hommes. Choisissez en deux robustes et un dernier, rapide, qui servira de messager en cas de problème. Chacun de ces deux groupes ira sillonner la campagne pour récupérer les isolés. J'adjoindrai à chacun un de mes guerriers pour les protéger.

Je fais faire quelques pas à ma monture piaffante. Mon regard se durcit.

- Quoiqu'il advienne, tout le monde devra être rentré avant la nuit. Même s'il reste des fermes que nous n'avons pas pu contacter. Ne progressez jamais seuls. Ne vous aventurez surtout pas dans la forêt. Evitez là à tout prix.

Un bref coup d'œil à droite.

- Takae, vous êtes libre de partir maintenant ou de vous joindre à l'un de ces groupes. Je vous engage cependant à la seconde solution, plus sûre pour vous et votre famille.

Claquant la langue, je fais avancer la robuste jument entre les gens qui se pressent dans l'unique allée du village. J'alpague mes deux derniers samouraïs pour leur expliquer le changement de plan. Manji et Hidezaku se retrouvent tous deux porteurs d'une mission de protection pour chaque groupe. A la fin, à mi-voix, j'ajoute :

- Ne sacrifiez pas vos vies inutilement. Si le combat est perdu, il n'y aura pas de déshonneur dans la fuite. J'ajoute même que si vous ne ramenez personne sinon un enfant, votre bravoure sera récompensée à sa juste mesure. Les héritiers de ces familles constituent la force vive de la contrée. Ils sont notre objectif premier.

Ceci fait, je mets enfin pied à terre devant un bâtiment à un étage, un peu plus imposant que les autres ; une grange à foin jumelée à un moulin à bœufs. Il y a là assez de place pour stocker des armes, du matériel et si besoin, des réfugiés.

- J'installerai mes quartiers à l'étage, annoncé-je à la cantonade.

Je déboucle ma jugulaire et cale mon casque dans le creux de mon coude. Il est temps de lancer les travaux de fortification. Vu que je viens d'assigner les derniers membres de mon escorte à l'extérieur (et que je tiens Misami en disgrâce), il me revient la charge d'organiser tout ça. Mais avant, j'aimerais avoir une conversation privée avec Motomatsu. Ordonnant aux villageois de commencer à creuser des fossés sur le pourtour, je me mets à sa recherche, sans trop savoir où il a bien pu se fourrer.

Les groupes de rapatriement se mettent rapidement en mouvement, tout comme le maire ordonne rapidement le rassemblement des gens du villages. Cela prend quelque minutes, car certains d'entre eux travaillaient encore dans les rizières environnantes. Une fois ceux ci rassemblés, Tokiwa note que la population est plutot d'age adulte, de l'ordre de Takae. Des personnes en force de l'age, de toutes évidences, mais n'ayant malheureusement jamais connu de guerre. Seuls quelques exceptions sont le paysan moustachu, qui, elle l'apprend après, se fait appeler Ryudo-oji-san. Il est bien trop jeune pour être les grand parent des membres du village, mais cela laisse supposé qu'il est le doyens de cette petite communauté. Il n'en reste pas moins bati comme un boeuf. Tama-san et lui semble avoir une discussion brève conduisant celui ci à aller se nettoyer et surtout faire se laver les mains à ceux qui avaient tenté de soigné le forestier. Le maire, agissant sous tes directives, se met à organiser des groupes de travail. Il faut des bucherons pour ramener de quoi faire les murailles, des personnes à creuser pour installer ces murailles et des personnes pour transporter les matériaux. Les groupes sont fait plutot rapidement et les paysans vont chercher les outils quand Tokiwa remarque l'un des garde de Akihiko devant une demeure qui se trouve être une auberge. A sa présence, le garde se met presque au garde à vous devant la suzeraine avant de la laisser passer.

Elle pénètre donc dans l'auberge, son armure toujours cliquetant à chacun de ses pas, accueilli par une par une jeune fille. Elle a à peine 15 ans, s'inclinant humblement, surement impressionné par le fait de voir non pas une samurai, mais une samurai devant elle. Elle est clairement intimidée par sa présence. Son kimono, et les liens dans son dos, là pour éviter que ses vêtements ne troublent trop ses mouvement, montrent que ce n'est surement pas elle la gérante, surement une serveuse et/ou la fille de celle ci.

"Ohayo gozaimasu, Hashimoto-sama, Motomatsu-sama m'a demandé de vous guider jusqu'à lui. Par ici s'il vous plait"

La jeune femme tente, tant bien que mal, de faire les mouvement rituels des serviteurs et valet, comme dans le domaine Hashimoto, mais force est de constaté qu'il y a encore du travail. Toutefois c'est surement à cause du stresse d'avoir vu entrer un juriste impérial et la suzeraine de ces lieux à quelques minutes d'intervalle. Le réfectoire est lui totalement vide à cause de l'appel fait sur la place du village, mais une sorte de petit salon privé, ou plutot une alcove, est elle fermée, le deuxième garde de Akihiko est à genoux devant celle ci, sa lance contre son épaule. Il salut au passage de la suzeraine, lui aussi ... Etrange comportement, même chez des Ashigaru, ils sont particulièrement protocolaire. Serait ce la présence de Akihiko qui les a dressé de la sorte ? Arrivé à la porte, la jeune fille l'ouvre, attend que la suzeraine pénètre dans l'alcove et la referme après s'être excusé et demandé si Tokiwa voulait quelque chose à boire. Akihiko, lui est tranquillement en tailleur, profitant du soleil passant par la fenêtre. Fenêtre où trone un corbeau qui semble presque s'incliner devant Hashimoto. Sans quitter son masque de confiance, le juriste du Corbeau commence la conversation.

"Hashimoto-san, j'étais justement en train de préparer l'un de mes corbeaux pour se lancer en éclaireur vers le sud ... puis je quelque chose pour vous ?"

- Et bien, commencé-je, un peu hésitante.

Je ne sais pas trop ce que je veux demander au samouraï vêtu de noir. En fait, j'ai surtout du mal à faire le tri. Alors pendant que mes pensées s'ordonnent, je triture la lanière de cuir qui pend de mon casque.

- Je sais que les légats impériaux ne sont pas tenus de rendre des comptes sur la manière dont ils circulent dans les terres mais j'aimerais néanmoins vous poser une question si vous me le permettez Motomatsu sama.

Il y a beaucoup de mystère dans cette affaire. Des paysans qui deviennent des guerriers. Des lions qui deviennent des proies. Des charognards qui deviennent des aventuriers racés. Je redécouvre des choses que je considérais comme acquises. L'inconstance sempiternelle de tout ce qui s'effleure sous le toucher des kamis… Ça pourrait me rendre nerveuse, furieuse ou même anxieuse. Mais je me surprends surtout à agir comme une gamine. Je ne comprends pas, et mon réflexe c'est d'aller couiner dans le kimono d'un homme plus sage que moi.
C'est peut-être en voulant contrer ce sentiment amer que j'exacerbe les quelques mouvements féminins que ma silhouette peut produire tandis que je m'installe à gestes volontairement lents en face de Motomatsu. Je ne cherche pas à séduire non, je veux juste me confèrer assez de cette maturité qui fait l'étoffe des meneurs. Pour clarifier, j'avance un peu la mâchoire dans un moue volontaire, affirmée. Et là je me rends compte du désastre… imaginez une geisha qui s'avance toute coulante avec un visage de vieux couturé résolu. Ridicule.
Mon visage se recompose en vitesse d'une expression plus naturelle. La petite servante s'empresse de me servir le thé et dans sa hâte, elle en renverse sur le côté mais je ne le remarque qu'à peine. J'ai la gorge sèche et les lèvres parcheminées, aussi je m'accorde une gorgée du breuvage amer avant de poursuivre.

- J'ai remarqué ce matin que vous voyagiez en équipage pour le moins réduit. J'imagine que vous savez où trouver le gîte et le couvert mais je suis néanmoins un peu surprise de vous trouver si peu…

J'ai du mal à formuler ma question sans qu'elle ne me paraisse déplacée où insultante. Et pourtant, il faut bien se jeter à l'eau.

- … si peu équipé. D'où ma question Motomatsu sama. Faites vous usage de votre art pour vous assurer une progression rapide et sûre ? Comprenez que dans la situation qui nous occupe je pense que ce genre de détails pourrait se révéler utile.

La malice se lit dans le regard de Akihiko, et pour cause, il avait devant lui une ravissante samurai-ko du Lion qui se prend de curiosité pour son art. Son art, avait elle la moindre idée de ce qu'était son art. Bien souvent, on taxait de magique des événements sans pour autant en avoir la certitudes, et vice versa d'ailleurs. Pourtant le samurai du Corbeau avait bel et bien troublé par des capacités qui sont particulièrement impressionnante, telle que parler avec des corbeaux, les réunir et même former des ... talismans protecteur grace des plumes. Mais sont art était il mystique ? Il n'y avait eu aucune véritable signe de magie si ce n'est sa concentration qui parait intensive. Son art serait il alors celui de paraitre et non d'être ? Il a déjà bien prouvé qu'il était doué pour la comédie. Ce masque qui ne semble jamais s'effriter, mais qui, mine de rien, peut se fragiliser comme tout à l'heure dans la foret. En tout cas, à cet instant, ce masque de mystère et de bien séance semble bien en place. Son regard se plante dans celui de Tokiwa avec un air amusé, un peu comme s'il devait faire le professeur, il prend une gorgée de thé, faisant mine de ne rien quand la serveuse fait la petite boulette, avant de commencer sa leçon?

"Que de curiosité ! Vous savez que c'est un défaut particulièrement dangereux, en particulier quand votre curiosité se penche sur un membre du Corbeau. Nos secrets sont souvent bien dangereux, plus dangereux que les épées. J'espère donc qu'une fois que je vous aurais répondu, vous aurez la gentillesse de répondre à la mienne, histoire de faire un échange de bon procédé ... Votre affirmation n'est pas entièrement juste. Je ne suis pas "si peu équipé". Il faudrait dire que je parais "si peu équipé". Il est bien trop dangereux de baser sa sécurité uniquement sur ses compétences, vous le savez bien mieux que moi de par votre role de suzeraine. Toutefois, il est aussi dangereux de se déplacer avec de grosses escortes, c'est bien trop voyant à mon gout et puis cela fait toute une débauche de moyen que je n'aime pas. Avec ma petite escorte ressemblant à des pauvres ashigaru sous qualifié je montre deux choses. La première est que je suis une petite proie, sans réelle importance, un pauvre fonctionnaire ne valant pas une très grosse rançon. La seconde est que je suis bien mal protégé. Ainsi les idiots qui voudraient m'attaquer se retrouverai à combattre des gardes qu'ils sous estiment. La surprise est de mon coté"

Akihiko fait une petite pause pour profiter d'un daifuku, une délicieuse petite sucrerie à la pate de haricot sucré. Une délicieuse petite merveille qu'il semble particulièrement apprécier. Alors qu'il mache, il laisse un silence alors que son ton signifiait clairement qu'il n'avait pas fini de parler. Il appréciait particulièrement mettre les gens en haleine alors c'était difficile de savoir si son petit sourire et son soupir de plaisir venait du gout de la sucrerie ou bien simplement du fait de faire patienter son interlocutrice.

"Délicieux, comme toujours d'ailleurs ... J'ai aussi l'habitude de voyager par des itinéraires que je connais, pas forcément les même chemins, mais toujours des régions que je connais, comme la votre. Je n'en reste pas moins prudent, j'use souvent de mes amis à plume en tant qu'éclaireur, j'évite les obstacles, j'évite les patrouilles, je pourrais me balader avec ma bannière que je pourrais passer inaperçu. Calculer les menaces, c'est un talent que nous autre Corbeau avons su développer"

Une leçon de stratégie ... Une stratégie particulièrement bien rodée on dirait. C'est une situation particulièrement étrange pour un samurai du Lion, qui sont normalement des soldats et des stratèges, de recevoir une leçon d'un conspirateur et un manipulateur du Corbeau. Les stéréotypes ont la vie dure ces derniers temps pour Tokiwa, peut être était il temps pour elle de se faire son propre avis sur son homologue.

"C'est donc à moi de poser ma question. J'ai entendu une rumeur quelque peu désobligeante à votre sujet, je ne porte pas attention aux rumeurs quand ce n'est pas moi qui les propagent. Certains disent que si vous n'avez pas encore de mari c'est parce que vous pourriez avoir un problème à vous reproduire ... rumeur au combien bizarre et peu crédible, mais je me posais la question suivante. Dans l'optique où ce serait le cas, quel serait l'avenir de la famille Hashimoto ?"