Quand vient le temps des fleurs

Lorsque vient le temps des fleurs, lorsque l'hiver ce meurt. Lorsque la mort frappe, sa tête couronnée d'or. Lorsque les branchages s'ouvrent pour laisser passer celui que beaucoup appellent un sage. Vêtu de vert et de bleu, il semble que sa peau et ses yeux sont légèrement luminescent mais cette impression disparait alors qu'il quitte la pénombre des forêts. Le soleil brille, haut et fier. Face à lui, les hauts plateaux de pierre. En face du Guide, des étendues planes de hautes herbes que le vent balaye à loisir, formant des vagues à la faveurs de leurs mouvements et de la lumière. L'homme en vert sourit. L'Origine lui offre cette vision et il ne peut qu'en être heureux. Cependant il ne peut-être rendu heureux par la raison qui la poussé à quitter les ombrages de la Forêt des Secrets. Dans cette dernière enclave du silence et de l'oubli, il est trop longtemps resté sourd aux cris des Rorkhans qui souffrent sous le joug d'infâmies changeantes. Il était temps de mettre fin à cela.

Lorsque vient le temps des fleurs, vient pour certains le temps des pleurs. Certains s'arrêtent sur le côté pour contempler ce qu'il reste de ce qu'ils possédaient. D'autres se battent mais sans autres but que de mourir et d'autres doivent guider toutes ces brebis égarées vers un nouveau paturâge. Un paturâge vert et sûr où ils pourront prospérer sans oublier. Ce souvenir pour que plus jamais on ne puisse laisser revenir le cauchemard. L'homme avance, s'appuyant pas après pas sur son grand bâton monté d'une sphère d'ambre. Il avance pour trouver la capitale de ce pays. C'est là qu'il pourra combattre le mal. Mais il y à nombre d'étapes avant cela. Le Rorkhan est un vaste pays à lui seul et il est rongé par son propre mal. Le temps est venu pour les fiers guerriers du plus sauvages des pays démérien de se lever et de combattre à nouveau. Si ils voulaient bien le suivre, alors il les guiderait jusqu'à la victoire car c'était la volonté de l'Origine. Si ils ne le souhaitaient pas, alors il faudrait les convaincre. Peut importe le temps que cela prendrait. Le temps des fleurs et des pleurs était terminé. L'été approchait et avec lui venait le temps des armées.

Le Guide continue de marcher sur le plateau. Il doit retrouver les clans. L'Origine puisse le guider dans sa tâche.

La rivière... Son calme chant de paix. Depuis combien de temps je la suis ? Je n'en ai pas la moindre idée. La flûte s'est tue et j'ai guidé mon père dans une grange quand la fatigue m'a pris. Quand je me suis éveillée, le soleil était couché. Je regrette de ne pas avoir vu ses rayons printaniers, mais mon père semblait si épuisé que je n'ai pas insisté pour sortir voir le crépuscule. Était-ce hier ? Non, nous avions alors trouvé une petite grotte dans la paroi cette fois si et nous avions dormi dans les ténèbres glacés et humides. Pourtant, je m'y trouvais bien, comme si le froid n'avait plus aucune emprise sur moi. D'où venons nous d'ailleurs ? Je ne veux pas y retourner. Au début, nous avons du dormir sous des tas de planches, des maisons abandonnées. J'ignore ce qui a causé tant de misère et j'aurais voulu secourir ces gens, mais il n'y avait personne. Et ces cris parfois, sous la lune... Je n'ai pas compris. Pourquoi les hommes n'acceptaient ils pas mes danses ? Pourquoi ai-je l'impression qu'une si lourde atmosphère stagne au dessus de nos têtes ? Ici, l'air est plus léger et les rayon d'argent de Delvïss, plus pures, alors je continue ma route. J'espère trouvé ce que je cherche au bout de la rivière. Si seulement je savais à quoi m'attendre, tout serait plus simple, mais je ne peux que suivre quelques notes et un rayon de lune.

Pourquoi ai-je le sentiment que je laisse quelque chose derrière moi ? Toutes les nuits, les loups hurlent à la lune, m'appellent... Mais un lien s'est brisé et je ne retrouve plus celui que je cherche. Le Loup, mon guide. Vers quel but ? Je ne sais plus. Les longues journées s'enchaînent et souvent, je m'éveille torturée par mes cauchemars. Des meurtres... Où suis-je allée cherchée de telles idées ? Et le regard du Loup, si douloureux... Je sens qu'il m'appelle bien que je ne puisse le trouver. J'ai besoin de lui, il a besoin de ma présence, il est mon guide... Mais comment pourrais-je laisser mon père pour voler vers cet appel ? Je ne comprends toujours pas comment il a pu perdre ses yeux, mais je sais que si je m'écarte de lui, je ne pourrais jamais le retrouver. Ce qui m'inquiète le plus reste ce gout de sang que j'ai parfois sur la langue en m'éveillant d'un cauchemar. Dans ces rêves affreux, je vois un être tomber du ciel sur des humains sans défense. Je sens leur vie disparaitre entre les crocs du prédateur et je ne peux pas l'arrêter. Puis je m'éveille, fiévreuse, dans un nouveau repaire. Alors je sens à nouveau le regard du Loup à travers Delvïss et j'ai peine à retenir mes larmes.

Cette nuit n'est pas comme les autres, je l'ai senti en m'éveillant. Une odeur de nature, de douceur... Ai-je atteint mon but ? Est-ce ici que se trouve le Loup ? J'ouvre mes ailes blanches et offre à mon père un sourire plein d'une joie légère qu'il ne voit pas avant de rejoindre la rivière. Delvïss est plus lumineuse que jamais sans pourtant l'être assez. Qu'est-ce qui gêne la lune, si loin de l'obscurité ? J'hésite encore, j'ignore si je suis allée assez loin, mais je ne m'arrêterai pas aujourd'hui, pas alors que je vois la fin toute proche. Heureuse, je tournoie au dessus des eaux, offrant ma danse à Delvïss. Mes yeux rouges sang ne s'ouvrent que pour vérifier que mon père me suis et ma peau d'une pâleur de neige ne fait que refléter la lune. Mes griffes rident doucement l'eau, comme une caresse... Je me sens ici à ma place, dans une étrange harmonie.

Enfin, un être apparait au loin et je m'approche en valsant. Des gouttelettes d'eau viennent tournoyer autour de moi comme j'avance vers lui sans hésitation et sans la moindre crainte. Il semble nous attendre... Ou est-ce encore mes yeux qui me jouent des tours ? Souriante, je viens me poser devant lui et lui offre une révérence qui n'est que la fin de ma danse. Mes yeux de sang cherchent son regard... Je sens en lui une harmonie que je ne peux pas atteindre. Un temps, je l'observe simplement avant de parler doucement pour ne pas écorcher la douce mélodie de la nuit.

- Bonsoir, envoyé du printemps. Êtes vous celui qui me mènera au Loup ? Je suis Iris Céleste et voici mon père.

Venait il à notre rencontre ou allait il vers l'endroit maudit d'où nous venons ? Je n'ai aucun moyen de le savoir, ma seule certitude est que ce que j'ai fuit devait l'être et qu'un être d'harmonie ne devrait pas s'y rendre. Mon sourire se teinte d'inquiétude alors que je l'avertie du danger.

- Là bas, la nuit n'est pas aussi pure... Là bas, Delvïss n'enchante pas le ciel... Là bas, la souffrance plane dans l'air et il n'y a personne à aider.

Fragments d'un rêve oublié, songes d'une douce folie, par quelques notes d'une pavane un passé à tout jamais éteint renait enfin. Ensemble ici et à tout jamais en cette illusion d'un paradis retrouvé. Cette lune opaline, si vivante et si attirante, Khsyn la voyait de nouveau. En cette douce forêt elfique, accompagnant sa fille, ils se baladaient de nouveau, comme par le passé. Le chant des oiseaux et la douce sensation du vent à travers les feuillages vert émeraude étaient de nouveaux là. Maintenant il reconnait le son d'un cours d'eau, il fallait le remonter pour arriver avant l'aube au village. Notre famille nous attendait, il ne fallait pas tarder.

* Cela fait plusieurs jours que nous remontons cette rivière, je ne la reconnais plus. Nous devrions déjà être arrivé pourtant. Iris ne semble pas inquiète, nous devons être sur le bon chemin, ma mémoire doit me jouer des tours... D'ailleurs, pourquoi plusieurs jours ? Et pourquoi la rivière porte-t-elle une odeur puante de mort ? Nous venons des montagnes et allons vers la vallée alors que nous devrions rejoindre le village en amont. Pourquoi des corps sans vie gisent-ils sur la berge ? *

Fragments de cadavres épars, songes d'un massacre atroce, la pavane se fait dissonante en ces lieux de mort. Si cette illusion pouvait perdurer pour sa fille, Khsyn quant-à lui n'en était pas capable... Il l'aurait voulu. A tout jamais aveugle, il ne reverrait jamais Delvïss. S'en était et s'en serait à tout jamais ainsi. Plusieurs fois ces doigts l'avaient trahit, mais son tarot ne dansait plus autour de lui, jamais plus il ne pourrait le chanter. Il l'avait détruit dans un dernier accès d'espoir. Il fallait maintenant en payer le prix, ensemble ici et à tout jamais, en cette errance sans fin.

Petite Iris aux ailes blanches, envers et contre tout je m'occuperais de toi. Jamais plus nous nous quitterons et je te soutiendrais dans tes rêves et tes cauchemars... Une vie pour une âme pure comme la tienne. Tout a été ma faute et je me dois de continuer, Sans-nom l'a décidé quand je l'ai appelé. "

* Si tu dois vivre alors qu'il en soit ainsi, je suis capable de soutenir la mort de deux anges déchus, je le dois. L'abandon n'est pas la solution, elle ne l'est jamais. Par elle ma chute est arrivée dans le passé, elle n'arrivera pas une seconde fois. *

Les jours se succédèrent doucement, s'éloignant petit à petit de ce passé de mort et de souffrance. Khsyn cherchait à présent une nouvelle raison, une errance sans fin n'en était pas une et n'en sera jamais pour lui. Il regrettait parfois d'être si réaliste, mais sa jeunesse insouciante et rêveuse ne l'avait conduit qu'à la mort, alors il s'agissait forcement du bon choix.

* Tient, Iris semble distraite par quelque chose, je perçoit une créature, ou un être. J'espère qu'il ne nous veut pas de mal, je serais bien incapable de la défendre efficacement à présent... Ah... Un envoyé du printemps, qui souhaite combattre à ce qui sera bientôt la Passe de l'Oubli. Amusant. Ces visions de Loup m'inquiètent, elle ne pourra pas retrouver la réalité sans qu'elles ne se soient arrêtées. *

Khsyn regardait dans la direction de son interlocuteur et fît une révérence en guise de salut.

" Bien le bonsoir, envoyé du printemps. Vous pouvez m'appeler Khsyn, je l'ai été par le passé. Comme l'a dit ma fille, mort et désespoir sont les seuls maîtres en ces lieux, je ne vous conseille pas d'y aller si vous n'êtes pas de ceux là. "

Quand vient le temps des fleurs, lorsque le jour se meurt, la lune delvïss se lève ronde et semble nous sourire, pleine de malice. Mais le sourire n'est pas sur tout les visages. Au loin, de hautes silhouettes ailées. Sont-ce des anges ? Les ailes de crèmes d'une enfant mais la noirceur de celles de l'homme. Pourtant leurs traits sont semblables. Quelque chose les relies. Simple magie ou sang ? Peu importe car ils saluent le passant. Ce dernier leurs rends un fin sourire, les lèvres à peines étirées. Mais sur ce visage qui ne change pas pour les arbres, ce sourire est visible. Il lui suffit d'un instant pour comprendre que la vie à quitté leurs corps, qu'elle ne les rejoint que par le biais du sang. Mais il ne craint rien. Ils sont sur la route que l'Origine à tracé pour lui et ne se montrent pas hostiles. Le Créateur avait une raison de maintenir leur existence. Peut-être devaient-ils le rencontrer ?

Un souffle de vent fait briller la lune sur les courbes des herbes. Oui, il devait les rencontrer. Son sourire s'élargit légèrement, laissant paraître une partie de ses dents blanches.

- Bonsoir à vous enfants de la Nuit. Vous venez d'un endroit désolé d'après vos dires. J'en suis navré. Mais l'Origine guide mes pas. J'ignore encore si je rejoindrais cet endroit dont vous me parler mais avant tout, je découvre le Rorkhan et recherche ses clans. Et vous, que recherchez-vous ?

Il regard l'enfant. Ses yeux ne semblent pas exprimer beaucoup de chose. Peut-être est-ce dû à cet couleur d'or qui en émane, peut-être est-ce parce qu'il ne sait tout simplement pas exprimer des sentiments. Mais c'est une chaleur naturelle et apaisante qui émane de lui. Peut-être ne montre-t-il pas de sentiment car il les porte sur sa peau et dans ses yeux ? Il regarde l'enfant aux ailes blanches et pose une main chaude et dorée sur sa joue froide.

- Les loups sont nombreux au Rorkhan mais celui que vous chercher ne doit pas se trouver ici. Si telle est la Volonté de l'Origine, tu retrouveras le Loup, il suffit que tout deux soyez à l'écoute des signes qui vous sont donnés et bientôt, c'est à la croisée des chemins que vous vous rencontrerez.

Il sourit toujours légèrement. Un sourire apaisant pour ses âmes qui se tourmentent malgré elles. Il n'a pas besoin de les connaître pour le savoir. L'homme est aveugle au voir de son bandage sur ses yeux et il est guidé par une enfant qui doit se vouloir innocente. Mais pour eux l'innocence n'est plus qu'une illusion. Ils viennent d'un lieu mort, ils ne peuvent connaître l'innocence. Alors qu'il retire sa main du visage d'Iris, une traînée dorée reste quelque seconde de plus, donnant l'impression d'une vie qui aurait rejoint sa joue avant de disparaître à nouveau. On ne peut guérir les morts, seulement hôter l'impression qu'ils ont souffert aux yeux de ceux qui les voient.

Un sourire à mon père... Je me réjouis qu'il voit lui aussi en cet homme un messager du printemps. Car il n'est rien d'autres même si Khsyn ne le voit pas. Un simple mot me chagrine... Il "était" Khsyn ? Qu'est il maintenant si il ne l'est plus ? Ses notes sont toujours aussi pures, ses mélodies recèlent toujours cette douleur enfuit... Qu'est ce qui a changé ? Une tonalité de regret ? Un poids qui écrase ses rythmes ? La perte d'une harmonie ? Des mélodies sans buts ? Le gout du sang ? Non non... D'où me vient cette idée ? Il est toujours mon père, toujours celui qui m'a offert la joie et qui a su par le son d'une flûte m'apprendre à danser vraiment. Il est l'interprète des chants de la vie et j'ai besoin de lui pour les contempler vraiment. Alors pourquoi, même tourbillonnant entre ses cordes, Delvïss s'est assombrie ? J'ai peur parfois, je crains qu'une terrible malédiction se soit emparée de lui, comme dans mes rêves. Impossible pourtant, il est mon musicien. Confiante, je pose mes yeux de sang sur celui qui me suis et ma joie reprend toute sa substance un court instant.

Un trop court instant... Quelle est cette réponse ? Je regarde l'homme que j'ai pris pour mon guide sans comprendre. Comment peut il mélanger en une même phrase mon Loup et les meutes du Rorkhan ? Ils sont si différents... Le Loup a une profondeur que jamais aucun animal ne pourra atteindre. J'ai sentit l'odeur de son sang. Elle est pleine de vie, de regrets et de passions. Si il ne sait pas, il n'est pas celui que je cherchais. Qui alors ? Mon instinct me dit qu'ici se trouve une étape, qu'ici on me guidera... Ce n'est pas possible qu'il ne comprenne pas ! Les images défilent dans ma tête à toute vitesse alors que j'essaie de les retracer en mots. Je ne sais même plus à qui je m'adresse, mais je parle sans m'arrêter, d'une voix de plus en plus alarmée.

- Pas de meute... Le Loup est seul. Il est celui dont les lames prennent les vies sans haine... Il est celui qui court sous la lune et qui hurle sur la mer... Il est celui qui cache sa souffrance... Qui cherche le chemin... Non, nous l'avons trouvé... Un fil dans les ténèbres... Nous le suivions... Il est un prédateur, mais il est mon protecteur... Celui qui toujours cherche à se racheter... Celui qui m'accompagne vers l'Origine... Ses crocs... Ses crocs sont des armes de justice... Son cœur est l'honneur... Son bras protège le peuple de l'ombre... Ses mots entrainent les hommes vers la liberté... Il est l'exemple, mais il porte sa propre tombe... Je dois le retrouver ! Disparu... Tout s'est envolé en fumée... Je lui avais promis de resté à ses cotés... Il a besoin de moi comme j'ai besoin de lui... Il est mon guide comme je suis le sien... Le Loup... Delvïss m'avait envoyé à lui, ne sais tu pas où il se trouve, envoyé du printemps ?

Mes derniers mots ne sont que les supplications d'une enfant perdue. Je prends alors la main de mon père, y cherchant du réconfort. J'y croyais tellement... Mais le Loup n'est pas ici et cet homme ne semble pas capable de me mener à lui. Ces images sont étranges, comme venant d'une autre vie. Elles parlent de morts et d'amitiés. Elles montre un chemin que je ne me souviens pas avoir suivit. Je ferme les yeux un instant, autant pour reprendre ma respiration que pour chercher la source de ces visions, mais mon souffle se bloque dans ma gorge. Un cri de terreur m'échappe et la vision s'estompe, me laissant tremblante. Je ne sais plus et je ne dois pas savoir. Ces visions sont fausses, seul le Loup est vrai. Je dois le trouver pour suivre avec lui une route au centre des ténèbres et entrainer mon père avec moi... Je n'ai pas d'autre choix. Il me faut quelques instants pour reprendre mes esprits, mais je peux bientôt poursuivre d'une voix douce. Un charme flotte doucement autour de moi... Une magie étrange et sans danger qui ne fait qu'écarter de moi les mauvaises intentions. Un talent que je ne contrôle pas... Ou plus.

- Ce que je cherche ? Je cherche le Loup, mais j'ignore où le trouver. Je ne peux pas attendre le destin... Si vous êtes guidé par l'Origine, vous devez savoir où il se trouve ? Il cherchait à vous rejoindre, tout comme moi.

Alors que l'envoyé du printemps apposait ces doigts sur les joues d'Iris, le visage de Khsyn se retourna brusquement. Un léger mouvement de recul, une expression de surprise sur ce visage lunaire, Khsyn du battre précipitamment des ailes pour ne pas tomber sur le sol. Il semblait fébrile et tomba à genoux quelques secondes plus tard, les mains sur son visage d'où aucune larme ne pouvait plus perler.

* Quelle est cette vision dorée qui a ébloui mon monde de ténèbres ?! Ce visage que j'ai oublié depuis d'innombrables années me sourit à présent. Un bonheur retrouvé dans ces pensées obscurcies, je vois à nouveau ! Iris, comment ai-je pu te perdre ainsi ?... Comment ai-je pu faire cela ? *

Les traces s'estompèrent alors et le monde redevint de ténèbres pures. Espoir fugitif disparu à nouveau, Khsyn ne bougea pas, voulant conserver en mémoire le visage de sa fille le plus longtemps possible. Perturbée par la vision, il ne retint que quelques bribes du monologue d'Iris. Les pensées de Khsyn se faisaient fragmentaires, son passé ressurgit chaotiquement devant lui. Son enfance heureuse et impétueuse, sa lente chute vers une mort voulu, sa décadence vers la rédemption et toujours sa fille, pierre angulaire de sa volonté.

* Loup, encore. Qui est-il ? Est-ce lui qui a envouté ma fille pour lui faire facticement ressentir la vie ? Est-ce lui qui empêchait mes visions ? Le cadeau de cette vie est empoisonné, personne ne peut vivre dans un rêve perpétuel. En tout cas, je n'ose imaginer son avenir s'il était présent lors de l'arrivée de la faucheuse... *

" Iris, depuis le début de notre errance, Destin a déjà agit, je le crains. Là d'où nous venons, là où Delvïss n'enchante pas le ciel, là où la mort règne sur la vie, je crains que ton compagnon-Loup ne se soit perdu dans les méandres de la mort. Voulant lutter face au Destin en marche, il a périt... Et moi aussi. "

Alors que ces derniers mots résonnent encore dans le bruissement des feuillages, Khsyn se releva, sortit une vieille flûte en bois et la porta à ses lèvres pour jouer une musique d'un temps oublié, où Origine foulait encore cette Terre. Cet air se propageait dans le vent et la nature comme si elle y trouvait le souvenir d'un espoir perdu.

" Pour les rèves brisés et les loeuss de nos songes, ne m'oubliez pas. "

Voici la musique : fragment of dream.mp3

Un sourire qui reste. Quelle raison aurait-il eût de partir ? Lorsque vient le temps des fleurs, ne vient pas toujours le temps des pleurs. La mélodie de l'homme aux yeux bandés est belle et simple. Une musique venue du fond des âges. Sans prêter tout à fait attention à ce qu'ils disent, le Guide lève les yeux vers Delvïss. La Lune d'Argent semble aimée cette musicalité. Mais il ne peut se perdre en contemplation bien qu'il l'aurait souhaité. Il fallait guidé ses deux âmes en peine. Peine d'elle-même, peine d'une autre, peine mutuelle. Il plonge un regard d'or dans le regard de sang avec un sourire tendre tandis que le vent balaye les hautes-herbes en cette chaude nuit d'été?

- Le Loup est alors un être d'exception. L'Origine ne m'a pas éclairé sur sa position mais le Créateur m'a apprit une chose. Tout ce que l'on perd, on ne le retrouve que là où on la laissé.

Il se tourne vers l'homme. Il sait qu'il ne voit pas mais il peut l'entendre et comprendre. Ce compagnon qu'était le loup avait été lié à l'enfant par le biais de la Lune d'Argent. Un tel destin ne pouvait le mener à la mort. Du moins pas immédiate. L'Origine avait des projets pour chacun d'entre eux, il fallait simplement le voir, l'accepter et le comprendre. Le Projet de l'Origine à leurs propos, aux propos de ces oiseaux de nuit, devait être d'aider ce loup. Sinon pourquoi serait-il en permanence suspendu à leurs lèvres ? La lumière naît dans la sphère d'ambre et projette un halo doré autour du guide qui sourit toujours. Amical. Bienveillant.

- L'Origine à tracé une route pour nous chers amis nocturne. Je la suis déjà, êtes vous prêt à me suivre ? A suivre la lumière qui m'a été donnée ? Je vous amènerais au Loup si vous m'amenez là où il à été perdu. Je connais les loups et si son nom est celui-ci, c'est pour une raison. Suivez-moi compagnon, mon bras t'appuiera pendant que tu marches musicien et ma main dans la tienne t'évitera de perdre une nouvelle fois ta route amie du Loup.

Un vent puissant naît derrière le guide et souffle, soulevant sa cape verte, rabattant encore d'avantage la capuche sur ses cheveux. L'Origine les appelait à partir. Son sourire grandit à la mesure de la lumière dans la sphère. A cette lumière, ces deux interlocuteurs semblent presque vivant. Quelle tristesse. Mais l'heure n'était pas à la tristesse mais à la quête des compagnons. La lumière croît car les pouvoirs de l'Origine sont utilisés. Derrière les deux silhouettes ailées, l'herbe se rabat et forme une route verte à travers la plaine. Le Guide avance, passe à côté d'eux, s'appuyant pas après pas sur son bâton de bois et d'ambre. Une fois passé derrière eux, il se retourne en souriant.

- Il n'est pas de Destin, seulement la Volonté de l'Origine. Que ton compagnon soit mort ou pas, nous le retrouverons et la Nature nous dira quoi faire.

"Il a péri... Et moi aussi" Que veux t-il dire ? Je le vois bien vivant, et je serre sa main dans la mienne jusqu'à ce qu'il ne l'enlève pour prendre sa flûte. Le froid... L'envoyé du printemps était plein d'une chaleur que j'ai d'abord pris pour une marque de l'Origine. Mais est-ce si simple ? Pourquoi mon père se dit il mort ? Mort... Je connais la réponse. Elle est cachée dans un coin de mon esprit, une connaissance que je ne voulais plus voir ressurgir... Vampire. "Enfants de la nuit"... Est-ce ce qu'il voulait dire par ces mots ? Mais je n'en suis pas une ! Je n'ai fait que suivre mon père... Il a beau être une créature du Changement, un être de non vie, je le sais droit et bon. Ce qu'on est n'a que peut d'importance, seul compte ce qu'on fait de sa vie. Et l'homme d'harmonie qui nous regarde doit bien en avoir conscience, sans quoi jamais il ne l'aurait laissé approché. Mais que suis-je, moi même ? Un ange ! Un ange qui suit le Loup... Mort ? Je ne suivrais qu'un rêve ? Non ! Non, je ne peux pas le croire. Depuis tant de temps, il me hante... Comme un fragment arraché à mon âme, comme un lien brisé qui aurait emporté avec lui une parcelle de ma vie...

- Mort ? Non non... Non, il ne peux pas l'être... Non... Il est resté luter... Si longtemps ! DELVÏSS !

Je lève les yeux au ciel pour chercher le regard de la lune, mais il ne m'est d'aucun réconfort. Perdu... Où ? Je ne sais plus. Tout s'éteint autour de moi et le voile étoilé même semble choir. Je lève instinctivement les bras vers le ciel et ferme les yeux pour ne pas voir... En vain. Les morts, le sang, mon passé s'épanche à mes pieds, m'emprisonne, m'empêche de prendre mon envole. Un funèbre clin d'œil de Zoltïss cherche à ma rappeler ma nature et mon teint devient plus pâle encore. Pourtant, la lune rouge ne brille pas, ce soir. Elle n'est là que pour moi, que pour me rappeler une promesse, une dette que je ne pourrai jamais régler. Je recule pour fuir, puis ouvre brutalement mes ailes. Elles battent follement sans que je ne m'élève de terre, comme si mes pieds étaient englués dans le sol. Pourtant, rien ne me retient, sinon les visions qui transforme mon monde.

Puis, la musique s'élève dans la nuit. Elle repousse lentement les cadavres solidifiés par le sang séché qui s'étalaient à mes pieds. Je reconnais Rose, et tant d'autres que jamais je n'ai oublié... Je sais leur nom sans pouvoir admettre que je suis responsable de leur mort. Ce n'est pas moi. Je ne voulais pas leur faire de mal. J'admirais simplement la vie qui s'écoulait en eux. Mon père a t-il raison ? Le Loup est il mort comme nous le sommes aussi ? Ai-je vraiment perdu mon guide ? Mes pas s'accordent simplement à la lente mélodie, et ma valse n'est plus que regrets et douleur. Je danse autour de mon père et de l'envoyé du printemps, rendant hommage à ceux à qui je tiens. Ils sont si peu nombreux...

Des mots d'espoir et je reprends vie. Du moins, autant que je le peux car depuis longtemps je ne ressens aucune chaleur. Dansant toujours au son de la flûte, j'offre à l'homme d'harmonie un triste sourire comme il tente de me rassurer sur le destin du Loup. Mais je n'ai rien à répondre et mes yeux se ferment alors que je finis ma danse. Quand enfin le silence revient, ne laissant plus que l'écho du chant de la flûte trembler entre les arbres, je m'immobilise et prend la main qu'il m'a proposé.

- J'ai perdu un passé que je ne souhaite pas retrouver car il n'est que mort et sang. J'ignore où j'ai trouvé le Loup... Mais si je venais à m'en souvenir, peut être la voie de l'Origine me serait elle irrémédiablement fermée. Le destin nous mènera là ou nous devons aller, peut être n'est il pas encore temps de le retrouver. En attendant, je vous suivrai si mon père l'accepte. Le Loup n'a pas pu mourir sans que je ressente son âme disparaitre, je pense... J'espère. Menez nous vers l'Origine, envoyez du printemps.

Ma main libre se tend vers mon père pour l'inviter. Jamais je ne pourrais l'abandonner, même si le suivre devait me mener droit en enfer. Mes yeux demeureront fermés sur ce qu'il a fait tant que le Loup ne me rendra pas la vue, je n'ai pas d'autre certitude.

* Une voix innocente et pleine de bonne volonté. Est-ce que cet envoyé du printemps est naïf au point de penser ce qu'il vient de dire ? Cela serait bien dommage pour quelqu'un de bon. Je sens bien en lui l'envie d'aider son prochain, mais j'ai l'impression que cela ne va pas plus loin. Amusant. *

Alors que les pensées de Khsyn se faisaient de plus ne plus précises, il sentait la folie qui s'était emparé de lui disparaitre petit à petit. Il fallait maintenant qu'il accepte son passé, mais cela ne viendra pas tout de suite. Le temps n'était pas à la gaieté malheureusement, celle-ci viendra en son heure. Sans-nom lui avait offert une dernière chance, Khsyn était bien décidé à la prendre.

* ...Ah, Iris, tu commences enfin à sortir de ton amnésie. Doucement, mais sûrement. Reconnaitre un passé oublié est déjà un bon pas. Je ne vois qu'une seule solution en fin de compte... Et il ne faut pas laisser trainer, le temps de la folie ne doit pas perdurer... Bref. Le tarot qui emplissait ma vision en tout instant à maintenant disparu et je constate que je vois toujours la magie. Intéressant. Sans-nom m'aurait-elle réserver quelques surprise ? Cela ne m'étonnerais pas de sa part. Je lui ai après tout offert la possibilité de s'exprimer dans son intégralité...*

L'air songeur, Khsyn attendit quelques secondes après les paroles de sa fille puis se releva tranquillement. Il ne semblait plus hagard comme précédemment et face à l'envoyé du printemps, il se tint non pas comme un fugitif en quête de liberté, mais plutôt avec l'honneur d'un roi ayant perdu son royaume. Regardant en direction de son interlocuteur, il se décida enfin à répondre.

" Envoyé d'Origine, si je disposais encore de mes capacités, je vous aurais montré que Destin existe bel et bien. C'est par lui que j'en suis arrivé ici, c'est par lui que mon errance de folie a commencé. Affirmer qu'il n'existe pas par la croyance d'une Puissance peut montrer en vous une forte naïveté. J'espère que tel n'est pas le cas, vous me semblez fort sympathique et je voudrais apprendre de vous autre chose que votre allégeance en un courant philosophique parmi tant d'autres."

Khsyn s'arrêta alors quelques secondes, afin d'écouter les alentours. Au loin les oiseaux commençaient à chanter, le temps des êtres de la nuit ne sera bientôt plus et il leur faudrait trouver un abris d'ici quelques heures. Il avait constaté en arrivant que le cours d'eau avait un embranchement vers un autre affluant. Il devrait y avoir une grotte un peu plus loin alors. Il décida alors de reprendre la parole, sa voix était à présent assurée et ferme.

" Envoyé d'Origine, vous êtes très certainement au courant de notre nature et vous comprendrez bien que nous devons trouver un abris d'ici peu. Je vous propose donc de continuer cette discutions en suivant le cours d'eau là bas. J'aurais cependant une question. Comment pouvez-vous affirmer, en y croyant sincèrement, de l'existence de ce Loup ? Et comment pouvez-vous affirmer que c'est en vous suivant en ces Terres du Rorkhan que nous retrouverons sa trace ?"

* C'est à présent le moment de me montrer si toutes ces belles paroles ne sont pas vide de sens mon cher envoyé du printemps... Je l'espère... *

Les deux êtres sont proches, liés tout les deux à tout jamais, même si ils se séparaient. Seulement, ils donnent l'impression de se regarder de loin. De regarder tout ce qu'ils convoitent de loin. L'envoyé du printemps comme ils m'appellent s'était arrêté derrière eux pour les observer. Ils n'avaient pas souhaité me suivre. Devais-je encore rester avec eux même si l'Origine m'avait signifié son accord pour une reprise de la route. La route sera toujours là lorsque reviendront les étoiles car pour l'instant, c'est le soleil qui vient. Alors que mes amis nocturnes doivent cacher leurs existence à l'astre de lumière, je n'attends que l'aube du haut de ce plateau. Pendant un instant, je suis aussi en peine. Pas autant qu'eux mais perdre la vision de l'aube m'attriste. Je me tourne à nouveau vers les étendues infinies des hautes herbes et vers la promesses du bord abrupt du plateau depuis lequel j'aurais put contempler le soleil s'éveiller. Alors que l'homme aveugle pose sa dernière question, je pousse un soupire avec lequel part ma peine. Le soleil se relèvera de nombreuses fois mais cette discutions, peut-être n'aurais-je qu'une seule occasion de la tenir. Je me tourne à nouveau vers les deux compagnons avec le fin sourire que j'avais déjà arboré devant eux. Un sourire de tendre compréhension.

- Commençons par le commencement. Ce que vous appelez Destin est pour moi Volonté de l'Origine. Ce que certains appelleront le Vent du Changement. Nous donnons des noms à ce que nous pensons pouvoir percevoir, que ce soit du bout de nos doigts ou par les dons qui nous ont été accordés et parfois retirés. Peut-être ai-je tort de nommer ainsi ce qui décide de nos vies mais lorsque je tends l'oreille et que j'entends le murmure des arbres, de nombreux noms viennent mais ils n'appartiennent qu'à un seul.

Je reste un instant là un regarder l'aveugle qui pourtant ne peut pas me voir. La vue n'est qu'un sens. Il en existe quatre autres mais beaucoup ont oubliés comment s'en servir et ne s'en servent plus du tout. Il peut me percevoir. N'est-ce pas là l'important ? La vue nous dit à quoi ressemble celui d'en face mais cela importe-t-il réellement ? Que nous soyons humains ou non, beau ou non, ce qui importe c'est ce que nous pouvons percevoir tout autour de nous. Comme si je l'avais dit à haute voix à l'intention de mes amis nocturnes, je tourne sur moi-même lentement. Tendant les bras vers le ciel, fermant les yeux et inspirant profondément. L'air nocturne, chargé du goût de la chaleur de la journée. L'odeur de l'herbe et de l'humidité qui s'y dépose au rythme de la rosée. La sensation du vent sur ma peau et entre les plis de mes vêtements. Le bruissement des hautes herbes et des insectes qui y chantent. Nous n'avions pas besoin de la vue pour contempler la beauté de la Création.

Je regarde à nouveaux mes amis de la nuit et si mon sourire c'est éteint un instant, il revient au même instant que les réponses aux questions que le musicien se posait et qu'il m'a posé.

- Je n'affirme pas son existence. Vous l'avez fait. Je me suis simplement proposé de vous guider à lui, mort ou vivant. Je ne crois pas que vous ayez mentit, ou alors votre langue est plus habile que moi. Le sourire n'a pas de raison de s'éteindre. C'est un fait qui ne me peinerai pas, je ne m'y attacherais pas. Quant à la trace du Loup, je dirais que tel que vous l'avez décrit, je pense que sa "Destinée", que la Volonté de l'Origine à son propos, est forte. Et je crois que vous avez aussi une place dans les desseins de l'Origine alors si la Fille de la Nuit et le Loup sont aussi fortement liés que je le crois, les liens se rencontreront à la croisée des chemins.

Entre prophétie et réalisme porté par la foi. Mes paroles paraîtraient peut-être naïves aux oreilles de ce nouveau compagnon. Peut-être l'étaient-elles. Mais ce Loup était aussi un espoir pour moi. Je recherchais les clans afin que batte à nouveau le cœur du Rorkhan. Qu'il batte et se batte contre la mort. Et cela, même si je devais aller dans cet endroit désolé d'où venait mes deux compagnons et rechercher le Loup au milieu des créatures du Changement asservies à une volonté malfaisante. Ainsi était la Volonté de l'Origine, je le sentais dans le vent qui parcourait ma peau et dans l'air que je respirais. Prenant une nouvelle inspiration profonde en fermant les yeux, je regardais tour à tour les deux êtres nocturnes avec un sourire devenu amical avant de m'attarder sur la plus jeune.

- Je vous mènerai vers l'Origine une fois les étoiles levées à nouveau. Votre choix de suivre l'eau est judicieux ami de musique, un abri de roche se trouve en amont. Mais vous devez le savoir alors si ça ne vous fait rien je marcherais à vos côtés et pas devant vous.

Spoiler:

J'observe mon père en silence tandis qu'il interroge le prêtre. Si pour moi la confiance est un sentiment naturel, il n'en est pas de même pour lui. J'ignore ce qu'il cherche à mettre en lumière puisque les paroles de l'envoyé du printemps m'ont paru pleine de sagesse. Il souhaite nous aider à trouver le Loup et nous mener vers l'Origine ? Que pourrais-je demander de plus ? Je sens qu'il est sincère, comme si il était entouré d'une aura de vérité. Juste une intuition... Qui m'a déjà menée au désastre, mais je ne sais plus comment. Une légère tension, un doute plane dans l'air et je libère ma main de celle du prêtre, inquiète. Pourquoi ceux que je veux suivre doivent ils toujours prendre des voies divergentes ? J'ai déjà vécu un tel dilemme, et j'y ai perdu un guide. Un poids sur mon cœur éteint, je lève une fois de plus les yeux vers la lune pour lui demander conseil. Doucement, sa douce mélodie silencieuse s'imprime dans le vent et je lui rend sons sourire avant de faire quelques pas tourbillonnant vers mon père pour prendre la main qu'il ne m'a pas donnée. La joie est revenue avec le chant de Delvïss et je laisse filtrer ce bonheur éphémère dans ma voix.

- Aucun mensonges, envoyé du printemps. Le Loup existe bien et si ce nom ne vous est pas encore connu, le vent vous l'apportera bientôt...

Mon regard se fait lointain comme je plonge dans mes souvenirs, du moins dans ceux que j'accepte de voir. Quelques images défilent comme des fragments de rêve, sans lien ni sens. Ils ne sont que des pierres brisées laissées le long de la route, des petits cailloux blancs qui ne me reconduiront que vers la folie si je les suis, car je n'ai pas de demeure. Mais un nom, et je souris en remerciant la lune.

- On le nomme Ryûseï, et son nom est chanté par le destin. Qu'il soit volonté d'Origine ou vent du Changement, il est au cœur des forces, au centre de la bataille, sans être le cœur pour autant. Mais ce n'est pas en ces terres que nous le trouverons car il est au milieux des ténèbres. Mais la blanche lumière de Delvïss nous a un jour lié et tant qu'elle brillera dans le ciel, je ne pourrais oublier ou abandonner ses traces.

... Sans moi, mais je retiens ces mots et me concentre sur le chant de Delvïss. L'heure n'est plus au pleures, elle est au renouveau comme le témoigne la légère lueur à l'horizon. Comme j'aimerais voir le soleil se lever... Je le salue d'une courbette, les yeux perdus dans l'horizon, et déploie mes ailes pour venir planer entre les arbres au son d'une mélodie que je suis la seule à entendre. Je souhaite voir renaître la joie dans les yeux blancs de mon père, le voir sourire avant l'aube. Même si cette contemplation nous est interdite, le levé du soleil reste un instant de joie. Comme prise d'un puissant besoin de voler, je ne me pose même pas pour continuer mon discours.

- Pour marcher à mes cotés, il vous faudrait des ailes. Croyez vous que l'Origine me laissera voir le soleil se lever ? Peut être se reflètera t-il sur les stalactites si la grottes est assez profonde... Allons, allons voir ce repaire et demain, nous repartirons.

Je fonce à nouveau vers la rivière et tendit que j'approche, des gouttelettes glacées se mettent à tourbillonner autour de moi, comme un bouclier élémentaire. Pourtant, ce n'est qu'une danse en l'honneur de la lune et je m'éteindrai quand le soleil l'effacera pour reprendre jalousement possession du ciel. Je rejoins la grotte en un vole chaotique, valsant avec la rivière, et revenant constamment sur mes pas pour tournoyer autour de mes cavaliers. En cet instant, même les longues griffes qui égratignent parfois l'eau sont des éléments de ma danse, et ma pâleur extrême n'est que le reflet de la lune...

Khsyn regardait sa fille voler tranquilement au grès du cours d'eau. Cela le rendait songeur, lui qui n'a connu que difficulté et intrigue, le voilà en compagnie de deux innocents personnages où peu de dangers pouvaient arriver. Un instant de tranquillité, un instant de bonheur ? Certe pas, les veilles querelles étaient toujours là. Entre Origine, Changement et Équilibre, cela ne pouvait pas durer. Quête d'une Origine incomprise, quête d'une Harmonie perdue, voilà bien des choses qui le faisait sourire intérieurement.

" Voyez-vous, mon cher envoyé du printemps, ayant connu l'Origine dans ma jeunesse, le Changement qui m'a été emmené par la morte-souillure puis enfin l'Équilibre grâce à mon maître, je ne puis voir vos paroles que sous un aspect cynique. Ne m'en veuillez pas pour cela ce n'est qu'avis personnel et je vous respecte pour ce que vous êtes bien évidement. Si toutes ces Puissances sont une et unis, alors l'Origine n'en est pas la Pierre Angulaire. Je pense plutôt que nous devrions La rechercher, Elle qui a engendré ces trois parties qui compose notre monde. Qu'en pensez-vous ?"

Quelques instants de silence passèrent. Khsyn s'arrêta quelques secondes, regardant étrangement l'envoyé du printemps. En reprenant la route de façon machinale, presque en chuchotant, il dit quelques mots énigmatiques dont nul ne pouvait savoir le destinataire.

" ... Oyan Unerii, Guide des âmes, Enfant d'Harmonie, lié par l'Unique au sein d'une forêt opaline, Elle qui fût ton berceau, Elle qui t'apporta la vie au sein d'une pluie irisée.
... Iris Céleste, rose de sang, Enfant d'Interaction, lié par l'Unique dans les bras de Delvïss, Elle qui fût ton berceau, Elle qui t'apporta la mort par sa douceur opaline.
... Élïs Céleste, Prince du Soleil, Enfant de Destinée, lié par l'Unique dans l'astre solaire, Elle qui fût ton berceau, Elle qui t'apporta les larmes mordorées de Delvïss.
... Enfants de l'Unique, le Guide est d'or et d'argent. "

* Comment cela est possible ? Mon tarot n'est plus, comment puis-je encore entrer en transe et voir à travers le Miroir d'Eau ? Bien étrange... Cette rencontre n'aura de cesse de me surprendre. Comme le dit si bien notre cher enfant d'Harmonie, notre rencontre est le fait de Destin. Peu étonnant qu'Elle agisse ainsi vu ce qui s'est passé sur ces terres de mort et de souffrances... *

Le jour allait bientôt arriver et les trois compagnons étaient en vue de l'abri d'obscurité. Khsyn pris la décision de tout dévoiler, il ne fallait pas que les incompréhensions continuent ainsi. S'ils doivent continuer à voyager ensemble, au moins cela sera pour une bonne décision et non par le fait d'une incompréhension mutuelle.

" Iris, Oyan, je dois vous clarifier la situation vis à vis du fameux Loup dont nous parlons depuis quelques heures. Tout cela a commencé il y a de longues semaines, alors que ma fille suivait un groupe d'individu en direction de la citée de Fentaeris afin de se préparer à une grande guerre entre l'Origine et le Changement. Je les suivaient de loin, devant être discret et ne pas me faire connaitre. C'est alors que la guerre a débuté. Enfants de vie contre enfants de morts, le carnage allait bientôt commencer entre Origine et Changement. Seulement, le confluant des puissances était tel que Destin, fille d'Équilibre, est intervenue, penchant cette fois-ci en faveur de Changement. Et c'est alors que tout ce qui était de vie a péri instantanément sous nos yeux, nous condamnant à fuir face aux armées de mort. Loup était au plein cœur de la bataille lui aussi... Si vous souhaitez le retrouver, lui ou ces ossements, c'est là-bas que nous devons aller, bien que je vous le déconseille fortement... "

Alors que nous marchons, le vampire à la flûte murmure quelques mots. Je souris en les entendant. Après tout je me tenais à côté de lui tandis que nous marchions le long du cours d'eau. Il n'est pas seulement doué de musique. Ce qui m'aurait d'ailleurs plus surprit si ça avait été le cas. L'Origine avait eût une intention lorsqu'il décida de cette rencontre. Ces gens n'étaient pas du commun, je le savais déjà. Je ne savais pas encore en quoi même si l'homme m'en avait laissé un aperçu par ses murmures. Je ne m'étonne donc pas lorsqu'il prononce le murmure de mon prénom sans que je ne lui ai donné. Je continue seulement de marcher avec ce fin sourire, accordant mon regard brillant à l'aveugle. L'histoire qu'il nous conte est terrible et laisse à penser que le Loup est mort. Alors que l'aube ne naîtra pas avant encore une longue heure, nous pouvons apercevoir la grotte. Simple creux dans une falaise, son entrée était assez large pour nous permettre de rentrer de face. Je connaissais l'intérieur. Je m'y étais abrité le temps d'un repos une fois lors de mon exploration des plateaux. C'était assez grand pour accueillir trois personnes de plus que nous n'étions déjà et le plafond était suffisamment haut pour qu'un géant ne s'y sente pas si grand. Mais l'endroit était humide à cause du cours d'eau qui naissait dans le fond de la grotte mais il était probablement celui qui avait creusé la roche à une époque où l'eau coulait plus abondamment encore.

Alors que nous arrivons devant l'abri de pierre, je laisse quelques secondes de silence avec l'histoire de notre ami flûtiste. L'air légèrement songeur. Puis je me tourne vers mes deux compagnons avec un nouveau sourire. Sans une parole, je regarde un instant celle que l'homme à appelé Iris planer dans les airs et danser pour la lune tandis qu'autour d'elle, l'eau du cours d'eau s'assemble telle une nuée de perles liquides et qu'un le bruissement des arbres m'indique la nature de cette magie. Je me tourne ensuite vers la grotte et pose à genoux au sol. Mon bâton s'allonge dans la mousse et mes deux mains passent entre les herbes et les feuilles, s'enfonçant dans la terre légèrement humide. A ce contact familier je ferme les yeux. La vue n'était réellement pas un sens essentiel, c'était le sens de l'esthétique, un sens aisé à tromper. Alors que le toucher ne trompait pas. Je sentais les racines sous la terre et ces racines, cette terre étaient réelles. Malgré que le contact soit rompu, la lumière de la sphère d'ambre de mon bâton s'intensifie à la même mesure que celle de mon corps, battant à la mesure de mon coeur. Bientôt les herbes hautes grandissent encore. A vu d'œil, herbe hautes deviennent géante, nous dépasse et nous encerclent, filtrant la lumière environnante et tapissant les environs de pénombre. Elles protègeront l'entrée de la grotte des rayons du soleil, dangereux pour mes compagnons mais elles me permettront aussi d'entre-apercevoir ces rayons. Un beau compromis.

Je retire mes mains de terre et reprends mon bâtons avant de me relever. Je retrouve le visage du musicien et lui souris. Il ne peut pas le voir, je suis certains qu'il peut le sentir.

- Puisque le murmure de mon nom vous à été révélé, peut-être serait-il plus juste que vous me révéliez le votre ? Les arbres ne connaissent pas encore votre histoire, je ne peux les savoir sans vous les demander.

Sans attendre de réponse, je vais ensuite vers le cours d'eau et y plonge mes mains. J'effleure les galets rendus lisses par des siècles d'érosions alors que la terre est emportée par le courant. Un contact frais, puissant et doux. L'eau était un élément qui me fascinait. Iris le connaissait. Mes mains forment une coupe qui prennent une eau claire et que je porte à mes lèvres, m'abreuvant de la pureté qui n'avait jamais connue l'homme. Je ne me tourne pas vers mes compagnons et me perds dans la contemplation de l'eau. Pourtant je réponds.

- Je pense que toutes les puissances dont vous parler ne sont pas unies. Je pense que ce monde est la Création de l'Origine. Sa magnifique Création. Il n'y à donc pas de pierre angulaire mais plutôt une fondation autour de laquelle se sont agencés d'autres éléments qu'il nous faut comprendre ou combattre. Mais ce n'est qu'une pensée.

Je lève les yeux vers Iris et son charme liquide.

- Cette enfant à reçu un don de l'Origine. J'ignore si le Loup est en vie mais quoi qu'on en dise, notre rencontre n'est pas fortuite. C'est une histoire qui sera contée par les arbres dans de longues années, pour l'instant nous devons l'écrire. Iris semble croire en la vie du Loup. Je crois que la Volonté d'Origine à quelque chose à voir dans notre rencontre dans cette plaine. Cette fois-ci je me tourne vers l'homme, assit sur le sol. Tout n'est qu'une question de croyance. Le cynisme vous permet peut-être de voir avec plus de clarté mais à quoi bon puisque vos yeux vous ont été dérobés ? Acceptez de fermer les yeux de votre esprit et d'écouté quelque chose que votre raison ne pourra pas vous dire. Vous avez oublié comment croire mais depuis le début de notre conversation, il n'est sujet que de cela. Je crois en la Volonté de l'Origine à votre sujet Élis Prince du Soleil. Si le Loup n'était pas le mot qui revenait le plus dans notre conversation, alors je croirais que l'intention de l'Origine est tout autre mais tel que je le vois, nous devons aller au Loup.

Je connaissais son nom. Il l'avait murmuré alors que je marchais à ses côtés. Avais-je donc mentit ? Était-ce réellement important ? Élis aurait surement encore à redire à mes propos mais je l'écouterais et lui répondrais. Tel était ma mission. Je guidais les êtres qui s'égaraient, aussi bien sur les sentiers boisés que sur la voie de leurs spiritualité. Pourquoi continuer à parler de tout cela, pourquoi poser des question si ce n'était pas dans le but d'obtenir des réponses, de retrouver un chemin perdu. Qu'il soit celui de l'Origine ou un autre, peu m'importait en réalité, j'aurais plus de satisfaction à voir cette créature de la nuit heureuse du chemin qu'elle avait retrouvé dans la foi envers le Changement que torturé par des croyances qui l'ont abusées.

Un voile de perle de la rivière vient entourer mon père alors que je passe à ses cotés. Je l'écoute et lui sourit bien que je ne comprenne pas le sens qu'il donne à la vie. Qu'est la pierre angulaire ? Je ne cherche pour ma part que l'Origine et je ne pense pas qu'il y ai d'entité supérieur à ce dieu. Ces mots seraient sacrilèges si ils ne venaient pas de la bouche de mon père, mais je sens qu'il est passé par de bien sombres chemins pour en arriver là. L'équilibre serait un troisième pôle ? Je l'ai toujours vu comme l'expression de la volonté d'Origine. Le voile aqueux s'enroule autour de mes deux compagnon tandis que je vole autour d'eux sans jamais les frôler. Mes yeux restent clos pour que leur couleur infâme ne viennent pas troubler cette danse dédiée à Delvïss. Sa douce blancheur trouve un écho tant sur ma peau presque translucide que sur mes longs cheveux blancs, trempés par la rivière, ou sur ces quelques plumes de neige que je laisse derrière moi après un tourbillon aérien. Je laisse au vent un léger murmure avant de monter vers les cieux.

- Équilibre et harmonie ne font qu'un, ils sont dans mon cœur les flambeaux de l'Origine.

Après une pirouette sous les étoiles qui commencent à s'effacer, de redescend en piquet vers le couvert des arbres où l'accueil une prophétie. Le premier vers ne me surprend aucunement... J'y apprend le nom de l'envoyé du printemps, sans doute rien de plus car tout en lui respirait l'Origine. Puis mon nom vient, lié à Delvïss. Cette lune d'argent m'apporterait la mort quand Zoltïss m'a pris la vie ? Un reflet de joie parcours mon être et un sourire s'épanouit sur mes lèvres. La mort n'est rien tant qu'elle n'est pas donnée dans la souillure et je n'aurais aucune peine à offrir ma vie à cet astre de magie. Elle est la seule que je ne crains pas, la seule dont je e cherche pas à me dissimulée... Quand Zoltïss et Keldaïne font naître en moi violence et culpabilité, Delvïss est la seule à pouvoir penser ces plaies. Le seul astre du moins. Deux autres entités brillent pour moi. En silence, je sors une rose de sang et la contemple un instant, avant de relever les yeux vers celui que j'ai toujours appelé Khsyn. Mais si le nom qu'il prononce à cet instant ne dira rien au prêtre, il contient à pour moi un gout bien plus profond, celui du renoncement. Élïs Céleste n'est autre que mon père, et bien que je ne l'ai compris consciemment qu'en cet instant, je n'en suis nullement surprise. Je l'ai toujours su, d'une certaine façon... La mort de mes parents est de son fait, je le sais bien que je ne puisse vraiment l'accepter. N'est-ce pas simplement la perte de la vie, d'ailleurs ? Car mon père n'est pas mort, car le néant ne l'a pas emporté bien que toute vie l'ai déserté. Son lien avec le soleil ne manque pas de contraste, lui qui est devenu une créature de la nuit. Enfant du Destin ? Est-ce là la troisième entité dont il voulait parler ? Celle ci n'est liée ni à l'Origine, ni au Changement, dans mon cœur. Mais voir mon père ainsi assujettit à celle qui ne laisse pas de choix attriste légèrement ma danse. Des perles d'eau viennent une fois de plus tournoyer autour de lui, pour alléger le poids que je sens peser sur lui. Si je pouvais porter à sa place ce fardeau, pas un instant je n'hésiterais. Mais je suis un être de lune, une larme blanche tombée sur la terre et liée à elle comme je le suis au ciel. Je ne peux porter les secrets du Destin...

Le prêtre d'Origine vient s'agenouiller au pied de la rivière et je reprends mon vole pour que l'eau se remette à danser. Elle s'élève dans les airs pour caresser l'homme d'Harmonie qui s'abreuve à son bord, mais quand le voile est passé, aucune humidité ne s'est déposée sur ses vêtements. Sa vision du monde est aussi la mienne, à la différence prêt que le combat n'a jamais été pour moi un moyen et que je ne cherche nullement à repousser ce qui a été créé par le Changement. Chaque être devrait être libre de choisir sa vie... Bien plus que le Changement, je préfèrerais repousser le destin. N'est pas lui qui m'empêche de retrouver la vie, de redevenir l'ange que j'étais ? Non, je ne pourrais pas revenir en arrière sans combattre le temps lui même car trop d'horreurs ont eu lieu et que mon âme en a forcément été souillée.

Brusquement, les souvenirs déferlent une fois de plus alors que mon père révèle une partie de son passé... Un vent de mort se jette sur l'armée, déciment tout une fraction de seconde, pour rendre à ces lieux leur pureté d'antan. Je ne peux imaginer que le Loup ai périt dans un retour à l'Origine, et je ne peux non plus accorder la victoire au Changement. J'ai vu les arbres calcinés se couvrirent de feuilles d'argent, défiant la mort et le néant. Mais je sens que cette vision est des plus fragile, qu'elle cachait l'odeur grésillante des flammes. Est-ce que je veux vraiment revenir en arrière et retrouver le passé ? Je l'ignore... Même si il me semble indispensable de revoir le Loup. Il suffirait de suivre la rivière une fois de plus, de descendre avec elle vers la mer pour retrouver celui que mon âme appelle. L'envoyé du printemps pourrait être mon guide jusqu'à ce que je retrouve le Loup... Non, notre guide, car même si il est lié au destin, je ne peux laisser mon père en arrière. Ma seule certitude est que je ne partirai pas sans lui car je ne peux en abandonner un pour retrouver l'autre. Si ils devaient rester éternellement séparer, mon âme resterait à tout jamais divisée.

Puis, je croise le regard du prêtre avant de baisser des yeux plein de remords. J'ai bien reçu un don d'Origine, mais je l'ai reçu en perdant la vie. Un bien étrange paradoxe... Ce voile est il vraiment une création de l'harmonie ? N'est il pas plutôt une farce du Changement ? Parfois j'en vient à me poser la question même si je sais qu'il n'en a pas le pouvoir. Je soupire et ferme moi même les yeux pour sentir la foi. Je n'ai besoin d'aucun effort, je sens sans peine le regard mauvais que me lance les deux dieux. Je les ai trahit tous deux par mon chemin... Un soupire, puis je lève les yeux au ciel. Trouver le Loup serait notre but ? Si le prêtre le dit lui aussi, alors que cette idée flotte déjà dans mon cœur, peut être accepterais-je de faire à nouveau confiance à la lune.

- J'ignore vers où la rivière nous mènera autant que j'ignore ce que le destin veut faire de nous. Mais si il faut se battre, il est le seul que je combattrai. Je n'aime pas le sceau qu'il a posé sur vous, père.

Puis, je me tourne vers l'envoyé du printemps et me glisse dans la grotte sans le perdre du regard.

- Je ne pense pas que l'Origine pourra à nouveau m'accueillir et je crains que le lien que je partage avec son eau ne soit qu'une erreur, mais sachez simplement que je préfère suivre sa route et souffrir éternellement par ma nature plutôt que de prendre les voies toutes tracées qui ne me mèneront qu'à un fleuve de sang. Sans doute pourrais-je le faire danser comme je valse avec la rivière, mais jamais Delvïss ne pourrait s'y refléter. Je pense aussi que vous êtes bien plus prompt au pardon que votre divinité... Si je n'ai pas périt ce n'est pas par les dessins d'Origine mais par la volonté du Mat.

Ce mot est remonté à ma mémoire, même si j'en ignore encore la signification exacte. Il provient lui aussi d'un fragment de rêve... D'un mot de la lune ou de son musicien. J'espère que j'ai menti, j'espère que l'Origine a lui aussi voulu que je suive sa cause, mais je n'ose pas y croire et espère en silence que cet homme me détrompe.

" Vous souhaitez donc suivre l'Origine, soit. Cependant, j'aurais juste une question. Par où souhaitez-vous commencer ? Une légende ? Un conte ? Une piste ? De mon coté de toute manière, je ne suis ni l'un ni l'autre. Toute vision est bonne à prendre pour s'en servir au sein de l'Équilibre. Car ce que j'appelle Équilibre n'est ni plus ni moins que le détachement de ces deux concepts fondateurs. Cela en fait donc un troisième concept et il ne peut donc y en avoir d'autre. "

Khsyn s'assit alors sur un rocher dans la grotte, méditant quelques minutes. Il semblait absorbé par une soudaine pensée qu'il venait d'avoir.

* Et si le Tarot n'était qu'une part d'un tout, ce tout que l'on pourrait appeler l'Équilibre, alors il est cohérent que je n'ai pas perdu mes pouvoirs pour lesquels je m'étais sacrifié. Il doit donc exister quelque chose qui permet l'utilisation du Tarot. Le Drad connait certainement la réponse je suppose. Cette chose est alors présente partout dans le monde. Œuvre d'Origine ou de Changement ? Je ne pense pas. Les taromanciens recherchait à tout pris l'Équilibre, afin de pouvoir continuer à pratiquer le tarot. Ce serait donc cela ? Peut être. Demain je ferais quelques expériences. Je suis sûr qu'Oyan voudra bien m'y aider. *

Khsyn commençait à sentir la torpeur l'envahir, le jour allait venir dans peu de temps. Alors qu'il se préparer à somnoler dans un coin, il chercha sa fille du regard, elle volait tranquillement, souhaitant voir le soleil. Cela ne l'inquiétait pas vraiment, elle en avait l'habitude. Demain serait le temps des décisions, il en était sûr.

"Oyan, je serais ravit de continuer cette discutions avec vous, mais notre nature fait que nous allons bientôt devoir nous reposer. Cependant il me reste bien quelques minutes avant de me mettre à somnoler. Ma fille tient un peu plus longtemps."

Élis gagne la grotte et l'obscurité qui devait lui être rassurante. Cette pensée m'amuse un peu. Même les créatures du changement, même celles qui ont déjà subit la mort la craignent. C'est cette crainte de la mort que l'on abolit en atteignant parfaitement l'Origine. Moi-même je n'en était pas entièrement débarrasser, l'idée de mourir ne me plaisait pas mais je savais que lorsque le moment viendrait, alors je ne serais qu'une partie d'un tout Éternel que nul concept, Destin ou Changement, ne pourra altérer. C'est une chose que doit comprendre Iris. Nous ferons tous partit de l'Origine un jour ou l'autre mais elle peut faire parti de lui dès à présent. Mes deux compagnons ont à présent rejoints l'abri de la grotte. Alors je me détourne de la rivière et vient m'assoir en tailleur devant l'ouverture de roche puis je lève vers elle mes yeux dorés et lui sourit.

- Tu ignores si l'Origine peut t'accueillir, mais tu accueilles l'Origine en toi. Malgré que tu sois enfant du Changement, en toi vit l'Origine, tel un enfant qui ne demande qu'à grandir. Tu le sens n'est-ce pas ? Lorsque l'eau vient à toi, semblable à mille diamants scintillant, ne ressens-tu pas cet élan de vie ? Cette douce euphorie du pouvoir créateur qui envahit tout ton être jusqu'à tes veines ? Il n'y à pas d'erreur dans son desseins supérieur. Vois-tu une erreur lorsque tu voles au-dessus de l'eau, Delvïss illuminant des ailes et se reflétant au travers des centaines de perles tandis que la brise porte à tes oreilles le murmures des arbres ? La seule erreur est de rester sourd à la mélodie Originelle.

Peut-être mes mots les toucheraient. Peut-être Khsyn y trouverait une nouvelle réponse. Je ne savais pas. Mais le sommeil les prenait, contrairement à moi. Je ne pouvais m'endormir alors que le jour se levait. Si besoin était, ma vie pouvait être la même que celle des arbres et le soleil devenait alors ma flamme nourricière tandis que mes besoins n'étaient plus que terre, air et eau. C'est ainsi que naissent, grandissent et vivent les arbres et toutes plantes. Je laisse Iris méditer à ces quelques mots tandis que ma main se pose sur le sol et que mon regard se tourne vers Khsyn. Dans une lumière qui semblait presque solaire et qui se dirigeait vers le sol, les herbes continuèrent de croître, rampant à l'intérieure de la caverne et offrant un tapis vert et épais. Bientôt cette nouvelle verdure allait mourir par manque de soleil mais au moins elle offrirait une couche confortable à mes compagnons le temps d'un sommeil.

- Je serais là à votre réveil.

Mes yeux ne quittent pas l'aube naissante alors que mon père se détourne. Il s'enfonce dans les ténèbres, reniant le créateur... Je ne comprends pas ce qui l'a détourné de sa foi en l'Origine, ni qui est cet usurpateur qui me l'a enlevé. Son attachement au destin est il le résultat de sa nature vampirique ? Cette ignoble malédiction m'a bien liée moi même à de sanglants dessins. Pensive, je fais tournoyer la rose de sang entre mes doigts avant de plonger mon regard dans celui de l'envoyé du printemps. Il souhaite me sauver, je ne le sens que trop bien. Je l'en crois capable et je souhaite le suivre, mon regard n'a d'autre signification. Peut être y verra t-il aussi une sourde douleur pour celui qui ne cherche pas à me suivre... Pour celui que je ne peux abandonner. Enfin, si il est capable de lire assez profondément, il sentira le lien toujours présent bien qu'endormi, qui me relie au Loup.

Ces mots... Il parle comme le musicien de la lune bien que ce souvenir me soit encore en grande partie voilé. Mais il se trompe, aussi. Crois il vraiment que je n'entends pas cette mélodie ? Crois il que mes pas vont au hasard des vents ? Crois il que mes danses n'ont ni sens, ni sujet ? Je l'observe en silence, écoutant le chant de l'aube. Ce dernier m'incite à m'élancer dans le ciel, toujours plus haut, montant avec le soleil... Mais la bête me retient et je me contente d'offrir à l'astre d'or un sourire empreint de regrets avant de me glisser dans la grotte, suivit d'une légère auréole de fumée. Il était temps, une fois de plus. Mais je ne voulais pas rentrer. Dans un soupire, je m'installe aux cotés de l'homme d'harmonie alors que les rayons meurtriers n'ont pas encore atteint l'entrée de la grotte.

- Je l'entends, envoyé du printemps. Elle est comme une complainte quand le soleil s'éteint, un murmure de triomphe quand la lumière revient, et un doux chant d'éclat quand Delvïss se dévoile. Je suis une danseuse bien que ma vie se soit éteinte, et je ne peux valser sans mélodie... Khsyn jouait, autrefois, pour enchanter les cœur de simples villageois et j'ouvrais mes ailes pour leur montrer le ciel. Aujourd'hui, son talent s'est teinté de mélancolie et je dois m'écarter de ses notes pour danser dans la joie.

Je soupire, pleine de regrets, puis me redresse pour reculer encore plus profondément dans la grotte. Ma peau brûle légèrement bien que je lute pour rester. J'aimerais tant revoir une fois encore la sphère d'or et le bleu profond du ciel... D'une voix douce, alors que la nuit me masque, je continue d'un murmure.

- J'espère de tout cœur que vous ne cherchez pas simplement à réconforter une âme en manque de soleil. Sachez simplement que je vous suivrai, mais qu'il faudra convaincre mon père car la malédiction l'a emporté bien plus loin que moi. Le sommeil m'appelle, maintenant... Telle est ma condition, mais ce n'est qu'une légère gêne par rapport aux autres facettes de cette damnation.

En silence, je recule dans des ténèbres qu'aucune lumière ne peut atteindre et m'étends sur la roche froide. Il veille, devant, cet homme d'Origine. Comme je sombre, je ne sens pas les cauchemars m'assaillir, pour la première fois depuis si longtemps. Si beaucoup de vampires ont perdu toute capacité de rêver, ce n'est pas mon cas... Enfin, est-ce bien des songes ? Juste des images tragiques qui hantent mon inconscient et se dévoilent alors que le soleil m'interdit l'accès au ciel. Je préfère oublier, mais cette nuit, mon repos est complet.

Alors que Khsyn tombait petit à petit dans la douce torpeur du soleil, des visions étranges lui parvenaient à l'approche du néant. Trois gigantesques tours d'ivoire, une arche monumentale qui emmènait vers une tour aux proportions infinies. Il se voyait à la fois marcher vers la tour et fuir à toutes jambes. Il se voyait aussi grimper les marches infinies qui emmenaient vers le sommet de la tour. Un seul mot résonnait alors dans son esprit, il pu les entendre et les prononcer avant de tomber en torpeur.

" Métarex... Binah... "

Dans son esprit, tout fût instantané mais il s'est passé en réalité de nombreuses heures. Le soleil était à présent couché, et il était réveillé avant Iris. Il regarda dans un coin de la grotte, comme promis Oyan était là, toujours aussi paisible. Khsyn se releva doucement, sortant de la grotte. Il était en pleine forme, contrairement à la veille. Le fait de dormir dans un endroit paisible y avait certainement fait effet, à moins que cela ne soit l'œuvre des bienfaits d'Oyan. La lune était rouge sang, Zolstïss... Il se rappelait à présent, la dernière fois qu'il l'avait vu ainsi était le jour où Iris l'avait quitté, il y a d'innombrables années. Cela ne devait pas se reproduire. Il s'assit alors à l'entrée de la grotte, nimbé du halo rougeâtre de la lune.

* Mes souvenirs s'éveillent encore. Cette lune a été le début de ma longue déchéance. J'en vois à présent le bout, Destin marque à présent la fin de son acte aujourd'hui. La roue du temps est parcourue, l'aube d'une nouvelle erre sonne à présent. *

" Zolstïss, voici pour toi cette pavane en souvenir d'un passé révolu."

Khsyn pris alors sa petite flûte sans âge, la porta à ses lèvres et, sous l'aube de cette lune rousse, un son d'une mélancolie et d'un passé oublié résonna à travers les parois de la grotte. Lorsqu'il eu fini, Khsyn se retourna vers les sombres profondeurs, face à l'envoyé du printemps, et lui souhaita une agréable nuit.

La musique : Zolstïss.mp3

" Mon cher ami, en attendant le réveil de ma fille, si nous discutions de ce que nous allons faire cette nuit ? "

Mes deux compagnons s'endorment d'un sommeil profond que le sommeil ne trouble pas. Les autres animaux nocturnes s'en retournaient eux aussi à leurs demeures. Chasseur comme proie. En haut d'un arbre proche, une chouette retrouve pour la dernière fois de la nuit son nid et ses petits qui se sont déjà endormis. Sur le sol entre les hautes-herbes, musaraignes et mulots après une nuit de vadrouille passées à se cacher pour aller se nourrir, retrouve leurs terriers souterrains. C'est une journée de plus remportée dans la lutte de la survie. Un jour de plus dans l'Éternité Originelle. Quant à moi, je quitte l'entrée de la grotte. Une journée est un long moment lorsque l'on ne le passe pas à dormir. Alors je parcourût le clan du Rorkhan et allait retrouver le bord de la falaise. Je n'avais pas vu le soleil échapper à l'horizon mais à présent je pouvais le voir parfaitement, chaud et brillant qui s'élevait au-dessus de moi à son plus au point. Lorsque l'appétit m'assaille, je décide de ne pas voler les arbres. Je ne me nourrirai pas de cette Terre du Rorkhan. Je m'en retourne près du cours d'eau et me met en quête des buissons fruitiers dont je récoltes quelques baies rendues chaudes par la lumière du soleil. Me vient ensuite l'idée que du poisson pourrait s'ajouter à mon régime. Je suivis alors le cours d'eau pour le rejoindre à un point qui serait plus poissonneux que le torrent près du quel nous nous étions établit. Je trouvais cet endroit, la rivière s'élargissait alors que plusieurs torrent se jetaient dans un nouveau lit plus large et plus doux qui se dirigeait droit vers le sud en pente douce. Je souriais à cette vue. J'avais trouvé notre chemin. Je passais ainsi plusieurs heures à pêcher à mains quelques frétillantes créatures que l'Origine acceptait de me céder. Je vidais les entrailles que j'abandonnais aux premiers animaux carnivores qui les trouveraient avant d'écailler mes futurs repas dans la rivière.

Pour ne pas éveiller mes compagnons par l'odeur de la chair grillée, je fis cuire mon repas à proximité de la rivière, ramassant le bois mort qui encombrait les racines et démarrant les flammes à l'aide de la mousse filandreuse qui parasitait les branches des arbres. Le feu était un bel élément. Dansant et brûlant, il pouvait se montrer docile et être un compagnon fidèle dans l'obscurité. Mais si on le nourrit trop, il devient avide et son appétit n'a alors de fin que lorsqu'il ne trouve plus rien à consumer. Mais si le feu pouvait détruire, il était aussi celui qui permettait à la nature de se régénérer. Les terres brûlées devenaient des havres de paix pour les jeunes pousses qui se nourrissaient des cendres et bientôt les plantes et les animaux les plus forts repeuplaient ces zones autrefois dévastées. Bien que le feu soit un danger sur le court terme, des années plus tard, on réalise son bénéfice.

Une fois repût, je pris le temps de faire quelques ablutions dans la rivière, me laissant masser le dos par le cours d'eau et m'amusant à observer les poissons qui jaillissaient parfois hors de l'eau alors qu'ils remontaient le courant pour se reproduire. Alors que le soleil toucherai l'horizon dans quelques heures, je sortis de l'eau et me laissais sécher au grès des derniers rayons du soleil et alors que le soleil n'était qu'un demi-cercle doré qui envahissait le ciel de lueur rosée à la faveur de la nuit montante, j'arrivais devant la grotte où dormaient encore mes compagnons. Les herbes grandies par le pouvoir originel dissimulaient l'entrée de la grotte et aucun prédateur qui puisse les mettre en danger n'aurait pût rentrer. Un hululement sur ma gauche, je lève le regard et je rencontre le regard doré de la chouette. D'un signe de tête, je la remercie d'avoir veillée sur mes compagnons. Elle s'envole dans un nouveau hululement. Par en chasse.

Dans le ciel, Delvïss à demi présente c'est trouvée pour compagne Zoltïss qui n'est qu'un fin croissant rouge. Le sang coulera demain. Pas beaucoup cette fois-ci. Mais les mortels le feront couler. C'était le présage que la lune de sang donnait une fois par mois. Je m'assois entre les hautes herbes, là où j'avais quitté mes compagnons la nuit dernière et attends. Mais je n'attends pas longtemps. Bientôt Élis s'éveille. Si il fût le premier endormi, il est le premier éveillé. Je lui souris alors qu'il souhaite parler avant que Iris ne se réveille

- Bien sûr. De quoi voulez-vous parler Élis ?

Une lueur vient me tirer lentement de ma torpeur, comme une voie qui se dévoile. Un voile rouge se déverse sur le néant alors que Zoltïss me salue. Déjà ? J'ai perdu toute notion du temps et la voici à nouveau brillante dans le ciel. Sa paupière est presque close, mais elle m'observe pourtant, elle attend. Sa compagne d'argent semble bien pâle tout à coup et la complainte envoutante de la lune de sang emplit mon esprit, m'appelant à la danse. Je me force à détacher mon regard de cette lune pour fixer la foret qui m'entoure, et une toute autre lueur attire mon attention. Deux yeux lumineux, effilés et d'un jaune perçant me fixent sans ciller. Des yeux de loup, ou plutôt les yeux du Loup. Jamais il n'a eu un tel regard, mais ce détail ne risque pas d'arrêter mon imagination. Je sens le reproche, mais surtout l'inquiétude. Si il ne me rendait pas visite sous sa forme animal, sans doute m'aurait il crié de prendre garde... Gênée, je baisse le regard sans prendre conscience du danger qui me guette.

Telle une somnambule, je me relève, apparemment pas encore vraiment éveillée. Le rêve s'effrite petit à petit, tout comme l'avertissement. Il ne reste plus que la musique et une sublime foret. Mes yeux sont bien ouverts, maintenant, mais rien n'est comme la veille... Quelques feuilles d'or tombent de l'arbre magique au centre de la clairière. Au dessus, Zoltïss brille de mille feu bien qu'elle ne soit qu'un fin croissant. Sa lueur de sang s'étend partout autour de moi, enflammant la scène. Si seulement je n'aimais pas tant le feu... Des accords tourbillonnent autour de moi, dans une douce mélodie empreinte d'attente et de regrets. Je soupire en silence et commence une lente danse pour réconforter la sanglante lune.

Aucune parole ne m'atteint tandis que je valse autour de l'arbre d'or. A chaque pas, la musique prend plus d'assurance, ajoutant au thème des harmoniques qui me poussent à enflammer ma danse. Mes griffes glissent sur les troncs qui entourent l'arbre d'harmonie sans y laisser la moindre trace et mon sourire revient peu à peu, comme la lune reprend gout à la vie. D'abord aussi léger qu'un voile, un charme étrange se répand autour de moi. Il n'est qu'un appel à la confiance, une simple magie qui rend ma danse plus belle encore. Je ne le contrôle pas même si certain vampires y parviennent, il fait simplement partie de ma nature et est bien trop intangible pour être détecter... Et sans aucun danger car de mauvaises intentions le ferait immédiatement disparaitre. Il y a si longtemps que je ne l'ai pas sentit ainsi, Zoltïss... Pensive, elle semble vouloir quelque chose de moi. Comment pourrais-je lui refuser alors que je lui dois la vie ? Il y a bien longtemps, elle m'a pris dans ses bras pour me soustraire à la mort et je lui ai promis de danser pour elle. Lentement, son œil de sang s'ouvre au dessus de ma tête et je lève les yeux vers elle et m'élève, pour retomber d'une pirouette vers le sol.

Brusquement, la mélodie prend son essor. Si jusqu'alors elle semblait reliée à un point obscure, à la limite de mon champ de vision, elle pulse maintenant librement dans la fraicheur nocturne. L'arbre d'or semble scintiller... Ma danse est une spirale sans fin pour me rapprocher de lui, car il en est le centre bien que Zoltïss soit la seule à me voir vraiment. Dans un brusque accord, je le frôle de mes ailes et pose sur sa branche une longue plume blanche que je viens de trancher. Un sourire radieux, un dernier regard à la lune, la valse tire à sa fin...

Une branche morte repose sur lui et je la chasse d'un geste vif. Elle me gêne, elle entrave cet arbre bien plus que je ne puis l'admettre. Je cherchais simplement à la faire tomber à mes pieds, mais ma force vampirique accentue amplement mon mouvement. Puis, je me coule du même pas derrière l'arbre or et passe tendrement les bras autour de son tronc... Mon visage plonge dans son cou pour en gouter la sève, sans haine ni violence, comme une communion. Son gout me rassure, pulsant de vie et d'harmonie... Il est source de force autant que de réconfort. Une saveur chaude, protectrice, calme, sans le gout piquant de l'adrénaline, je ne peux m'empêcher d'en réclamer plus encore, j'en ai tant besoin. Zoltïss a maintenant ouvert grand son œil et me sourit calmement... Mes griffes se resserrent sur le tronc tandis que la soif se fait de plus en plus forte... En même temps que ma danse, le charme s'interrompt, mais il faudra à l'arbre une force plus qu'humaine pour me faire lâcher prise.

Spoiler:

" Et bien, déjà, que recherchons nous et où souhaitons nous aller ? faut-il rester en Déméria, revenir en Fentaeris... Cette solution me fait froid dans le dos. Je pense plutôt que ce que nous cherchons n'est pas ici en ce continent. Il nous faut nous rendre à la mer, c'est par là que nous pourrons peut être chercher des solutions. Dans un premier temps, peut être devrions nous repartir en Hu-Beï sur les traces de... "

C'est à ce moment là que Khsyn constata qu'Iris c'était réveillé. elle paraissait étrange, un voile emplissait ses yeux. Que se passait-il ? C'est alors qu'elle sortit doucement de la grotte en dansant, et fixa la lune rouge pendant quelques minutes. Lorsqu'elle se retourna, son visage représentait une tristesse infini. Celle-ci se mua alors en douce joie et innocence quelques secondes plus tard.

Tout cela il ne pouvait le voir et ne se rendait pas compte du danger. Pour lui, elle contemplait la lune rouge tout comme lui la percevait faiblement d'une manière étrange, d'instinct, par delà la vision. Iris revint donc en dansant, tournoyant autour d'eux deux de prime abord, puis uniquement autour d'Oyan. Il semblait que le chant Originel faisait écho en lui.

* Là voilà d'une bien belle humeur ce soir. Je ne me rappelle pas que dans mes souvenirs Zolstïss lui faisait cet effet. elle semblait plutôt la craindre, tout comme elle craint... *

" ...IRIS, NON !!! "

Il était déjà trop tard, le charme vampirique d'Iris avait subjugué Oyan, elle ne lui voulait aucun mal après tout, personne n'aurait pu savoir ce qu'elle imaginait actuellement. Khsyn ne vit qu'une seule chose, tout comme il avait perçu le visage de sa fille la veille. Deux crocs s'enfonçant dans un sang qui réagissait trop fortement, celui-ci commençant à s'échapper inexorablement...

* Le sang... *

La bête en Khsyn commençait à refaire surface, lui subtilisant tout contrôle de lui-même. Il ne restait plus que cette vision magique. Sans elle, il aurait pu y résister comme à son habitude. Le sang s'épanchant à flot dans la bouche de sa fille, la bête commençait à s'approcher d'Oyan. Irrésistiblement, implacablement, elle sortit ses crocs pour s'enfoncer avec plaisir de l'autre coté de la gorge. Le sang affluait, emplissait son corps de force et de volonté, bientôt il pourrait s'arrêter en résistant à la bête.

Pendant ce temps son esprit divaguait. Où ? Il n'en avait aucune idée. Le monde était fait d'une brume de ténèbres. Au lointain il percevait à sa droite les cris d'une bataille qui devait faire rage depuis des milliers d'années. En face de lui un être encapuchonné avec une longue robe noire. Étrangement, il percevait le monde comme s'il n'était pas aveugle. Ce qu'il voyait était fait de forts contrastes monochromes, comme si le monde orientait sa nouvelle vision. Cet être le regardait, il le voyait à travers sa capuche.

" Qui es-tu ? La bête qui me contrôle à présent ? "

Aucune réponse de sa part dans un premier temps, elle se contenta de montrer d'un long index filandreux la bataille dont il entendait les échos au loin. Puis des mots résonnèrent dans la tête de Khsyn :

" Bientôt Prince du Soleil. Patience, bientôt. "

Tout redevint noir et Khsyn se réveilla en train de mordre Oyan. A coté, sa fille dont la blancheur des ailes tombait tel des flocons de neige. En utilisant toute la volonté possible, il put se dégager. Ce sang qu'il n'avait gouté depuis bien longtemps, celui d'un prêtre originel... Il s'assit alors dans un coin, tentant une nouvelle fois de refouler la bête au plus profond de lui-même. Il ne fallait plus qu'elle sorte, elle était bien trop dangereuse...

Zoltïss brille. Mais Zoltïss n'est que la petite sœur de Delvïss. Pire encore, elle n'est que croissant, Delvïss bien qu'à demi présente, reste plus grande que sa puinée. La Lune brille abondamment alors que l'envie de sang quitte les deux êtres. L'argent repousse la bête aussi surement que le sang l'aurait apaisé et le plateau du Rorkhan, l'espace d'un instant, devient une plaine aux arbres et aux hautes herbes scintillants. Dans la lueur de la lune, là où une chouette s'était envolée, sur une branche désormais abandonnée, un elfe apparaît alors que les crocs quittent une proie affaiblie. Il est tout de bleu vêtu, de ces vêtements fins, moulants et brillants qu'affectionnent les artistes des cours et son visage est de ceux sur lequel on s'attend à voir un beau sourire blanc. Mais il ne sourit pas actuellement. Son visage exprime plutôt une certaines tristesse alors que Oyan plonge dans un sommeil à demi conscient, bercé par le sentiment de bien-être qui assaille les proies des vampires.

- L'envoyé du Printemps est le fils du Rorkhan. Il y est né et était destiné à y mourir pour laisser naître un nouvel enfant. Iris, j'ai pensé que te laisser retrouver ton père au détriment du Loup était une bonne idée. Mais vous laisser tout deux rencontrer Oyan était peut-être prématuré. Khsyn est appelé à un autre destin que berce Delvïss de sa magie. Iris tu es libres de le suivre encore une fois mais vois ce qui c'est passé. Vous êtes libres de vos choix mais nous sommes à la croisée des chemins et nous avons tous le choix, même notre ami qui à fait celui de se joindre au cycle éternel.

Ces dernières paroles ramènent un sourire fin et brillant, même dans l'ombre de l'arbre. La lune quant à elle perd l'intensité de sa lumière mais l'elfe reste tandis que des racines naissent du sol, emprisonnant peu à peu le corps de Oyan dans un confortable étau de bois qui poursuivait de se mouvoir au rythme d'une respiration presque invisible.

- Oyan va avoir besoin de récupérer mais cette épreuve l'aidera à ce construire. Vous n'oublierez pas ce qui c'est passé même si cela aurait pût être préférable, mais vous saurez que le choix vous est laissé de ne pas laisser vos erreurs se répéter et d'écouter les derniers conseils donnés par Oyan. Vous saurez que vos actes ont amenés Delvïss et Zoltïss à briller dans le même ciel pour les mêmes êtres. Quant à moi et bien j'ai cette flûte dont je n'arrive pas à terminer le bec alors si il n'y à rien d'autre.

Le sourire de l'elfe s'élargit, il regarde les deux vampires. Oyan à raison. La volonté de l'Origine est forte en cet endroit. Lui sent les intentions dénuée de malédiction d'une enfant dansante. Intentions originelles. Elle le pourra un jour. Peut-être a-t-elle simplement besoin de temps. En attendant, l'elfe saute de son perchoir et s'approche des deux vampires dont il touche les fronts de ses index, ne laissant que ses quelques souvenirs dont il à parler et le souvenir d'un nom : Celandil Eowandir. Nom familier pour les érudits, les historiens et les arbres. Puis il ne reste plus rien qu'un arbre bien réel en lieu et place de Oyan et le silence de la nuit. Entre les hautes branches de l'arbre, enfermée entre dans l'écorce, un cœur d'ambre doré à cessé de battre mais il scintille toujours, comme la promesse d'un nouveau fils qui viendra pour le Rorkhan. Dormez bien compagnons et souvenez vous de la route de l'Origine.

Yeux clos, je savoure cette vie qui s'écoule entre mes lèvres quand la musique s'arrête. Une autre, bien connue, vient la remplacer... Delvïss. Je lève les yeux, relâchant l'arbre aux feuilles d'or, et pose mon regard de sang sur la musicien de la lune d'argent. Que fait il ici ? Comment a t-il pu me soustraire à la lumière rouge de Zoltïss ? Mon pouls s'accélère quand je sens ma proie entre mes griffes. Elle n'a rien d'un arbre, et mon guide manque de s'effondrer dans mes bras... Je le retiens tandis que son corps se durcit, comme si la mort venait le chercher. Lui ai-je pris tant de sang pour que la vie le quitte si facilement ?

Puis, il n'y a devant moi qu'un arbre souffrant, un être d'Origine que la lune de sang vient de me pousser à tuer... Mais la vie pulse encore en lui et je me laisse tomber à genoux, affolée par ce que je viens de faire. Que serait il arrivé si Delvïss ne m'avait pas retenu ? Un mort de plus, une vie sacrifiée à l'astre de sang... Je pose une main tremblante sur l'écorce de l'envoyé du printemps avant d'appuyer mon front sur son tronc. Les larmes coulent sur mes joues, ma non vie ne peut rien pour les arrêter. Peut être ne sont elles que des perles de rivière, mais elles n'en sont pas moins sincères. Mes grandes ailes blanches se peuplent progressivement d'obscurité comme je prends conscience de ma nature et des dures paroles du musicien de la lune.

- Loup... L'ai-je vraiment abandonné pour mon père ? Musicien de Delvïss, ne rejetez pas la faute sur lui... Je suis la seule coupable de mes actes et c'est de plein grès que j'ai suivi mon père... Je ne voulais pas... L'envoyé du printemps était mon guide... Je vous en pris, dites lui que je n'ai à aucun instant souhaité sa mort.

Mes doigts pâles comme la lune pressent l'écorce de l'arbre et je m'assoie sur ses racines. Mes longs cheveux blancs s'emmêlent autour du tronc comme je m'adosse contre lui. Si je le pouvais, je lui rendrais sans hésiter ce que je lui ai pris. L'illusion... Zoltïss... Encore une fois elle n'a que trop bien su m'avoir et me forcer à accomplir ses sombres dessins. Je ferme les yeux et ne voit pas l'homme disparaitre. Un simple soupire accompagne cette mélodie qui doucement s'éteint... Puis je me tourne vers mon père.

- Je ne veux pas rester ici... Rentrons à la grotte... Non, allons voir le Loup... C'était là la volonté d'Oyan... Je vous en prie, père... Ne restons pas ici...

Une quinte de toux sans doute artificielle me prend et du sang coule sur mes lèvres. Je l'essuie furieusement d'un geste de la main, me griffant les lèvres au passage. Le sang d'un guide... Le sang pris à un homme d'harmonie contre son grès. Je ne peux l'accepter... Je voudrais que ce sang retourne à la terre afin que l'arbre sur lequel je m'appuie le reprenne, mais la bête n'est pas de mon avis. Yeux clos, je me roule en boule entre les racines, serrant la fleur de sang contre mon visage. Ma voix n'est plus qu'un gémissement plein de douleur et de remords.

- Partons...

Dans un sanglots, je tends une main pâle comme la mort vers celui que j'ai cru bon de suivre. Les paroles de la lune ne peuvent me pousser à la quitter... Pas sans me forcer à me souvenir de tout. Je refuse, je ne peux pas. Je ne veux pas perdre le peu qu'il me reste. Ma vue se brouille et je replie des ailes d'un noir d'encre autour de mon corps... Seule reste cette main griffue tendue vers les cieux.

- Partons loin... Loup...

Des souvenirs fugaces emplissent à présent mon esprit, ils se nomment malheur, crainte et désespoir.
En tout lieux, pourchassé à mon tour je dépérit. Ô vision de paradis pourquoi me laisses-tu choir ?
Jamais la morte souillure ne pourra s'en aller, la Lune Noire brille en moi, et en elle, Zolstïss pour écho.
Dans les ténèbres cette fuite n'en finira jamais, et j'y ai emmené par folie celle qui me lie encore à la vie.
Je sais que jamais je ne pourrai marcher au clair de lune, seule la voie sombre me guide de ces mots.
Je me résigne.

* Dois-je laisser ici ma fille où bien continuerai-je de la faire sombrer avec moi, dans ces profondeurs puantes de la mort ? Je ne sais. Dans l'état où elle se trouve, nul être ne pourrait l'en empêcher... Si, un peu être. Ce n'est certes pas moi, je peux juste espérer la conduire vers les lieux où mes malheurs, craintes et désespoirs ne sont plus. Un tel endroit existe-t-il ? *

Je regarde à présent ma fille pleurant, et le sang s'écouler sur le sol. Non, je ne peux pas soutenir cette vision longtemps. Je m'en retourne alors vers la forêt, nimbée du halo rougeâtre de cette maudite annonciatrice. A côté d'elle, devant la foret, l'arbre qui fût le guide, très certainement périt et revenu à la nature à présent.

* Je n'avais jamais vu le roi de Lune de si près. Mais il est certainement à son image. Quelle cruauté de le transformer en arbre alors qu'il aurait pu tout de même vivre... que dis-je... Cette cruauté est certainement la seule échappatoire à la malédiction. Arbre il était, arbre il en est retourné. *

" Il est temps de partir. Tu peux m'accompagner si tu le souhaites, Iris. si tu veux retrouver Loup, il est part là bas."

Dis-je en pointant vaguement la direction d'où l'on venait. Résigné, je commence à me diriger vers une quelconque direction. Quelques pas plus loin, un étrange sentiment m'envahit. Je l'avais déjà ressenti à plusieurs reprises ces derniers jours, mais sans arriver à le comprendre. C'était comme si quelqu'un, ou quelque chose tentait de me montrer le chemin, sans y parvenir.

* Qui es-tu ? Où es-tu ? Je te cherche désespérément depuis des lunes entières. *

Ne recevant aucune réponse, je continue mon chemin, ce n'était pas le même que précédemment. Ce nouveau me parait... Plus accessible, je ne sais comment le décrire. Alors je marche, et je marche, pendant de longues minutes. Je ne sais pas si ma fille me suis toujours, je regarde derrière moi, elle est toujours là. Étrange, je n'ai pas avancé de plus de quelques mètres, pourtant je sens que j'en suis à plusieurs centaines d'elle. Le monde est étrangement flou entre Iris et moi, ne subsiste qu'un infime chemin pouvant nous rejoindre. Je me retourne encore, en face la forêt se dégage, découvrant une plaine herbeuse.

* La forêt n'est pas censée continuer pendant plusieurs lieux encore ? *

Me retournant une dernière fois vers Iris, le chemin se fait de plus en plus pâle et tremblotant, le flou commence à envahir complétement cette vision, Iris devenant presque irréelle, nimbée d'un halo opalin. Cela avait quelque chose de presque nostalgique, comme une sensation de déjà-vu.

" Me suivras-tu ? "

Ma vue se brouille de plus en plus et j'entends à peine le voix de mon père. Il m'appelle, lui aussi veut partir. J'ignore où mais en cet instant, je le suivrais en enfer plutôt que de rester ici. J'ai encore le gout du sang dans la bouche... Je me lève doucement, déployant mes ailes sous les deux lunes. Est-ce vraiment mes yeux qui me jouent des tours ? Pourquoi mon père est il entouré d'un halo de brume ? Il s'en va, me laissant seule dans cette foret ? La nuit devient sanglante comme il s'éloigne. Des morts, tous vidés de leur sang, tombent presque à mes pieds. Je les vois ramper lentement au sol... Je les connais tous... Mais jamais je ne les ai vu ainsi animés par une force obscure. Je ne parviens même pas à voir leurs yeux, ils portent tous un bandeau d'ombre. Ils ne m'attaquent pas... Non, ils m'appellent à les rejoindre. L'un d'eux passe au travers de l'arbre pour me saisir le bras et je bondit en arrière. Je ne pense pas qu'ils soient réels, ce n'est pas la première fois que la bête s'amuse de la sorte, mais ils n'en sont pas moins effrayant. Si ils me touchaient et m'emmenaient avec eux, elle aurait gagné...

- Père ! Ne les laissez pas me prendre !

Je m'envole entre les arbre et file vers mon musicien en heurtant plusieurs obstacles au passage. Une branche sombre et épineuse me vole quelques plumes, un buisson de ronce tente de me retenir, et cette brume... Je n'en vois pas le bout. Il n'y a qu'un seul chemin et au fin fond du brouillard, une douce lueur diffuse. Je ne peux déjà plus revenir sur mes pas, le passage se referme derrière moi comme un fauve affamé. Un arbre disparait dans un craquement glauque, comme avalé par le néant. Mes battements d'ailes deviennent plus frénétiques encore comme je tente d'échapper à l'abime qui s'ouvre derrière moi. Mon père, loin devant, est mon seule point de repaire.

Enfin, l'horizon s'ouvre sur une grande plaine inconnue. Je n'ai pas la moindre idée de la distance que j'ai parcourue. Je fuyais. Derrière moi, les derniers arbres disparaissent dans l'abime d'ombre, et une nouvelle foret se reforme à leur place. Ce ne sont plus les même, mais ce nouveau paysage est bien plus accueillant. Un vent frais souffle entre les herbe bercées de reflet lunaire... Un peu perdue, je fais un pas dans cette nouvelle splendeur et mes larmes s'assèchent. Ces lieux me semblent emplit de magie, mais rien à voir avec les abominations que j'ai aperçu un peut plus tôt. Une puissance plus ancienne, plus pure, et dont mon père fait partie intégrante. Je me tourne vers lui, incrédule. Jamais je ne l'avais vu ainsi.

- Où m'as tu mené ? Quelles sont ces plaines ? Et ce passage d'ombre...

Je frissonne, repensant à ma course éperdue entre les arbres d'épines. J'ai bien cru y rester, comme si ce monde ne souhaitait pas m'accepter. Mais mon père avait ouvert un passage et je n'ai eu qu'à le suivre sans sortir du chemin ni m'arrêter. Quant à ce qui s'est passé exactement, je n'en ai pas la moindre idée. Perplexe, je reprends d'une voix légèrement tremblante.

- Est-ce la mort ? Son royaume m'a toujours été interdit... Est-ce vers elle que tu m'a mené, père ?

J'aimerai... Je ne l'accuse pas, je serais même prête à le remercier. Je voudrais que quelque chose mette fin à mon état de vampire, que quelque chose fasse cesser cette enfance éternelle. Bien des années ont passées depuis mes quinze ans, et pourtant, je suis toujours la fillette dansant au clair de lune que j'étais. Même alors que la bête a pris possession d'une partie de mon âme, je garde un visage innocent que je ne mérite plus. Seules mes ailes témoignent de mon état.

» Quand vient le temps des choix...
» Quand vient le temps du lierre [Numa et un Mj]
» Depuis le temps qu'on en cause...
» Un instant hors du temps.
» Comment ça j'me blesse tous le temps ? Même pas vrai !