Débarquement de l’Émissaire de la Lune Bleue

Nous y voilà.
Après plusieurs semaines de navigation depuis ma contrée natale, Sola, nous avons enfin touché terre dans le port de Fantaeris.
J’entends d’ici les marins qui m’escortaient s’affairer sur le pont afin d’amarrer le bateau au quai. Le capitaine donne des ordres à son second qui les fait parvenir à son équipage.
Je me décide enfin à sortir afin de pouvoir poser pied à terre.
Une fois près du mât d’artimon, le capitaine me pris à part et me dis :

-Ka’Ori, mon jeune ami, nous sommes arrivés à l’endroit où ton voyage va vraiment commencer. Cependant nous ne pouvons pas t’accompagner car notre patrie a besoin de nous, tu t’en doute bien. Mais, sur l’Aoitsuki, j’espère que ta quête sera couronnée de succès. Puisses-tu trouver la Pierre de Crescia et ramener la prospérité dans nos contrées.

J'inclina alors mon corps vers l'avant en signe de remerciement et fit un léger geste de la main pour dire d'adieux. Je repensait à la Pierre de Crescia. Cette pierre perdu il y a des siècles et que je devais retrouver. Malheureusement je n’avais pas la moindre idée d’où commencer. J’y avais pas mal réfléchis pendant le voyage, cependant je n’avais pas la moindre piste.
Je remarquai alors que l’agitation sur le pont avait fini par s’atténuer, j’étais fin prêt à débarquer.
J’empruntai alors l’étroite passerelle de bois nous reliant au quai fait de pierre.
Cette ville me changeait vraiment de Sola. Dans ma ville, seule la citadelle était fait de pierre ainsi que les murailles d’enceinte faisant le tour de la ville. Les bâtisses étaient faites de bois et de chaume agrémenté de quelques pierres. Seulement ici, chaque bâtiments étaient solidement construit grâce à d’énormes blocs de granits et de marbres le tout surmonté d’ardoises faisant office de toit. J’étais vraiment impressionné.
Je débarquai sur une grande place. De nombreux riverains se mêlaient au commerçant venu des quatre coins du globe. Quelques patrouilles militaires faisaient des aller et retour entres les navires afin de vérifier qu’il n’y avait pas de contrebande je présume. Il y avait vraiment foule ce jour-là ce qui, je l’espère, me faciliterai ma récolte d’information. J'espère surtout que mon jeune âge ne poussera pas les gens à me prendre de haut ou à ne pas me prendre au sérieux. J'ai beau avoir 13 ans il ne faut pas non plus exagérer.
Il me fallait trouver un guide, où tout du moins quelqu’un connaissant la ville. Je me décidai donc à interpeller une personne qui me paraissait fort avenante.

-Bonjour, je suis à la recherche de renseignements au sujet de cette ville, sauriez-vous où et à qui je pourrais m’adresser ?

L'homme à l'air si avenant l'était en effet, mais pas pour un jeune adolescent perdu sur le port. Il ne lui accorda qu'un demi regard et un "pas la temps" marmonné rapidement avant de passer son chemin. Descendant du navire d'à coté, une belle dame et son ombrelle acceptèrent son bras avec un sourire enjôleur et un battement de cils et les deux tourtereaux disparurent bien vite dans le chaos du port. Tout était si grand ici, et les gens si pressés. Presque personne ne prenait la peine de lui accorder ne serais-ce qu'un regard. À droite, on chargeait un navire. À gauche, on en déchargé un autre... Tout fourmillait d'activité, comme si chaque seconde était essentielle à la bonne marche de l'économie pourtant gelée par l’hiver.

Alors qu'il cherchait un autre moyen de se renseigner, une main pas assez discrète se glissa dans sa poche, et en ressortit bien vite s'apercevant qu'elle avait été prise. Le jeune homme se retrouva en face d'une fille d'une douzaine d'année tout au plus, brusquement toute blanche bien que sa peau le soit déjà naturellement. Ses cheveux châtains claire s'emmêlaient sur ses épaules non sans une certaine harmonie chaotique. Son visage fin, aux joues un peu trop creuses se tourna anxieusement vers la patrouille. Trop près. L'air de plus en plus inquiète, l'apprentie voleuse darda deux yeux vert émeraude sur sa victime devenue bourreaux et lui fit un joli sourire embarrassé.

- Heu bon, on oublie hein ? Tu cris pas puis je te renseigne sur la ville, d'accord ? Tu ferais mieux d'accepter hein, personne la connait mieux que moi, cette cité. Je t'ai entendu demander, et je peux t'assurer que tu ne trouveras pas grand monde pour te renseigner si tu veux savoir ce qui importe vraiment ici.

Elle était prête à partie en courant, cette jolie petite femme en haillons. Mais elle préférait tenter sa chance avant. Et puis... Peut être aussi distraire l'attention de Ka'Ori pour qu'il ne s'aperçoive pas trop vite que la dite poche était maintenant complètement vide. Ce ne devait pas être la première fois qu'elle employait cette stratégie et elle avait, autant par sa jolie frimousse que par ses manières vaguement aguicheuses, largement de quoi faire tourner la tête des adolescents comme des hommes mures. Un autre coup d’œil vers les gardes lui appris qu'elle avait intérêt à réussir son petit tour cette fois ci. L'un d'eux avait le regard fixé sur elle, prêt à réagir au moindre soupçon. Il faut dire qu'avec son piètre accoutrement, elle avait du mal à ne pas passer pour une gamine des rues.

- Allez, soit sympa !

Sans attendre de réponse, ou pour l’empêcher d'en donner une, la jeunette posa prestement les mains sur les épaules du jeune garçon et l'embrassa rapidement sur les lèvres, coupant court à la discussion. Durant sa maigre expérience de la vie, la belle avait bien vite appris qu'il ne valait mieux pas laisser aux hommes le temps de choisir, sans quoi on le regretter bien vite et on se retrouvait pour divers raisons forcé de courir. Reculant d'un pas et lâchant sa victime, elle lui offrit un grand sourire joyeux qui fit pétiller ses yeux de jade.

- T'es adorable ! Merci ! Je m'appelle Caliolie au fait. Alors, tu voulais savoir quoi ?

Ah ? Il avait accepté quelque chose ? En tous cas la petite demoiselle semblait bien penser que oui.

J'avais beau me remémorer la scène, je n’arrivais toujours pas à comprendre ce qui venais de se passer.
À peine débarqué et je me sentais déjà dépassé par les évènements. Non pas que je m’attendais à ce que j’accapare l’attention du premier citadins que je rencontre, ni au fait que des marauds puissent circuler dans ce genre de grande ville.
Non, ce qui m’étonnait c’était l’aplomb de cette jeune demoiselle.
Je m’étais préparé aux hordes de brigands, aux diplomates au discours insidieux, aux caprices des éléments. Mais un simple baiser que je n’attendais absolument pas, venant d’une fille que je ne connaissais en rien, avait réussi à me faire perdre contenance. Je sentais mes joues s’empourprer.
Elle m’avait prise par surprise voilà tout. Enfin c’est ce que j’essayais de me persuader.
Je balbutiais en essayant de recouvrer mes esprits.

-Je … hum …

Je pris une profonde inspiration en m’efforçant de me donner un air officiel.

-Je suis à la recherche d’un objet perdu il y a longtemps par …

J’hésitais. Était-ce nécessaire qu'elle sache mon histoire pour m'apporter son aide ? Pour le moment, je n'en voyais pas l'intérêt.

-… Enfin bref, le problème est que je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où je pourrais commencer mes recherches.

Les mains derrière le dos, j’essayais de paraitre le plus impassible possible sans trop savoir pourquoi.
Elle avait beau avoir tenté de voler ma bourse, je sentais que sa proposition de me guider était honnête et, sans trop que je m’en rende compte, son baiser volé et son minois angélique n’y étais pas étranger.

-Saurais-tu où trouver des informations sur d’anciens navires marchands dont la figure de proue ressemblait à un cerf et avec pour seul pavillon une toile verte unie ?

J’étais persuadé qu’une fille des rues n’aurait surement aucune idée d’où trouver ce genre de renseignement, ni même qu’elle sache ce qu’étais la proue d’un navire ou un pavillon, cependant je pressentais qu’avec cette fille je n’étais pas au bout de mes surprises.

-Au fait, désolé de manquer à mon devoir, mon nom est Ka’Ori.

Je lui tendis alors ma main afin de serrer la sienne.

La belle reprit des couleurs, plutôt soulagée par la tournure des évènements et un bref regard vers le garde lui apprit qu'il s'était enfin décidé à l'oublier. Le moment était plutôt bien choisi pour filer en courant maintenant que la patrouille s'éloignait, mais elle n'en fit rien, pourtant. Elle ne se sentait plus vraiment en danger puisque le jeune garçon était déjà bien harponné. Il avait beau jouer les durs, ses joues étaient trop rouges pour que la jeunette s'y laisse prendre.

La curiosité s'inscrivit sur son visage comme elle l'écoutait parler "d’un objet perdu il y a longtemps par...", mais il se contentait de ne lui donner que la moitié des informations intéressantes. Une sorte de chasse aux trésors ? Ce serait toujours plus profitable que la vole à la tir. Pour avoir la bourse de ce jeune homme dans la poche, elle pouvait sans mal se douter que malgré sa jeunesse, ce qu'il recherchait devait avoir une grande valeur. On ne donnerait pas autant d'argent à un garçon à peine sortit de l'enfance sans raison. Par contre, il finirait bien par s’apercevoir du vol et il ne ferait pas bon se trouver à coté à ce moment là. Une étincelle fila dans ses yeux comme une idée lui traversait l'esprit.

- Un objet, c'est un peu vague pour que je te le retrouve en un clin d’œil, tu sais... Elle est grande la ville quand même et rien ne dit qu'il y soit rester. Pour le rafiot par contre, je vois à qui demander ! Viens, on va faire un tour chez les vrais savants de la ville !

Son devoir ? Caliolie ne voyait pas trop de quoi il parle, mais elle saisit la main tendue et entraina le jeune garçon vers les entrailles de la ville. Première étape, s'éloigner un peu des gardes. Après seulement ils pourraient parler sur un pied d'égalité. La fillette des rues n'aimait pas bien sentir sa vie en des mains inconnues, même si celles ci n'avaient pas l'air bien dangereuse. Il était pour le moins intriguant ce petit gars avec une épée presque plus grande que lui, des vêtements étranges et des questions qui l'étaient encore plus.

Les passants s'écartaient au dernier moment comme elle fendait la foule, entrainant sa jeune victime par la main. Puis très vite, les piétons se raréfièrent et de hautes maisons de pierres se dressent de chaque coté de la rue. La jeunette semblait en effet connaître la ville par cœur. Elle gambadait dans des ruelles de plus en plus étroites et odorantes, prenant parfois d'improbables passages entre de sombres bâtisses pour déboucher dans une autre voie où l'ont pouvait à peine passer à deux de front. Sans s'arrêter, elle repris la conversation dès qu'ils furent assez loin pour éviter les oreilles indiscrètes.

- Il est partit d'où ton rafiot ? Et il est arrivé quand ici ? Il allait où après ?

Elle jette un regard en arrière pour vérifier que son nouveau camarade fauché la suit sans trop de difficultés.

- Et dis voir, c'est quoi que tu cherches ?

La petite demoiselle a baissé la voix sur la dernière phrase et ses yeux se sont remis à pétiller d’excitation. Une chasse au trésors, ce n'est pas rien quand même, pour une jeune voleuse cherchant à sortir de la misère. Elle n'a pas l'intention de le lâcher d'un pouce. Maintenant que le danger des gardes est écarté...

La suivre dans ce dédale de rue, même pour moi qui suis très agile, ne fut pas une mince affaire. Elle anticipait les mouvements de la foule, évitait un à un les obstacles se dressant sur sa route tout en me posant des questions.
Arrivé dans une ruelle, elle ralenti un peu, elle paraissait chercher quelque-chose. J’en profita alors pour lui tapoter l’épaule en lui demandant de faire une pause le temps de répondre à ses questions, ce qui m’était impossible tant que nous étions lancés dans cette course effrénée.

-Pour commencer l’objet que je recherche …

Ses yeux céladon plein d’étoiles me laissaient penser que plus elle en saurait, plus elle serait coopérative et motivée à m’aider.

- … est une Pierre qui a de grands pouvoirs et qui a appartenu à mon peuple depuis l’an 519. Cependant, vers la fin de l’an 625 un navire, celui que je t’ai décrit, est venu s’accoster sur nos rivages et nous l’avons accueilli comme il se doit. Cependant il s’avéra pas la suite qu’il ne s’agissait que de bandits de hautes-mers qui étaient venu ici afin de dérober notre précieux artéfact. Depuis, quelques émissaire ont été envoyé au fil des âges afin de la récupérer, mais tous ne sont jamais revenu. Et la perte de cet artéfact a profondément démoralisé notre peuple. Notre patrie jadis si puissante est tombé dans les méandres de l’oubli et rare sont ceux connaissant encore son nom ou même son existence.

Je fis donc un résumé afin d’être le plus concis possible :

- Mais pour résumer, les seules informations que je possède sont : C’est un navire qui est parti en 625 depuis les côtes de la Péninsule Mezame, le point le plus austral d’Oridia. On ne sait où ils sont allé. Tout ce dont nous soyons sûr, c’est que sa figure de proue était un cerf, ce qui est peu commun même de nos jours, et que son pavillon était seulement vert unis, et aucun navire qui s’est arrimé sur nos côtes n’a eu ce même pavillon depuis.

Je remarquais cependant que j’avais été bien trop prolixe sur le sujet, en tout cas plus que je ne l’aurais voulu. Avant de la suivre encore il fallait m’assurer que je puisse avoir confiance en elle :

- Écoute, j’aimerai quand même que tu ne divulgue pas à qui veut l’entendre ce que je t’ai raconté sur cette Pierre. Pour l’instant seul le navire importe. C’est l’unique piste que je possède. Cependant si tu m’aide à retrouver cette Pierre, sache que la récompense sera nettement supérieure à ce que j’ai dans ma bourse. Elle se trouve d’ailleurs dans ta poche en ce moment, je me trompe ?

Caliolie s'immobilisa et se tendit, prête à bondir, comme la main du jeune homme lui reteint l'épaule. D'abord sur ses gardes, elle se retourna et ne tarda pas à prendre un bel air moqueur. Ce garçon était certainement plus costaud qu'elle et si elle devait l'affronter de front, elle n'aurait aucune chance. Mais question vitesse, apparemment, il ne faisait pas le poids ! Une bonne chose à savoir quand on risque de se faire prendre en chasse. Enfin, il fallait bien avouer que comme elle était dans son élément, elle gambadait comme une gazelle la mignonne ! Aucune de ces sombres ruelles ne lui était inconnue, et alors que les ombres s’allongeaient, plongeant peu à peu la ville dans la nuit, elle prenait de plus en plus confiance. Ce serait plutôt à Ka'Ori de s'inquiéter car à moins d'avoir fait particulièrement attention au chemin, il devait être complètement perdu.

La surprise succéda à la moquerie quand le jeune homme se décida à lui répondre. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui offre des informations d'une telle importance aussi facilement. La journée avait été rentable entre le bourse rebondi et cette conversation qui valait encore plus sur le marché de la pègre ! Heureusement pour lui que la petite demoiselle était ambitieuse, sans quoi elle se serait sans mal contentée du joli pactole que lui aurait rapporté cette joyeuse fuite et l'aurait laissé en plan sans se poser plus de question. Elle n'avait d'ailleurs pas encore décidé de la marche à suivre, mais elle était assez joueuse pour poursuivre la partie tant qu'elle avait plus de carte dans sa manche que son inconscient adversaire. Le sourire joviale reprend ses droits comme il lui demande de se taire, et elle pointe vers lui un index amusé.

- Moi ? Raconter tout ce tintouin ? De nous deux ce serait plutôt à toi d'apprendre à te taire. Va pas dire tout ça au type auquel je t'amène hein ! Tu vas te faire bouffer comme un bleu ! T'es dans le monde du dessous là, vaut mieux pas trop se faire remarquer dans le coin.

Hum, pour la bourse, il s'en était apparemment rendu compte. Bon sang, fallait vraiment qu'il en vaille le coup son cailloux pour qu'il raconte tout à une parfaite inconnue qui venait de lui faire les poches ! Et juste pour avoir des informations sur un navire qui aurait potentiellement pris la pierre magique ? D'un ton plus moqueur, la belle reprit son discours après un petit bond en arrière pour éviter une tentative de récupération intempestive des petites piécettes si désirées.

- Puis pour ta bourse... T'as les poches percées mon gars, je ne voudrais pas qu'elle tombe entre de mauvaises mains. Je n'ai fais ça que pour ton bien !

Elle ponctua sa phrase d'un petit rire aigüe et joyeux. La vie n'avait pas toujours était rose, mais aujourd'hui elle n'avait pas à se plaindre ! De quoi manger pendant un sacré bout de temps. Par contre, il allait falloir lui expliquer deux trois détails au petit gaillard si elle voulait pas tout perdre et se faire dévorer avec lui par de plus gros poissons. On ne se présente pas devant des pirates avec un air naïf et un trop franc parlé.

- Tu vois, si ils sont pas revenu tes copains, c'est qu'ils ont du se jeter dans la gueule de Fentaeris aussi bravement que toi. La ville, elle en bouffe tous les soirs des gars trop braves et trop causants. Pour ton rafiot, il est assez peu ordinaire pour que Bob le connaisse, mais va pas croire qu'il t'aidera par bonté d'âme. C'est un ancien pirate, et ses informations, il les vend ! Je te présenterai. Je lui ai déjà filé des coups de mains, alors il devrait pas être trop dur en affaire, mais va pas te laisser piétiner. Il n'hésitera pas à en profiter.

Au fond, elle s'en moque qu'il soit ruiné, mais comme elle a les sous au fond de sa poche, la question a pour le coup nettement plus d'importance. Pas question de tout refiler au vieux Bob !

- Tu sais rien d'autre sur ce navire ? Même pas la direction qu'il aurait pris ? Remarque, il a disparu depuis tellement longtemps que ça ne change pas grand chose.

Je ne pouvais qu’acquiescer. J’en avais beaucoup dit et malgré la fascination imperceptible que j’avais pour cette gente demoiselle des bas-fonds de Fantaeris, il était évident qu’il fallait que je sois sur mes gardes à présent.
Fallait-il que je la suive encore ou rebrousser chemin, si tant est que j’y arrive. Afin de peser le pour et le contre, je plaçai ma main sur la garde d’Aurora :

*Aurora, mon amie, que dit tu de cette affaire ? Elle m’a l’air plus intéressée par mes biens et les profits qu’elle pourrait faire grâce à moi que par ma quête. Cependant, je ne peux m’empêcher de déceler un espoir, un je-ne-sais-quoi qui me donne l’intime conviction que je n’arriverai à rien sans elle.*

La réponse d’Aurora ne se fit pas attendre :

*Oui, je pense aussi qu’elle est digne de confiance, malgré ses agissements de tout à l’heure. Cependant je ne pourrais pas en dire autant de ceux vers qui elle nous conduit. Il faut être extrêmement vigilant !*

*Tu à raison ! Donc je la suis, mais je reste concentré. En cas de danger, sois prête.*

*Comme toujours !*

Je m’adressai alors à Caliolie :

- Tu à raison, j’ai été assez imprudent, mais mon petit doigt me dit que seule toi est à même de m’aider.

Par petit doigt, j’entendais bien sur Aurora, mais là il était vital que personne ne soit au courant pour les propriétés de mon épée. Non pas que j’avais peur de la perdre, car elle me revient toujours en main dès que je le souhaite. Mais plutôt qu’elle me vaudrait bien des ennuis si des gens peu scrupuleux voulait me réduire à l’état de cadavre afin d’en faire l’acquisition.
Cela me donna d’ailleurs une idée. Si je n’arrivais pas à négocier avec ce fameux Bob, je n’aurais alors pour seule alternative que de proposer Aurora. Une fois les informations en main et assez loin de cet endroit je n’aurais qu’à souhaiter revoir mon Épée-Esprit dans mes mains et ni vu ni connu je pourrais continuer ma quête. Cependant j’aimerai vraiment ne pas arriver là pour la simple raison que ça attirerait trop d’ennuie à cette jeune fille.

- Bien que ce soit ce que je fais depuis tout à l’heure, j’ai décidé de te suivre. Emmène-moi voir ce Bob afin que je sache où trouver ce navire perdu.

"Trop brave et trop causant", il fallait vraiment que je tempère cela.

- Je veux dire … Je te suis !

Afin de lancer la conversation sur le reste du chemin et surtout d'en savoir plus sur cette mystérieuse enfant, je lui posa alors timidement une question :

- Sinon, c'est quoi ton histoire à toi ?

Elle était son seul espoir ? Voilà qui était aussi agréable qu'inhabituelle. D'ordinaire, on lui faisait plutôt comprendre qu'elle avait intérêt à se montrer irréprochable, car elle n'était qu'une fillette sans prétention et qu'il y en avait des milliers aussi mal lotit qu'elle. Mais la jeunette était ravie que le petit doigt l'ai à ce point à la bonne. Elle le trouvait néanmoins toujours aussi inconscient de la suivre les yeux fermés dans les rues mal famées d'une ville inconnue, mais il faut dire qu'elle ne lui avait pas vraiment laisser le choix. D'un mouvement gracieux, elle se retourna et repris sa course dans la ville à une allure plus réduite et avec d'avantage de précaution. Elle avait beau connaître la cité et être connue des ombres de la ville, si elle était parvenue à s'en faire reconnaître, ce n'était pas en se pavanant sans la moindre prudence à la nuit tombée.

Sans répondre autrement que par un grand et lumineux sourire, Caliolie atteint le coin d'un rue, jeta un bref regard pour s'assurer de l'absence de danger, et fit signe à son camarade de la rejoindre. La rue était plus étroite encore, mais elle montrait pourtant d'avantage de prudence. Après une brève hésitation, elle se mit à longer les ombres et ne se décida à reprendre la parole que quand ils arrivèrent dans une rue plus large. Derrière les lourdes bâtisses de pierres, le ronronnement de la mer se faisait à nouveau entendre bien qu'ils aient du faire un sacré trajet dans la ville. La jeune fille pris une démarche plus décontracté, signe que le quartier était moins dangereux, mais elle resta néanmoins quelques instants à réfléchir. Parler de sa vie... On ne lui avait jamais posé la question en fin de compte. Une sorte de tabou planait sur la passé des gens de la pègre. Mais bon, il lui avait mis dans les mains assez de chaines pour le ligoter irrémédiablement, alors elle pouvait bien lui laisser une ou deux courtes ficelles.

- Moi, je suis née ici.

Elle montra du doigt la direction du port et reprit sa marche, bien décidée à donner les informations au compte goute. La rue devenait plus passante autour d'eux, et Caliolie jetait des regards de tous cotés. Elle s'immobilisa au coin d'une rue pour laisser passer une patrouille avant de reprendre son chemin bien moins rapidement. La suivre devenait maintenant très aisé, mais prévoir ses réactions beaucoup moins. Sa voix se fit plus basse, si bien que le jeune homme du tendre l'oreille pour entendre la suite.

- J'ai jamais eu de mère et mon paternel n'était qu'un soulard. Il a fallu que je me débrouille, tu vois. Bref, j'ai appris à vivre dans les ombres de cette ville. Il y a de quoi faire, plus qu'on ne le crois... On y est bientôt.

Il en savait déjà bien assez pour le moment. Pas la peine de lui donner plus de précisions. Déjà, la belle se dirigeait vers une taverne dont l'enseigne tordue et à demi effacée indiquait "L'od[...]e se[...]" de façon complètement illisible. Bien plus détendue, la jeune fille poussa la lourde porte poussiéreuse et se glissa par l'ouverture sans même prendre le peine de l'ouvrir complètement. Il allait falloir la refermer après et vu comme les gonds étaient rouillés... Elle n'avais pas les puissants bras d'un soulard en manque de boisson !

Un homme immense au visage rougeôt et aux bras épais comme des piliers de temple est en train de s'enfiler une bière derrière le comptoir. Il pose brutalement la choppe sur la table. Celle ci explose en mille morceaux noirâtres, mais le géant n'en tient pas compte. Avec un sourire de dément, il lève l'anse dans son gigantesque poing et le tend à l'attention des deux enfants. Sa face couturée de cicatrices lui donne pourtant l'air plus effrayant que joviale, surtout que les chicots noircis qui transparaissent entre ses lèvres épaisses ne lui donne pas vraiment l'air de sourire. Sans montrer la moindre hésitation, Caliolie s'approche et pose une pièce sur le comptoir.

- Bienvenue à l'odeur du sel, les mioches ! Qu'est ce que que tu fiches là, fillette ?

- Envoie deux bières patron ! On vient bavarder par ici, à tout hasard.

Le titan qui n'a pas grand chose d'un tavernier saisit deux choppes noirâtres, les essuie sommairement avec un chiffon encore plus sombre et les remplit d'un alcool mousseux et plutôt corsé. La jeunette se saisit d'un des breuvages et s'en envoie hardiment une gorgée dans le gosier, plus pour jouer aux grandes qu'autre chose. Une larme brille dans la coin de ses yeux d'émeraude quand elle repose la choppe presque aussi grosse que sa tête. La patron se penche au dessus du comptoir et regarde alternativement les deux jeunes visiteurs.

- Et bien, de quoi on cause ?

L’endroit était vraiment singulier. Non-pas que je ne sois jamais allé m’aventurer dans une taverne dans le Royaume de Sola, mais celle-ci n’avait rien à voir avec celles de ma terre natale. Celle que j’avais visitées, en tout bien tout honneur, étaient de petites masures cossues faites de rondins épais et dont les odeurs douceâtres incitaient plus à ripailler plutôt qu’à comploter.
Ici, tout était différent. La pièce était dans une sorte de brume entretenue par la fumée s’échappant d’épais tuyaux paraissant sortir des boyaux de la terre. Cela donnait d’ailleurs des reflets mystiques aux flammèches émises par les chandeliers.
« L’odeur du sel ». L’endroit portait bien son nom. Aux effluves d’alcools de mêlait en effet une odeur saline. Je ne sais cependant si elle provenait de la mer ou s’il s’agissait du sel servant à la conservation des aliments.
A présent que j’étais face à ce fameux Bob, il fallait que je la joue serré. Il était nécessaire que je me fonde dans le décor.

- ‘Jour m’sieur, j’suis une amie d’là d’moiselle ici présente. J’suis un grand amateur d’navire vous voyez ? Mon père c’était un flibustier alors j’ai ça dans le sang. Enfin voilà, on discutait d’bateau et elle m’a dit qu’vous étiez capable de r’connaitre n’importe quel navire rien qu’par sa figure d‘proue et son pavillon, ouai m’sieur ! Moi j’crois que c’que j’vois alors me voilà hein !

J’étais vraiment étonné d’avoir un langage de marin aussi crédible. Ecouter les discutions de mes compagnons de voyages m’a été d’un aide salutaire. Je fis mine de réfléchir.

- Tient, par exemple mon Père, il m’racontait souvent l’histoire d’un vieux rafiot où nos ancêtres avaient bossés. Un magnifique trois-mâts avec une figure d’proue en forme d’cerf et son pavillon, bah il était juste vert. Alors moi j’parie vous en avez jamais entendu parler d’un comme ça hein ?

Avec ce coup, je n’aurais peut-être même pas besoin de négocier l’information. Encore fallait-il qu’il morde à l’hameçon.

Le titan regarde ce jeune adolescent à peine sortit de l'enfance avec un sourire qui s'élargit de plus en plus, puis il éclate franchement du grand rire gras et sonore. Il jette joyeusement sa tête en arrière alors que les choppes tremblent dans leurs étagères, comme effrayées par la grosse voix du vieil ivrogne. Puis, sans transition, ses yeux sombre se braquent sur le jeunot et son visage balafré prend un ton plus sévère. Sous ses airs de brute épaisse, Bob est loin d'être idiot et le mensonge ne lui a pas le moins du monde échappé.

- Hé, gamin. Ici tout se paye, mais si tu te paye ma tête, je vais t'en montrer le prix.

Il se tourne vers Caliolie qui se mord discrètement les lèvres. Évidemment, vu la formule qu'elle avait employé, Bob ne pouvait pas réagit autrement. On vient rarement "bavarder à tout hasard" dans une taverne au fond, et il n'était pas connu pour offrir sans broncher ses informations. Trouver un navire pirate pour le simple plaisir ? Il faudrait être fou. La jeunette ravale son dépit et reprend son sourire assuré, c'est qu'il va falloir qu'elle le rattrape ce coup là. Encore, devant ce grand ivrogne, ce n'est pas bien grave, mais ce n'est pas demain qu'elle le présentera à la pègre ce petit gars là ! Il ne faut jamais sous estimer les connaissances de ses informateur, première leçon qui aurait pu lui coûter bien plus cher.

- Bon, fillette, tu lui dis mes conditions ou je vous fais payer aussi les explications ?

La belle hoche la tête et se tourne vivement vers son camarade. Elle aurait du le briefer un peu mieux avant cette rencontre, elle s'en rend bien compte maintenant, mais elle n'est pas habituer à côtoyer des types pareils. Toujours guillerette et insouciante en apparence, la petite demoiselle lui adresse un clin d’œil amusé.

- Laisse tomber les âneries, il sait très bien qu'on vient pas le voir pour un jeu. Ici t'as deux choix, l'or ou les informations, mais vu que t'as pas grand chose d'intéressant à y dire... À moins que tu connaisses les adresses d'un ou deux types recherchés ? Mais gaffe à toi, les informations sont toujours vérifiées.

Sa voix à beau être légère, les paroles sont plus lourdes qu'elles n'en n'ont l'air, mais appuyer sur le "rien à dire" serait trop dangereux devant un fin escroc comme Bob. Si il en venait à lui parler de son cailloux, il risquait d'être encore plus inaccessible ! Par définition, les paroles entendu par un vendeur d'information sont répétées moyennant finance et la fillette préfèrerait plaquer deux belles pièces ronde sur le comptoir plutôt que de tenter le diable, mais le choix ne lui revient pas. Il en prendrait note aussi, qui plus est, il a forcément deviné qu'ils avaient quelque chose à cacher, mais on y peut rien et avec un peu de chance il gardera le silence pour la remercier de quelques bons services qu'elle lui a donné par la passé. Relevant le regard vers la figure rougeôte du vieux loup de mer, elle reprend avec le même entrain.

- J'ai bien résumé, vieux truand ? Lance t-elle finalement avec un sourire à faire fondre les plus endurcis.

- Pose ta question gamin et je t'en donnerai le prix. Attention pourtant, ce n'est pas dit que tu puisses en poser une deuxième, choisit bien les mots.

Je suis vraiment dans une posture délicate. Je n’ai plus le droit à l’erreur. Il ne fallait plus que je tourne autour du pot ou que j’essaye de le berner. Il est loin d’être bête, ça c’est certain.
Cependant sa dernière phrase ressemblait à un mélange d’ultimatum et de menace. Le moindre faux pas et je suis sûr de ne pas sortir d’ici sans y laisser quelques plumes.
Il me fallait trouver cette question primordiale.
Ce qui m’intéresse le plus c’est la Pierre. Cependant il est évident que lui en parler ne ferait que me conduire à ma perte. Je ne peux donc pas lui demander s’il en a entendu parler.
Je pourrais également lui demander où se trouve les derniers propriétaires du navire. Mais rien ne me dit qu’ils sachent où se trouve la Pierre ou qu’ils aient encore le bateau. Non, j’ai vraiment l’impression que pour avoir le plus de chance de trouver ce que je cherche il n’y a qu’une seule question qui puisse me donner un maximum d’information :

- Entendu, navré d’avoir manqué d’honnêteté à votre égard. Ma question est donc la suivante : où puis-je trouver à coup sûr le navire dont je vous ai fait la description ?

Cependant, j’espère que ma conduite hasardeuse n’a pas trop laissé transparaitre l’intérêt que j’ai pour cette information. En effet, il est quand même assez évident que plus une personne cherche à cacher ses motivations, plus elles sont importantes, et que le prix en sera donc plus conséquent. Moi-même je le savais, mais je suis complètement dépassé par les évènements. J’ai toujours été habitué au calme relatif de nos terres. Hormis les entrainements régulier et les diverses épreuves que j’ai eu à passer, je n’ai finalement jamais été vraiment face au danger ni à l’inconnu, tous deux représentés à présent respectivement par cet homme bourru et cette fille au corps élancé.
Il fallait vraiment que je retrouve au plus vite une atmosphère stable. Non pas que cette montée d’adrénaline m’incommode, mais je ne voudrais pas prendre trop de risque inconsidéré et surtout prendre le temps de réfléchir. Ici, la situation n’est absolument pas propice à cogiter.
À présent, il ne me restait plus qu’à attendre de savoir si ma question était pertinente, mais surtout de savoir le prix que me vaudrait sa réponse.

Bob se penche en avant pour poser ses coudes sur le comptoir et sa grosse tête balafrée se fend d'un sourire. Il jauge le jeune gars. Plutôt bien habillé... Pour sur, il ne doit pas être sans un sous. Et cette épée à son flanc, une bien belle arme, mais le vieux pirate n'est pas assez fou pour la lui demander. Les hommes d'arme tiennent trop à leur lame, surtout quand elles sont de belles facture, et pour qu'il en possède une si jeune, il faut bien que ce soit une possession familiale ou quelque chose du genre. Où trouver le navire, donc... Il baisse la voix, mais même son murmure s'entend dans toutes la taverne heureusement vide.

- À coup sûr, nul part, gamin. Par principe, un navire ne reste pas immobile. Le mieux que je puisse faire est te donner son repaire et les ports où il s'arrête habituellement. Tu le sauras pour 500 pièces. Double la somme et je te dis tout ce que je sais de ce rafiot.

Son sourire s'élargit. La somme est tout bonnement ridicule, à peine le prix d'un bout de pain. Ou le pirate lui fait une fleur, ce qui ne correspond pas franchement à l'individu, ou il y a un problème quelque part. À coté de lui, Caliolie n'a pas l'air le moins du monde surprise et bien qu'avec résistance elle lui tend discrètement sa bourse, se laissant aller contre lui pour l'occasion. Elle se la serait bien gardé, pour une fois qu'elle avait de l'argent en poche. Enfin, elle se fait confiance pour ne pas avoir trop de mal à la récupérer. Son regard de jade croise celui du jeune homme et elle lui fait un imperceptible signe de tête. Bob n'a pas été vache pour une fois, peut être parce que l'information n'a pas grande importance, au fond. Il saura peut être où est sa pierre, mais comment compte t-il la récupérer si elle est gardée par tout un équipage ? À moins que ce ne soit un navire marchant, mais dans ce cas il faudra aller chercher ailleurs.

- Et bien, gamin ? Que veux tu savoir ?

La posture de Bob dit clairement qu'il ne patientera pas bien tranquillement toute la journée. Il a décidé de ne pas trop ruiner ces enfants, mais il reste une brute, un marin, et un marchant d'information. Prenant l'hésitation évidente du jeune homme pour un problème pécunier, il reprend.

- Si tu as les poches vides, tu peux toujours aller barouder pour mon compte. Il y a deux trois coins sur lesquels j'aimerais garder un œil.

Un mission d'espionnage, tout simplement. La jeunette en a fait assez pour en connaître les dangers, mais ce n'est peut être pas le cas d'une garçon entrainé à l'épée et destiné à régner sur un peuple oublié.

Tout en réfléchissant, je trempe mes lèvres dans la chope, histoire de voir le goût du liquide brunâtre se trouvant à l’intérieur. Mais l’alcool n’est vraiment pas mon truc et je fis une légère grimace en repoussant le récipient.
Il me faut impérativement en savoir un maximum sur ce navire. Je ne peux pas me permettre de laisser passer la moindre information !
Sa mission, bien qu’elle m’intrigue, n’est pas du tout indispensable pour moi. 1’000 pièces, ce n’est franchement pas grand-chose au côté des 5 pièces d’or que je possède. Et qui sait, peut-être qu’un détail qu’il mentionnera me lancera sur une piste différente si celle du bateau ne donnais rien au final.
J’ouvris donc ma bourse et en sorti mille pièces que je déposai alors sur le comptoir d’un geste nonchalant.
J’espérais cependant que ne pas lui rendre le service qu’il me demandait n’allait pas réduire le nombre d’information qu’il sera disposé à me donner. Après tout, peut importer ce que je fais seul lui décidera de la quantité d’information qu’il sera prêt à me donner !

- Voilà. Maintenant dites-moi ce que vous savez sur ce navire. Son nom, où il accoste, son propriétaire, tout ! Je veux tout savoir !

Mais une fois ma phrase finie, la curiosité me poussa à demander tout de même en quoi consistait exactement cette mission.
Tout en me levant, je le regardai alors dans les yeux et dis :

- J’aimerai toutefois également savoir en quoi consistait ce travail. On ne sait jamais !

Le géant prend une pièce et l'approche de son énorme tête. Ses yeux s'étrécissent un instant, et il jette un regard appuyé sur la gamin. Il n'a pourtant pas l'air de se payer sa tête... Alors il est aussi ignorant qu'un nouveau né ce petit ! Ignorant de la terre sur laquelle il a mis les pieds du moins. Il forme un petit couple bien étrange, lui et cette jeunette débrouillarde et voleuse. Il y a vraiment de quoi se demander pourquoi la fillette semble l'avoir pris sous son aile. Le vieux pirate la connait assez pour se douter qu'elle a un idée derrière la tête.

- Des gulis... Ce sera dix fois ce prix alors, gamin ! Et 200 gulis de plus pour les frais de change ! La valeur n'est pas la même.

Il ajoute un large sourire qui dévoile une fois de plus sa dentition désastreuse. Pour le coup, les informations ne sont pas offertes, mais au moins le prix n'est plus aussi dérisoire. Il eut été étrange qu'il brade ses connaissances pour une bouchée de pain. Ou alors il aurait vraiment fallu qu'il ne sache rien. Mais Bob n'était pas connu en tant que vendeur d'informations sans raison !

- Pour la mission, je préfère que tu m'envoie de la monnaie. Vu comme t'as l'air de connaitre la ville, tu risquerais bien d'y rester. Mais si tu insistes, on peut tenter. Par contre tu n'apprendras ce que tu es venu cherché qu'en rentrant victorieux et tu ne sauras ce que je veux qu'après avoir accepté. Dans le milieu, chaque détail est important, fiston. Pour ton rafiot, sache déjà qu'il s'agit d'un navire pirate avec une sacrée force de frappe. Je ne sais pas ce que tu lui veux, mais si tu viens pour une vengeance, tu ferais mieux de rentrer chez toi.

Sa grosse main frappe joyeusement sur le comptoir et se tend vers la gamin, attendant la suite pour continuer. Ça ne l'enchante pas d'envoyer un gamin au casse pipe. Non qu'il le pense stupide ou inapte à l’espionnage, mais simplement qu'il est de plus en plus évident qu'il ne connait absolument pas la ville. Ses missions ne sont tout de même pas une promenade de plaisance sans danger.

À coté, Caliolie semble rester à part. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, simplement qu'il est toujours risqué d'intervenir dans une négociation. Surtout quand il s'agit de trafique d'informations et qu'elle reste déjà à coté à écouter sans rien payer. Le coup des gulis... Mince alors, la bourse doit être moins pleine qu'elle y parait. Dommage.

Spoiler:

Evidemment, j’aurais dû me douter que ça n’allait pas être aussi simple !
Soit je dépensais une petite fortune mine de rien et je récoltais les informations tant attendue, soit j’acceptais cette mission en espérant que Caliolie me fasse profiter de sa connaissance de la ville pour m’aider à l’accomplir.
Il me faut vraiment y réfléchir posément avec l’aide d’Aurora. Seulement, même si mes contacts avec elle s’effectuent par la penser, j’ai peur que ça n’éveille une méfiance que de le faire debout devant eux.
Je demande donc :

- Au vu de ces nouvelles informations, j’ai besoin de réfléchir seul à seul. Auriez-vous une pièce où …

Je n’ai même pas eu le temps de finir ma phrase qu’il me montra alors la table du fond.
Soit, je m'en contenterai. Je m’y installai alors, posa ma main sur le pommeau de Aurora et entama la discussion :

* Aurora, mon amie, je suis vraiment perdu. Que dois-je faire ? Payer cet énergumène ou effectuer cette mission ?*

* Réfléchis, quelle solution te plait le moins ?*

* Au premier abord je dirai la mission, cependant j’ai peur qu’en payant et récupérant les informations, Caliolie s’en aille vaquer à d’autres occupations. J’ai pourtant besoin qu’elle soit …*

Je marquai une pause, à vrai dire je ne sais pas du tout ce que je pense de cette jeune fille. Elle m’intrigue et je n’ai pas envie de la voir s’évaporer dans la nature. Mais malgré ça je n’arrive pas à finir ma phrase.

*N’en dit pas plus ! Je comprends parfaitement. Maintenant je pense que le mieux pour toi est d’effectuer cette mission avec Caliolie. Nous sommes tous les deux d’accord sur le fait que ce n’est pas le choix de facilité et qu’on ne sait pas vraiment dans quoi nous nous embarquons mais il faut savoir prendre des risques. Mieux vaut faire face au danger que de lui tourner le dos ! C’est ce qui m’avait perdu autrefois. En pensant trouver une bonne piste je m’étais embarquée sans le savoir dans un galion à la solde d’assassins. Et voilà où ça m’a menée !*

*Oui, c’est dommage, cependant on ne peut revenir sur le passé. En tout cas merci pour tes précieux conseils, je ne vais pas les faire attendre plus longtemps.*

*A très bientôt, cher Âme-Pure !*

*De même, Âme-Maternelle !*

Je me relevai alors et me remis à ma place d’origine tout en fixant les gros yeux harassé du patron de l’échoppe.

- J’ai pris ma décision. J’accepte de faire votre mission. Vous n’avez qu’à garder la bourse que je vous ai passée comme gage de confiance. J’accomplirai votre quête vous avez ma parole !

Spoiler:

Caliolie suite son compagnon des yeux comme celui ci va bouder dans son coin. Il est comique à se cramponner à son épée dès qu'il ne sait plus quoi faire ! Deux fois déjà. Bon, elle est bigrement belle et doit valoir une petite fortune, mais là il frise le fétichisme ! Un sourire flotte sur les lèvres charnues de la jeunette. Faudrait voir sa réaction si son joyaux venait à disparaitre... Bref, ce n'est pas le moment de s'amuser, elle a la grosse bouille de Bob juste au dessus du crâne et même avec l'habitude, ce n'est pas franchement rassurant. Cet ivrogne il a une fichue musculature quand même. D'une main désinvolte, elle saisit son énorme choppe de bière et fait semblant de la boire. Puis, au bouts d'une minute tout au plus, le petit gars revient. Il réfléchit vite au moins, bien qu'elle ne voit pas trop où était la difficulté de la question. Ce n'est qu'une question de choix : foncer dans la gueule du loup ou se ruiner. Elle même, elle aurait hésité, mais clairement, son jeune compère ne risque pas d'arriver à espionner grand chose sans elle. Quand on a même pas idée d'où se trouve la cible... Bref. Ce n'est jamais une mauvaise chose d'être indispensable.

Bob toise le jeune homme de haut en bas. Bah, il pourrait peut être réussir, puis sinon, tant pis pour lui. Les risques ne sont pas si grand pour le vieux truand et savoir qu'un gamin s'est fait butter par sa faute ne l'empêchera pas de dormir. Il hoche la tête et pose les coudes sur le comptoir, se penchant légèrement en avant. Au moins, il est motivé le mioche. Les informations ont l'air très importantes pour lui.

- Comme tu veux fiston, c'est ta vie mais oublis pas que tu n'en as qu'une !

Lance t-il d'une voix tonitruante avant de baisser brusquement le ton. D'un coup, il devient bien plus professionnel et n'a plus grand chose d'un joyeux alcoolique, mais il s'envoie tout de même une grosse choppe cul sec pour se rincer le gosier avant d'envoyer son alène puante l'alcool à cent mètres dans la tête de l’adolescent.

- Je ne vais pas te mentir, ce ne sera pas simple. J'ai un client qui veut apprendre deux trois bricoles sur les activités des gardes royaux concernant la répression des fraudes, les malfaiteurs les plus en vue. Trouve les indices qu'ils ont et ceux qu'ils recherchent coté mer et port. Il te faudra aller fouiller les paperasses du chef de la garde et tendre l'oreille à tout ce qui se dit. J'aime mieux te prévenir qu'au sortir d'une guerre et avec un jeune roi sans descendance sur le trône, tu ne vas pas rencontrer des chiffes moles. Ils ont un service de "renseignements" plutôt bon qui pourrait bien te tomber dessus. Si jamais ça arrive, ils ne te tueront peut être pas, mais prononce mon nom une seule fois et tu signes ton arrêt de mort. Tu es envoyé par mon client, indirectement, alors les gardes n'ont pas besoin de savoir que je me suis chargé de la transmission.

Un regard dur, puis il se ressert une choppe de bière en réfléchissant et la boit juste après.

- Donc, tu es envoyé par les Roscasses, des petits mafieux qui tentent de s'emparer du port. Au pire, dis leur où est leur quartier général et les gardes te relâcheront peut être. Ils campent dans une taverne derrière les poissonniers, "Le bigarré", et leur chef ne t'a pas dit son nom en t'embauchant.

Sur ce, il se rejette en arrière et congédie Ka'Ori d'un geste de la main et réhausse joyeusement la voix.

- Bonne chance, p'tit gars !

J’acquiesce d’un signe de tête.
Espionner des officiels, cela me semble bien moins dangereux que d’espionner des membres d’une quelconque organisation souterraine ou de malfrats imprévisibles.
Malgré mon statut de voyageur, je pense que m’être fait voir plus tôt avec Caliolie en place publique ne me favorisera pas cette quête. Je ne peux donc pas aller m’y présenter comme une fleur et demander les renseignements comme si j’étais un mercenaire cherchant un travail auprès de la garde. Et puis mon jeune âge m’aurait tout de suite porté préjudice.
Maintenant il fallait que je mette à profit mon entrainement, que j’agisse enfin comme une ombre indétectable, silencieuse et rapide. Mais il fallait tout de même que Caliolie me guide, quand bien même je savais où se trouvait la capitainerie étant donné que nous somme passé devant lors de notre course effrénée, je n’ai pas la moindre idée de comment y rentrer pour le moment.
Je lance alors un bref regard vers Caliolie. Son sourire sur ses lèvres me laisse penser qu’elle est prête à m’aider. Je lui dis alors à voix basse en faisant route vers l’épaisse porte servant d’entrée à la taverne :

- Tu m’y accompagne, n’est-ce pas ? J’ai besoin de ta connaissance des lieux et puis ... j’aime bien ta compagnie après tout !

Je réfléchi et m’empresse de répondre afin qu’elle ne trouve pas d'argument pour me laisser me débrouiller seul :

- Oh, et je te promets que si ça tourne au vinaigre je ferais en sorte que tu puisses t’échapper indemne ! Mais bon, ensemble, il n'y a aucune chance que ça tourne mal, non ?

La jeunette se faufile comme une anguille hors de la taverne et adresse un petit signe de main à Bob en guise d'au revoir. Il est amusant le jeunot, tellement naïf... Du haut de ses douze ans elle est déjà bien plus sournoise que lui ! Question d'éducation bien entendu. Elle n'est pas née dans la soie, et pas même au sein d'un peuple aimant. Non, elle vient des bas fond des égouts inexistants de Fentaeris, et comme douillette chambrette, on peut faire mieux. Un sourire jusqu'aux oreilles, elle rattrape son compagnon d'un petit bond joyeux. Y a pas à dire, il est doué pour s'embourber dans les sables mouvants de la pègre, ce gars !

- C'est bien mignon de ta part, mais j'y gagne quoi moi ?

Elle papillonne joyeusement des cils et se rapproche encore du jeune garçon avec son plus beau sourire enjôleur. Exhibé sur son visage d'enfant, cet air vaguement aguicheur donne un effet des plus étrange. Elle ressemble un peu à une fillette qui imiterait les attitudes ostentatoires de sa mère tout droit sortie d'une maison de passe. Peut être est-ce le cas, d'ailleurs, après tout ? Pour ce qu'il sait d'elle, sa mère pourrait aussi bien être reine que fille à marin. La belle lui susurre presque à l'oreille, se dressant sur la pointe des pieds.

- Tu as parlé d'une récompense, mais faudrait peut être développer un peu si tu veux que je te suive...

Joueuse, elle recule et s'échappe. Ce n'est qu'un jeu, des enfantillages de pré-adolescents. Caliolie n'a pas souvent eu l'occasion de s'amuser dans sa jeunesse, alors la moindre anecdote sortant du commun la lance dans une superbe partit de cache cache. Pas en filant se planquer dans un grenier... Plutôt en se jouant des sentiments et certitudes de son vis à vis. Qu'il croit qu'elle est prête à le suivre, et la jeune fille se fera un plaisir de lui prouver le contraire. Et pourquoi accepter gratuitement de donner un service alors qu'il pourrait lui rapporter quelque chose ? Maintenant que l'immense tavernier ne la retient pas de sa présence écrasante, elle lui vole son jouet. Sa main se tend vivement vers Ka'Ori et ses yeux d'émeraudes brille d'un franc sourire moqueur.

- Et si tu comptes te sacrifier pour moi, j'ai rien contre, mais envois donc la bourse, chéri ! Ce serait vraiment trop bête qu'elle se retrouve entre de mauvaises mains, pas vrai ? Puis si t’apprécies tellement ma compagnie, on va pas se quitter, alors inutile de laisser notre pactole dans tes poches trouées ! Les miennes sont bien plus sûre. Rien n'en sort ! Jamais !

Sa main reste tendue vers le jeune homme. Elle est toujours aussi pétillante d’excitation à l'idée d'entreprendre une chasse au trésors, et elle ne prend absolument pas la peine de le cacher. Mais au fond, elle n'a pas forcément besoin de ce jeune compagnon même si sa présence est loin de lui déplaire. Amie ou concurrente ? À lui de décider. Ou peut être restera t-elle toujours un peu les deux. Toujours sur le même ton joviale, elle reprend son discours éméché.

- Et en effet, y a pas grande chance qu'ils nous choppent. Juste une chance sur deux je dirais ! Autant dire que c'est gagner d'avance, pas vrai ?

Un radieux sourire vient ponctuer ses mots dont le sens s'envole aussi follement qu'un serf volant en pleine tempête. Une chance sur deux, n'est-ce pas largement assez ? Dans le monde du crime pour deux enfants égarés, ce n'est déjà pas mal.

Spoiler:

Une chance sur deux ? C’est assez risqué je pense ! Pourtant je ne peux pas vraiment revenir en arrière, et puis, ce n’est pas comme si je n’avais pas l’habitude de me lancer dans des quêtes où les chances de réussite sont minimes, en effet, je me suis quand même lancé à la recherche d’une pierre perdu il y a de plus de 600 ans au moins !
Cependant, je ne sais pas exactement quoi lui répondre à cette demoiselle. Pour savoir il me faudrait connaitre ses motivations, ses buts, ses rêves. En observant le ciel entre les toits, qui d’ailleurs dans ce quartier étaient dangereusement proche, je me rendis compte qu’il faisait nuit noire.
Je ne pense pas qu’il faille pénétrer dans les quartiers de la Garde dès ce soir, la mission n’avait pas l’air d’une grande urgence pour qu’il me la confie à moi. Et puis je préfère repérer les lieux et écouté les ragots avant de risquer d’attirer trop l’attention sur moi.
Mais avant cela il me fallait du repos, entre les sueurs froides que j’ai eu dans la bicoque de ce brigand et la course effréné aux côtés de cette fillette, je suis éreinté. Et puis le voyage en mer a été long et je donnerai tout pour dormir dans un vrai lit plutôt que ces vulgaires hamacs que je me suis coltiné lors de mon périple maritime.

- Ecoute, je ne te cache pas que je n’ai pas l’intention de m’y mettre dès maintenant et que j’ai besoin d’un peu de repos. Que dirais-tu de trouver un endroit tranquille où passer la nuit et réfléchir à tout ça, la tête reposée ?

Je porte mes mains derrière ma tête et courbe le dos en arrière pour faire craquer mes articulations. N’attendant pas vraiment de réponse, je regarde aux alentours. La rue est déserte et il n’y a aucune trace d’auberge ou d’un quelconque autre gîte.

- Alors, on va où ?

Spoiler:

Raté pour la bourse. La jeunette se détourne, sans pour autant se défaire de son sourire et passe un regard hésitant sur la ville. Un lieu où passer la nuit, ce n'est pas difficile à trouver, mais un lieu sûr pour un petit gars trop riche... Sa ronde se figea alors qu'elle se tournait vers le cœur de la ville et un air assuré s'afficha sur ses traits. Trois bonnes secondes, quatre peut être ? Trouver une cache pour la nuit était tout à fait à sa portée. Une auberge, par contre, cette possibilité ne lui était pas même venue à l'idée. Pourquoi débourser quelques précieuses piécettes quand la ville est si accueillante ? D'une pirouette joueuse, la fille des rues se retourna vers son camarade.

- Comme tu veux, mais faudrait pas trop trainer tout de même ! Quand Bob il demande des virées, il en a souvent besoin vite. Je te propose d'aller dormir pas trop loin de la caserne et on bouge à l'aube. Ce ne serait pas mal d'arrivé entre chien et loup et peu avant la relève. Les gardes, le matin, ils ont les yeux dans les chaussettes. Sinon, faudrait remettre à demain soir, mais tu prends toujours des risques en faisant attendre Bob. Il pourrait envoyer d'autres types sur le coup si il ne te voyais pas revenir.

Les mots coulent en torrent, mais ils ne viennent pas du néant. La petite demoiselle s'y connait plus qu'il n'y semblerait en larcins en tous genre. Bon, niveau pickpocket, elle a encore des progrès à faire, mais il faut dire que les vêtements de Ka'Ori ne sont vraiment pas commun. D'un signe de main, elle l'entraîne à nouveau dans les rues sombres et malodorantes de la capitale.

Bien que le soleil soit déjà couché, il n'était pas si tard. L'astre du jours se montrait toujours frileux en hivers... La nuit ne serait pas longue si il fallait se lever à l'aube, mais tout de même assez pour ne pas déambuler l'air hagard et les yeux à demi clos comme un ivrogne anéantit par une trop copieuse beuverie. Mais alors que les rues semblent ne pas vouloir cesser de défiler, l'odeur de la ville se fait plus nauséabonde encore. Rien à voir avec cette petite ville perdue au milieu de nul part d'où vient le jeune garçon. Ici, à toute heure du jour et de la nuit, il y a de la vie. Selon l'horaire, les habitants sont juste plus ou moins fréquentable et dans cette obscurité toujours plus opaque, Caliolie semble préférer éviter les rencontres. Elle tourne dans une ruelle et murmure à mi voix.

- Bienvenue dans un de mes chez moi, j'espère que tu n'as pas peur des rats ?

Une vieille baraque plus ou moins abandonnée s'effrite lentement entre deux édifices en aussi pitoyable état. La bicoque délabrée semble servir de débarras, ou en tout cas, la fillette peine à écarter la vielle table qui sert de porte et l'intérieur semble tout aussi bouillon et congestionné.

A première vue, l’endroit aurait pu sembler inhospitalier, cependant je ne pouvais m’empêcher d’y trouver un côté accueillant grâce à son aspect secret et protégé. Et puis cela me rappelait quand j’allais dans le vieux manoir en ruine avec des amis et qu’on y passait la nuit. Bon, en revenant le lendemain matin je me faisais systématiquement remonter les bretelles par les sages et par mes parents mais ça ne m’a jamais empêché d’y retourner quand l’envie m’en prenait. J’aimais bien cet endroit en fait, c’était un peu comme mon repaire, et j’avais l’impression que je venais de pénétrer dans le sien.

- Non, t’inquiète pas, les rats et autres rongeurs ne sont pas vraiment un problème pour moi, ce n’est pas parce que j’ai vécu dans un certain confort que je n’ai pas eu l’occasion d’évoluer dans ce genre de milieux.

Je me mis alors à avoir un petit éclat de rire sucré.

- Et puis je ne vais pas faire la fine-bouche, hein !

Je lui fis un léger clin d’œil, assez discret pour ne pas être sûr qu’elle l’ai vu ou non, et m’installât sur un tonneau coupé en deux posé sur le sol. Je fis alors balader mon regard sur la pièce. Elle était pleine de bric-à-brac et d’objet en tout genre. Soudain, un élément attira alors mon attention.
A l’autre bout de la pièce, sur une petite table d’appoint il y avait un petit cadre dont le verre fissuré laissait entrevoir un visage. Ce qui m’intriguait c’est que contrairement au reste des objets il n’y avait pas de poussière dessus. Poussé par la curiosité je me levai alors et demanda :

- Tiens, c’est quoi ce portrait, là-bas sur ce meuble ?

Spoiler:

Caliolie se faufila dans la baraque branlante avec la discrétion d'un chat sauvage. Ses yeux allaient d'un coin à l'autre de la vielle bicoque, cherchant des signes d'occupation depuis son dernier passage. Après une seconde à peine d'observation, elle se dirigeais déjà vers un recoin entre deux planches pourrissantes dont elle extirpait une couverture trouée et malodorante. Elle fronça légèrement les sourcils ce qui lui donna un air plus perplexe et interrogateur que sévère, puis haussa les épaules, laissant tomber sa trouvaille au milieu de l'allée à peu près dégagée. Pivotant aussi aisément qu'une danseuse, la jeunette se retourna ver son invité.

Pour les rats et les lieux insalubres, elle aurait été surprise et bien déçut qu'il s'en offusque. Puis ce refuge ci était plutôt propret et confortable comparé à d'autres. Ce jeune gars était un guerrier après tout ! Enfin, du moins portait t-il une épée et il y avait de bonne chance qu'il sache s'en servir sans quoi il ne causerait pas sans cesse avec. Puis il n'était pas taillé comme un noble enfanfreluché jusqu'à l'os. Il n'avait pas non plus la crasse et la débrouillardise d'un gamin de rues, mais... Oui, un guerrier, maintenant qu'elle y repensait c'était le plus probable. Sa musculature et ses mouvement laissaient penser qu'il savait manier les armes. Le fille des rues avait appris très tôt à repairer ce genre de détails pour ne pas s'en prendre à des cibles trop dangereuses et pas assez rentables.

Le cadre... Son air guilleret s'effaça un peu alors que son regard de jade se perdait dans les doux traits du fusain. Un homme entre deux ages les fixait d'un air dur, comme pétrifié sur sa toile au milieu d'un regard noir. Dessiné au trois quart de face, on pouvait voir ses cheveux longs et raides noués en une queue de cheval sur sa solide nuque. Était-ce la maladresse du fusain ? Les traits de l'homme semblaient durs, le vieillissant plus que sa posture ne le laissait penser. D'épais sourcils surplombaient des yeux légèrement trop petits. Un nez sec et relativement fin donnait plus encore de rigidité à cette effigie de papier et ses lèvres pincées ne le rendaient que moins accueillant encore. Sous le portrait, une chemise plutôt habillée était à peine esquissée, se perdant dans le contour d'ombre de croquis. Pas de signature, pas de nom, rien. Le cadre de bois sombre ne comportait que les trace d'un sculptage malhabile avec des outils sans doute mal adaptés. Caliolie laissa échapper un léger soupire avant de bien vite se reprendre pour offrir son joli visage toujours aussi souriant à son jeune ami.

- T'en fais pas, il est encore plus impressionnant en réalité. Tu le rencontreras peut être un jour, qui sait ? En tous cas je te le présenterai à ce moment là et seulement si il le veut bien, pas avant. Désolée Orinou, je tiens encore à la vie.

Son sourire semble tout de même un peu forcé et son regard dérive malgré elle vers l’œuvre, laissant paraitre sur ses traits un brin de nostalgie. Comme prise d'une impulsion, elle saisit le cadre et le fourre dans une poche de son manteau. Pour le cacher ou le protéger ? Difficile à dire, peut être les deux. Toujours un peu plus sombre qu'à l’accoutumée, la fillette grimpe sur un meuble et en fait tomber un matelas poussiéreux. Après avoir farfouiller quelques instants dans le fouillis de la pièce, elle revient avec un amas de peaux de bêtes cousues grossièrement. Le genre de possession relativement précieuses qu'on ne s'attend pas à trouver dans une aussi piètre demeure et qui ont du passer le début de leur existence dans des lieux bien plus coquet avant de croiser le chemin d'une apprentie bandit. D'un geste désinvolte, Elle le jette sur le matelas et s'étire.

- On va devoir se tenir chaud, j'ai qu'une couche.

Sans s'embarrasser de la moindre gène, elle retire les couches superficielles de ses vêtements et se glisse sous la peau odorante. Elle garde tout de même une épaisseur de tissus pour ne pas souffrir des rigueurs de l'hiver.

- Tu sais comment procéder demain ? C'est ta mission après tout.

Comment ? Comment faisait-elle pour me causer tant de trouble avec autant de désinvolture ? Encore une fois je sens mes joues devenir plus rouges que jamais. Je repensais à cette fin d’après-midi, à peine débarqué de mon navire qu’elle me tomba littéralement dessus et où, sans même crier gare, posa ses lèvres sur les miennes. Et à présent elle m’appelait « Orinou » et s’était partiellement dévêtu, assez en tout cas pour que je ressente un léger gène, et m’intimait de la rejoindre sous ce patchwork de fourrure.
Je secouai alors vigoureusement la tête afin de reprendre mes esprits et me donner une contenance.
Demain … j’y avais réfléchi pendant le trajet jusqu’à ce refuge. Et à dire vrai je n’avais que les grandes lignes de ce qui allais se passer.

- Demain, eh bien comme tu l’as dit en partant il va falloir y aller à l’aube. Une fois à l’intérieur on récupèrera les informations demandées et en ressortiront aussitôt. Si nous avons la chance de ne pas nous être fait repérer nous pourrons alors compléter notre quête d’information sur la Grand-Place du port. Ensuite il nous restera plus qu’à aller à l’Odeur du Sel et le tour sera joué !

A mesure que je parlais, je sortis un petit paquet de tissu de ma poche de ceinture. Je défis la ficelle qui scellait le minuscule paquetage et en sorti deux biscuit de mer, des « galettes » comme l’appelait l’équipage m’ayant accompagné jusqu’ici. J’en pris un et tendis le sac à Caliolie.

- Tu en veux ? C’est pas mauvais du tout, mine de rien.

Et joignant le geste à la parole je croquai dans le petit biscuit et laissa échapper un léger sourire ravis. Je m’étais embarqué dans une affaire d’espionnage à la solde d’un vieux pirate assez rustre tout en étant lancé à corps perdu dans une aventure que cinq personnes avant moi avaient échoué. Et malgré tout cela je ne pouvais m’empêcher de rendre le sourire de cette jeune fille. Et puis, même si c’était à demi-mot, j’avais bien compris qu’elle comptait quand même m’accompagné un petit bout de chemin et ce n’était pas pour me déplaire.
Je me demande vraiment qui était la personne esquissé sur son petit tableau. Une sorte de mentor, un parent, un ami ? Je n’en avais pas la moindre idée, mais elle avait mis tellement de mystère autour de ce simple croquis que je ne pouvais me contenter de si peu d’information. Mais le message était clair quand elle a rangé le tableau : pas maintenant.

Spoiler:

La jeunette sourit devant la simplicité du plan. Oui, pourquoi se creuser la tête plus que nécessaire, ils pourraient aussi bien improviser sur place. Enfin, sans doute pas aussi bien qu'avec un plan solide et prévu à l'avance, mais il se faisait tard et il valait sans doute mieux suivre son instinct plutôt que de passer une nuit blanche pour concevoir un projet ingénieux, rendu infaisable par la fatigue. Au moins, il ne semblait pas bien inquiet son nouveau camarade de "jeux". Elle pris une galette d'un air un brin pensif et y mordit à belles dents. La bière de chez Bob était à juste titre réputée très nourrissante, mais encore fallait t-il réussir à finir sa choppe. Malgré ses efforts louables, elle n'y était pas parvenue et n'avait pas eu l'occasion de manger grand chose d'autre depuis le matin. Après un soupire d'aise, elle laissa retomber sa main tenant le biscuit sur la couette et se tourna vers le jeune garçon, toujours aussi radieuse.

- Pas mauvais, oui ! Moins bon que les croissants du père Banchote, mais bien meilleur que le néant qu'on a la plupart du temps dans le ventre. Faudra qu'on aille passer le marché demain, tient. Y en a un rue des briques rouges.

Sur ce, elle se laissa tomber en arrière pour regarder la guerre incessante des araignées contre les punaises, au plafond. Il n'y en avait plus beaucoup à cette époque, mais dans cette vieille baraque abandonnée, certaines avaient survécu. Un museau de rat apparu un instant entre deux poutres croulante, et disparu presque aussitôt, suivit des légers tapotements d'une course folle entre les détritus variés du château de bric-à-brac.

"Passer le marché"... Ou le mettre à sac plutôt, selon les expressions des enfants des rues. La jeunette n'allait tout de même pas changer ses si délicieuse habitude de voleuse sans foi ni loi parce qu'il y avait une bourse pleine si proche. L'argent ne serait que trop utile, tout ne pouvait pas être volé. Ou plutôt, tout le pouvait pas être voler sans courir de trop grands risques. Il y a des organisations auxquelles il ne vaut mieux pas s'attaquer. La voix basse bien que toujours un peu trop perçante de Caliolie se fit entendre aux frontières du sommeil.

- Dis, c'est loin Oridia ? ... Les cartes ne montrent pas les distances, juste des formes qui ne veulent rien dire.

Étendue sur le dos, la belle des rues gardait les yeux grands ouverts. Un regard vert, plein de rêves... La rue, elle avait une chance de la quitter pour l'inconnu qui ne pouvait être que plus beau.

- Oridia ? Eh bien assez oui, moi je viens d’une péninsule de la côte sud d’Oridia et en navire j’ai mis un peu plus de deux mois pour arriver ici.

Je m’approchai alors d’un orifice dans le mur servant de lucarne et chercha des yeux les constellations trônant dans le ciel qui m’étaient si familières. Malheureusement je n’en reconnu aucune.
Changer d’hémisphère m’avait catapulté dans un monde si diffèrent du miens que je commençais à ressentir un léger mal du pays.
Pensif je regardai alors par-dessus mon épaule et vis Caliolie toujours allongée sous l’épaisse peau de bête rapiécée.

- Tu sais, Sola, ma terre, me manque un peu. J’aimerai vraiment te la montrer, ses collines enneigées en hiver sous des cerisiers endormis, ses plaines où s’affairent des paysans cultivant du rutabaga à ne plus savoir quoi en faire chaque jour de l’année, la citadelle où les sages de mon villages m’ont formé, le quartier des commerçants où à toute heure de la journée des gens s’échangent poissons, denrées du continent et or, et puis, il y a le vieux manoir … Cet endroit me le rappelle vraiment tu sais ? Un endroit caché du monde extérieur, un repaire connu seulement des initiés, un refuge pour méditer. Le rêve de tout jeune adolescent en somme !

Peu à peu, la fatigue et le froid commençait à me gagner. Je reconsidérais l’invitation de Caliolie à me joindra à elle sous la couverture. Je m’y glissai alors en tachant de soulever le moins possible la couverture, évitant ainsi de la découvrir, et une fois installé m’efforça de laisser le plus d’espace possible entre elle et moi. Je tenais à ce qu’elle puisse conserver le maximum d’intimité possible.
Je sais très bien que n’importe quel autre enfant de mon âge n’aurait pas fait autant pour si peu, mais les valeurs inculquées par mes mentors m’avait, pour ainsi dire, fait grandir trop vite. Je n’étais pas candide et insouciant comme ceux de mon âge. Le poids des responsabilités qui pesait sur moi comme une épée de Damoclès m’a forgé à devenir un futur roi. Il fallait donc qu’en tout temps je respecte la « bienséance ».
En y repensant bien, en une seule journée, elle avait réussi à me faire enfreindre un nombre considérable de règles que les sages avaient établi. J’avais suivi une inconnu, pénétré dans un lieu malfamé, conclu un pacte avec un pirate, projeté de cambrioler un bâtiment publique et accepter les invitations quelques peut enjôleuses de ma nouvelle camarade de route.
Mais malgré tout ça, je ne pouvais m’empêcher d’aimer cette vie faite d’imprévus et d’action. Et ce n’était que le premier jour !

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