Quand vient le temps des fleurs

Alors que Khsyn et Iris marchaient dans la forêt, celui-ci s'arrêta net. Il semblait interloqué, regardant furieusement tout autour de lui. Il se palpa les yeux sous son bandeaux... Non, ils n'étaient toujours pas là, juste cette immonde cicatrice due à la brulure passée qui l'a conduit à voir le tarot royal.

* Et pourtant... Et pourtant je vois ! Quelle est cette magie ? Comment puis-je voir alors que je n'ai pas d'yeux ? Je ne comprends pas.. *

- C'est merveilleux Iris, je revoie à nouveau ! Je ne sais comment cela à pu se produire, mais je revoie... Ah, enfin, pas exactement. Je sais que tu es là, à coté de moi, je te perçois par mes autres sens, mais ne te vois pas. La vision de ma fille m'est-elle définitivement enlevée alors que j'arrive à voir tout mon environnement ?! Je ne sais qu'en penser... Continuons.

Alors que la forêt disparaissait subtilement derrière Khsyn et Iris, intrigués par cette étrange plaine, celui-ci se retourna, perturbé. Il n'y avait plus aucun arbre, aucun buisson, aucune feuille. A la place était apparu un étrange lac reflétant les rayons presque palpables de la lune. Il semblait surnaturel, autant par sa taille, gigantesque, que par l'absence de tout mouvement d'eau. On aurait pu penser que la pire offense que l'on pourrait lui faire serait de l'effleurer... Offenser un lac ? Quelle idée saugrenue. L'eau paraissait si claire et si pure, elle en était si attirante...

Cependant, c'est la lune qui attira le plus le regard de Khsyn. Il y resta de longue minutes, des souvenirs refaisant surface à son esprit. Autant celle lune semblait apaisante et pacifique de ce coté, autant de l'autre coté du lac, il en était bien autrement. Une sorte de corruption noirâtre était en train de la ronger implacablement. Il restait encore presque une moitié encore visible. L'autre coté du lac, plongé dans cette étrange noirceur, paraissait terrifiant, même pour un vampire... Surtout pour un vampire, elle semblait l'attirer, l'appeler, constamment.

Khsyn regarda à présent le tatouage qu'il s'était fait posé sur son torse, lors de son ascension au sein des taromanciens de Denier. Cette lune gravée était en tout point identique à celle trônant dans le ciel ! Khsyn ne savait qu'en penser. Peut-être étaient-ils arrivés dans les fondements de la taromancie ? Cela paraissait peu probable, au vu de ce qu'il s'était passé. Mais qu'est-ce donc alors ?

Alors que son regard s'était de nouveau abaissé sur la plaine, un détail effleura son attention. Bien des lieux plus loin, des formes étaient en mouvements, il y en avait beaucoup. La poussière qu'ils dégageaient était impressionnante, mais malgré excellente et incongrue vue retrouvée, il ne pouvait savoir ce que ces formes étaient. En outre, la plaine était constamment balayée par un doux vent rafraichissant... Vraiment rafraichissant ! Les vampires ne sont pas censés ne plus ressentir quoi que ce soit ?

- Cet endroit est bien étrange ma chère fille, je ne sais quel mage est à l'œuvre, ni même quels sont ses intentions, mais soyons prudent, on ne sait pas ce qu'il peut nous arriver. La magie est puissante ici... Trop. En tout cas, notre errance est fini, où que nous soyons. Il nous faut comprendre s'il s'agit de l'œuvre d'un maléficien, alors nous pourrons déjouer ces plans. Si tel n'est pas le cas, alors advienne que pourra. Où souhaites-tu aller ?

Khsyn ne semblait pas savoir quoi choisir, pourtant, ce n'était pas dans ces habitudes de demander le chemin. Peut-être est-ce à cause de ces sens à nouveau retrouvés qui lui offraient, peut-être temporairement, trop de possibilités perdues ?

Mon père ne me répond pas, mais je sens bien qu'ici tout est différent. Les sons et les lueurs de ce monde ne suivent pas à la danse habituelle. Ces lieux ne sont pas moins harmonieux, au contraire. Ils suivent une logique qui leur est propre, ils ne sont pas la vie telle que la conçoit l'Origine. En voyant la foret disparaitre je sens mon cœur se serrer. Je me suis égarée, une fois de plus. Et ici, j'ignore si un musicien de la lune pourra venir me chercher pour me ramener sur le bon chemin. Pourquoi n'ai-je pas suivit le Loup quand je le pouvais ? Lui aurait su me guider quand mon père ne peut que m'entrainer dans sa folie. Mais je ne pouvais le laisser s'enliser seul dans sa souffrance. Je préfère encore tomber avec lui.

- Le monde est différent, père. Nous sommes perdus.

Je n'ai pas d'autre réponse à lui donner, et je ne suis pas surprise qu'il ai retrouver la vue. Après tout, je sais mieux que quiconque que ce qu'on crois percevoir par nos yeux n'est en fait qu'une interprétation de notre esprit. Même en percevant le monde normalement, je vois des images qui ne sont pas, alors pourquoi ne pourrait il pas voir ce qui est en se brûlant les yeux ? Pourquoi l'aurait il fait sinon ? J'ignore ce qui lui est arrivé et je ne veux pas le savoir. Je sais qu'il s'est bien plus que moi écarté de la voie, et que si je connaissais son passé, je tomberai aussi bien plus loin que je ne le suis déjà.

Comme une onde légère, comme le murmure d'une flute, la lune m'appelle. Je n'arrive pas à savoir si elle veut ma présence ou si il s'agit d'autre chose... Comme il est frustrant de se rendre compte que nous n'employons plus le même langage... Non, ce n'est pas que je ne la comprend plus, mais plutôt qu'elle n'est pas Delvïss. Une nouvelle lune, blanche mêlée de noir et pleine de secrets. Comment ai-je pu ne jamais la rencontrer ? Ne brille t-elle qu'ici ? Cet allo noirâtre qui la dévore appelle la bête... Si seulement il n'était pas, je filerais sans hésiter au dessus du lac pour danser avec l'astre. Sans le toucher cependant, il ne veux pas. Je lui offrirai simplement une danse... Je n'ose pas... Mais je ne vois pas d'autre chemin... Je ne peux pas détacher le regard de la lune...

Sans un mot, et sans même écouter les aroles de mon père, je déploie mes ailes et m'élance vers le lac. Je volte au dessus des eaux, laissant mon reflet s'y poser pour les saluer, et prends à nouveau de la hauteur. La cet astre est si grand qu'il semble possible de l'atteindre, contrairement aux autres lunes. Il flotte dans le ciel, mêlant lumière et ombre. Si le noir appelle la bête, le mélange des deux éléments m'attire. Il y a quelque chose à comprendre... Une route que cet astre voudrait me voir emprunter et que je ne parviens pas à saisir. Dansant au son d'une mélodie inconnue, je vole vers lui pour entendre ce qu'il veut me dire. J'affronterai l'ombre si il le faut, pour éveiller cette lumière. Mais les conception même de bien et de mal semblent faussées ici, alors dois-je vraiment combattre cette noirceur ?

- Dis moi...

Les yeux perdus dans le ciel, je ne m'adresse pas à mon père, mais à la lune. J'ignore même si il me suit, je sais simplement que je n'ai pas d'autre choix que de voler vers cet astre. Je veux savoir... Je veux comprendre pourquoi je suis tomber et je veux apprendre à revenir.

Invité

Une seconde de battement et la musique commença. Le lac n'était plus placide, des gouttes d'eau s'élevaient de toute part. Celles-ci commencèrent à tournoyer au grès des vents battants de la plaine. Une seconde plus tard, elles avaient rejoints Iris et souhaitaient l'engager dans une danse de rêve et de lumière. Des milliers de ces prismes reflétaient alors les couleurs argentées de la lune. Une scène se dessinait peu à peu, l'ange des ténèbres en son cœur.

Le vent se faisait à présent filaments aux milieux de cette nuée, un son commençait à en sortir, une petite mélodie, au premier abord claire et sereine, se muaient rapidement en une symphonie de tristesse et de nostalgie. La magie emplissait ces lieux, et seul ces créateurs pourraient comprendre le sens profond de cette mélopée. L'on percevait en elle une tristesse sans commune mesure, tel un être qui aurait perdu sa moitié. Également quelques harmoniques d'une douleur infinie qui faisait écho dans les êtres de non vies présents ici. Un son dominant, au premier abord caché, commencait à se faire percevoir, timide dans un premier temps, celui-ci nourrissait un espoir infini que nul ne saurait contenter.

Mais alors que la musique s'intensifiait, prenant Iris de plus en plus profondément, pouvant réveiller en elle des échos de son passé perdu, un écho disgracieux commençait à infecter l'air onirique, elle était allé trop loin vers la lune, elle se rapprochait des effluves noirâtres de la corruption. Une sourde musique commençait alors à parasiter la mélopée envoutante, celle-ci était beaucoup plus rude, beaucoup plus froide. Elle donnait une impression de peur universelle et inexorable. Il était évidement que cela ne s'arrêterait pas là, si Iris montait plus haut, peut être découvrirait-elle la raison de tout cela, ou bien en perdrait-elle la raison ?

Khsyn ne pouvait percevoir sa fille, mais il sut que celle-ci c'était envolée. Où est une bonne question, en cet étrange environnement. Quelques réflexions plus loin, il commença à constater la lente ascension du lac, puis son emballement. La musique a commencé, il a reconnaissait. Il l'avait déjà entendu, il l'avait déjà composé. Dans les ténèbres de sa domination du Denier, il avait joué avec ces Arcanes en les chantants, en les appelant par cette musique là, dont la lune l'avait inspiré. Il ne se rappelait plus bien de ce qui s'était passé ensuite, ni même quels avaient était ses buts en la composant, mais une chose est sûre dans son esprit à présent, tout cela n'arrive pas par hasard, trop de coïncidences arrivent.

Étant toujours sur la terre, il pouvait à présent percevoir sa fille, non pas directement, mais grâce aux milliers de fines gouttelettes qui enveloppaient délicatement. La vision éphémère s'en est allé rapidement, alors que sa fille montait encore et toujours plus haut. Khsyn ne pouvait plus entendre la musique, elle était trop loin, mais alors que celle-ci s'éteignait, une voix forte apparu dans le lac, le faisant vibrer.

- Voici mon cadeau, Ô prince de lumière. Mon devoir est désormais accomplit. Sache cependant que je guide les âmes perdues qu'au clair de lune. Le chemin au plus profond des ténèbres n'est pas de mon ressort.

La voix s'est alors tue. Quelle bien étranges paroles, il est vrai, maintenant qu'il y pensait, que Khsyn ne savait toujours pas ce qui l'avait par le passé poussé à s'attribuer le titre de Prince du soleil, et ainsi d'apparaitre sur la carte du même nom. Il était également ignorant du pourquoi de son tatouage sur le torse.

* Pourquoi y-a-t-il autant de zones d'ombres dans mon passé ? Pourquoi je ne me rappelle de rien ? Quel est l'être qui a bien pu m'ôter autant de souvenir, il doit être d'une cruauté sans faille... Peut-être s'agit-il de moi-même ? Je ne sais. *

Khsyn commençait à perdre de vue sa fille, il hésitait, il souhaitait la rejoindre, mais il se sentait attiré également par les plaines. Comme si une force extérieure le poussait à vouloir savoir ce qu'il y avait par delà ces plaines infinies... Et ces formes mouvantes dont il ne perçoit pas encore la nature, qu'elles-son-elles ?

C'est sur ces paroles que Khsyn resta au bord du lac, assit, les pieds dans l'eau qu'il trouvait agréablement fraiche, à regarder son environnement, une nouvelle émotion perdue depuis longtemps apparaissant sur son visage. Celle de l'émerveillement.

Je tourbillonne au milieux des gouttelettes. Ce monde a beau être différent, il danse tout autant et un léger sourire fleurit sur mes lèvres. La lune est si proche... Je l'entends murmurer sa complainte. Ce n'est plus la douce mélopée que j'entendais tout à l'heure, mais un requiem emplit de nostalgie. Un murmure de très lointain, très sombre, inquiétant, effrayant. Je m'arrête à mi-chemin, battant très lentement des ailes pour rester à la même hauteur. Je ne sais plus si je veux vraiment m'approcher. Quelque chose en moi me souffle que je devrais tôt ou tard passer cette étape, mais je tremble de devoir m'engager seule dans les ténèbres. Peut être est-ce simplement le souvenir des paroles du Loup ? Il disait qu'il nous fallait traverser l'obscurité pour avoir une chance de revoir la lumière. Mais il n'est plus là. J'ai froid... Cette sensation en est presque agréable, tant il y a longtemps que je n'avais presque plus rien ressentit. Ce n'est pas une impression née d'un souvenir, je perçois vraiment un souffle glacé qui s'insinue dans mon corps... Comme si j'étais revenue à la vie. Surprise, je détache mon regard de la lune pour observer l'ombre. J'ai peur. Je me laisse retomber vers le lac.

- Père... Quels sont ces ténèbres ?

Il est devant moi, les pieds dans l'eau. Je n'ose pas encore imposer ma présence à cette élément qui a choisit de danser avec moi. Les perle d'eau tournoient, toujours plus nombreuses, comme pour me retenir et m'inciter à reprendre ma danse. Ici, la mélodie est tellement plus douce, l'existence tellement plus agréable. Avant même qu'il n'ai répondu, si tant est qu'il puisse trouver une réponse, je reprend ma valse au rythme des murmures du lac. Les ténèbres sont bien plus loin tout à coup et je ne veux plus vraiment m'y rendre. Je me sens presque à ma place ici, dans ces lieux où rien ne répond vraiment à la définition que l'Ôrigine a donné de la vie. Il y avait si longtemps...

Après quelques pas et cascades les yeux clos, sans jamais heurter la surface du lac, je laisse mon regard errer au loin. Il y a des formes mouvantes indéfinies, mais qui susceptible de m'attirer. N'ai-je pas tout ce que je pourrais souhaiter, dansant sous la lune ? Non... Il me manque la paix et je ne la trouverais qu'en réussissant là ou j'ai échouer quand je suivais le Loup. Je m'immobilise au dessus de l'eau et lance un nouveau regard angoissé à l'ombre. La danse des gouttelettes s'atténue, comme si elle percevait mon hésitation. Je reste ainsi au dessus des eaux un long moment avant de me tourner vers mon père.

- Je dois y aller. Ce n'est pas mon souhait, mais la voie que je dois suivre. Pour me retrouver... Père, viendras tu avec moi ? Je sais que l'obscurité n'a rien d'attirant, je sais qu'elle éveille la bête, mais je pense que la traverser et le seul moyen de contrôler le mal qui nous ronge. Je veux retrouver ma liberté, même si mon chemin doit pour ce être perclus de souffrances.

Je soupire et lance un dernier regard derrière lui. Je n'ai aucun regret, de ce coté rien ne m'appelle. Si je ne pars pas maintenant, je n'en trouverai plus la force... Je ne veux pas rester la créature entre deux états que je suis. Ni vie, ni mort, ni rien... Je ne suis que sang et souvenirs. Au fond de moi, il n'y a pas d'âme, mais une bête meurtrière que je ne pourrai pas contenir éternellement. Si je ne suis pas ce chemin, si je trahis ma promesse au musicien de la lune, la bête finira par me dominer. Je ne veux pas en arriver là, jamais...

- Je ne veux pas te forcer à prendre cette route car je sens que j'ai bien peu de chances d'en revenir, mais je dois partir maintenant. Que souhaites tu faire ?

Je ne peux m'empêcher d'espérer qu'il me suive. L'obscurité m'a toujours autant attirée qu'effrayer et je crains de succomber, une fois entourée d'ombre. Est-ce la bête qui me pousse à prendre cette route ? Y a t-elle trouvé une façon de se libérer ? En tous cas, nous n'en ressortirons pas toute les deux. Mais je ne peux me dérober à ce combat. Quelque soit son choix, je retournerai vers la lune.

» Quand vient le temps des choix...
» Quand vient le temps du lierre [Numa et un Mj]
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» Un instant hors du temps.
» Comment ça j'me blesse tous le temps ? Même pas vrai !