Le Bien.
Le Mal.
La Vie.
Même la Mort.
Tout cela n'a de prise que sur ce qui est, qui a un destin, une direction verrouillée et inchangeable, immuable. Qu'est-ce que l'éternité si tu la passe enchaîné, pris au piège dans les rouages lourds et pesants du cycle de la vie. Libère-t-en, libère-toi de ce qu'on veut que tu soit ou de ce qu'on attend de toi.
Cesse de suivre.
Commence à vivre.
La jeune femme s'envola sans difficultés, un saut prodigieux qui fendit le ciel d'azur comme une lame fend l'espace. Elle retomba en douceur sur le sable fin et noir de l'arène hurlante, telle la plume qu'un ange trop joueur aurait laissé tomber. Ils ont voulu l'enchaîner, ils ont voulu la détruire. Mais sa volonté n'est pas morte; et son corps a survécu.
Alors rien ne l'empêchera de briller, de vivre.
L'homme qui lui fait face, un guerrier brun monumental, brandit soudain sa lance d'acier sombre et bondit en avant. La combattante au cheveux flamboyant rejeta son buste en arrière avec une fluidité létale et laissa passé la lance tranchante à souhait à quelques millimètres de sa carotide, trop loin de sa carotide. Elle se mut subitement à une vitesse fantastique avant de planter son coude entre les deux dernières côtes de l'homme...
... qui bascula en arrière et s'écroula en silence sur le sable.
Les quelques milliers de spectateurs de l'arène observent alors un silence religieux, un silence surprise, un silence découverte et curiosité.
La fille n'avait pas d'armes, elle n'aurait pas dû survivre. Pourtant elle était là, souriante et fière au beau milieu d'une arène de sang et de mort. Elle était là, encore et toujours. Elle était là, libre malgré les marques de chaînes qui ceignent ses poignets et ses chevilles. Vêtue d'un pagne, reste de ses haillons, et d'une bande de tissue couvrant ses seins, elle n'a pourtant aucun problème avec le vent frigoifique qui balaye l'arène de pierre grise. Elle n'a que faire du vent car il souffle pour elle, comme un chant continu et envoûteur. Un chant épris de liberté.
- Ah ah ah, avez-vous vu la sauvageonne, avez-vous vu cette guerrière qui se croit déjà libre. Mais il en faut plus pour vous faire peur n'est-ce pas !?
Le saigneur de l'arène venait de débiter son texte en figeant un sourire contrit sur son faciès de porc, mais il ne s'attendait pas à ce qui allait se passer. Personne ne s'y attendait. La fille éclata de rire.
- Vous croyez que vous me garderez, ou que vous me tuerez. Prétentieux.
L'assistance, petrifiée, regarde la jeune femme s'approcher de la passerelle du saigneur. Elle la voie bondir. Elle la voie se saisir de l'arme même du saigneur et lui ouvrir la gorge. Sans bouger.
- Adieu, laisse échapper la combattante qui parle au vent.
La nuit l'enveloppa lorsqu'elle retrouva la liberté.