Seconde leçon

Le Souffle gris. Le lendemain de notre départ du port d'Athéïle. Bien que quelques onguents aient fait leur effets, j'étais encore endolori du phénoménale coup reçut de Ghar. Une surprise qui méritait bien son nom. Je me demandais cependant ce qui avait avait changé entre le moment où son regard était celui d'une bête et celui où la conscience était revenue. Peut-être n'était-ce qu'une sorte d'instinct animal remontant à la surface lors de la transformation avant de complètement retrouver la maîtrise de son corps ? Mais peu importais en vérité. Je ferme les yeux tandis que le vent agite mes cheveux noirs de jais. Je lève mes bras en douceur tout en prenant une lente et profonde inspiration. L'air salé de la mer. Le bruit des vagues. Le soleil sur ma peau. Le roulis désormais familier du bateau. J'étais sur le pont supérieur du navire de Lupen, Maëlys face à moi et sur tout le navire, l'équipage qui travaille sans se soucier plus que cela de nous. Ils commencent à avoir l'habitude de me voir m'entraîner avec les uns ou les autres. Pour Maëlys, j'avais hésité à nous installer dans ma cabine, suffisamment grande pour permettre un entraînement correct. Cependant, la jeune fille manquait d'assurance. Se confronter au regard des autres, pour le peu qui lui serait accordé car l'essentiel de l'équipage travaillait, n'avait rien de mauvais pour elle.

Cependant, en dix jours d'entraînements à bord de la cale étriquée de ce navire de contrebandier, nous étions parvenus à faire des progrès. C'était certes loin d'être suffisant pour se débarrasser d'un adversaire ayant une véritable expérience du combat mais face à des badauds quelconque ou un combattant trop sûr de lui, je pensais que Maëlys serait plus que capable de se défendre. J'avais bien entendu imprimé dans mon enseignement, les mouvements de mon pays. Maëlys avait originellement utilisé des gardes de combat évoquant celles utilisées par des démériens. Quoi que probablement aussi efficace que les miennes, je ne les maîtrisais pas et ne pouvais donc décemment laissé la jeune fille conserver ces postures. J'abaisse mes bras tout en expirant et rouvre les yeux. A ma ceinture, deux sabres de bois. Aussi lourds que de véritables sabres, ils n'en demeuraient pas moins ergonomiques et bien moins dangereux que de véritables lames. Je lance le premier à Maëlys. La demi douzaine de mètres d'écart entre nous deux devrait lui permettre de recevoir l'arme d'entraînement sans difficulté.

- A présent, une toute autre partie de ton entraînement commence. Jusqu'à présent, je n'ai pût t'enseigner que des techniques de combats à mains nues. Hors, une arme confère un grand avantage en combat, notamment car elle permet de se défendre plus facilement grâce à la distance qu'elle mettra entre toi et ton adversaire si ton dernier ne souhaite pas être frappé. Je marque une courte pause puis reprends. Cependant, le style martial que je m'apprête à t'enseigner est dérivé du Kenjutsu. Ce dernier à Hùbéï est un art noble que seuls les samouraïs sont autorisés à connaître et pratiquer. Il transmets donc par la même des valeurs et des rituels qui sont tout aussi importants dans l'apprentissage du combat que la maîtrise du sabre en elle-même. Reproduis simplement mes mouvements à mesure que les fait.

Je commence par positionner le bokken sur ma gauche, le tenant de façon légèrement relâchée comme si il s'agissait d'un sabre qui reposait tout simplement dans sa gaine. Je me mets ensuite à genoux, relevant légèrement le bokken pour qu'il ne touche pas le plancher de sa pointe. Puis, je pose le bokken à ma gauche avant mettre mes mains biens visibles sur mes cuisses. Il s'agissait de la position dans laquelle le maître comme les élèves se positionnaient avant de saluer. Posant mes mains jointes sur le sol, je vins les toucher de mon front et restait ainsi quelques secondes avant de me relever, toujours à genoux cependant.

- Ceci est donc la position de repos et le salut. C'est ainsi que commence tout entraînement ou rencontre avec un maître de kenjutsu. Ordinairement, le maître ne s'incline pas, à moins qu'il ne reconnaisse la ou les personnes faces à lui comme ses égals. Après cela, nous fermons les yeux une minute et gardons le silence. C'est l'instant où nous rassemblons notre concentration et nos forces pour l'entrainement à venir. C'est également le moment où l'on libère notre esprit des contraintes qui ne concernent pas le Kenjutsu.

Je ferme les yeux et prononce mentalement, comme j'ai l'habitude de le faire, une courte prière aux kamis. Beaucoup de samouraïs prenaient ce temps comme un temps de prière. C'est ce que je faisais bien qu'il s'agisse originellement d'une forme de méditation. Cependant, depuis que j'avais apprit une partie des arts Buggïns, le mot méditation avait un tout autre sens à mes yeux et j'aimais autant consacrer ce court instant à ma foi pendant que je pouvais me soucier de cette dernière. En effet, je finirai par méditer de toute manière et que alors, mon esprit bien que plus proches des kamis, ne me permettra pas la prière telle que je la conçois. Finalement je rouvre les yeux, regarde Maëlys et demande :

- Des questions avant de débuter ?

Maëlys avait laissé Lunaë avec ghar, très occupée à explorer le bateau avec Ghar, en évitant les hommes les moins patients de l'équipage de Lupen... Lunaë n'était pas sotte, elle n'avait guère envie de se faire crier dessus. La guérisseuse, quand à elle avait suivit Ryusei sur le pont, n'aimant guère ce qu'elle sentait venir... D'abord, y avait du monde sur le pont, et elle avait peur quand il y avait du monde. Ryusei s'en était peut-être aperçu, elle avait tendance, depuis hier à se "cacher", et à rester en compagnie de ghar et de Lunaë le plus souvent. Ensuite, ben... Elle était pas sure d'apprécier ce que Lupen tenait à la ceinture... Elle avait bien compris qu'ils en viendraient là. Ryusei avait essayé de la rassurer, en lui parlant d'elle ne savait plus qui, qui ne se battait qu'avec un sabre en bois pour ne pas tuer, patati patata... Mais elle voulait pas quand même, mince!

Elle faillit faire tomber l'arme que lui lança Ryusei, avant de reproduire, comme elle pouvait les mouvements de Ryusei. Cette fois, c'était pas tellement sa timidité qu'une certaine fierté, et une éducation bien différente de ce que lui montrait Ryusei qui la mettait mal à l'aise. Ryusei appelait sa respect. On lui avait nommé ça comme soumission, et elle n'aimait pas ça. Enfin, d'une manière générale elle n'aimait pas dépendre des gens, alors... Elle était certes pas très forte, ni très douée, mais elle avait sa fierté mince! Bien pour ça qu'elle avait demandé à Nildia et Ryusei si elle pouvait se rendre utile avec ses compétences de guérisseuse, d'ailleurs... Parce que c'était son genre, certes. Mais aussi parce qu'elle ne voulait pas devoir quelque chose à quelqu'un nan mais oh...

Bref. La miss répéta les gestes du samouraï, les lèvres pincées, en se répétant fermement que c'était juste pas la même éducation, et en essayant de mettre au placard sa fierté. Inutile de dire que question concentration... C'était zéro. Elle n'arrivait pas à oublier qu'il y avait plein de gens autour, qu'elle se retrouvait avec une saloperie d'arme (en bois, d'accord, mais quand même) à genoux sur un bateau, et qu'elle avait beau se raisonner, ça lui restait quand même en travers de la gorge...

Des questions? Pour l'heure, elle n'avait pas de question, juste envie de dire qu'elle aimait pas ça. Sauf que ce serait se plaindre, et elle voulait pas.

"Ca vient d'où ce... cérémonial avant?"

Ptet que comprendre mieux l'aiderait à atténuer l'envie viscérale qu'elle avait de se relever, et diminuerai le rouge de ses joues...

Il n'était pas difficile de voir le mal aise de Maëlys. Et j'avais voulût que nous pousuivions notre entraînement sur le pont également pour cette raison. Le regard des autres était un autre danger de ce monde mais pas de ceux qu'on peut éviter en se cachant. Encore une fois, Maëlys avait à se battre, ce qu'elle n'avait pas l'habitude de faire et pour ma part, je ne pouvais l'aider d'avantage. Cependant si cela pouvait la mettre plus à l'aise, ou l'aider à accepter ces rituels intersèquements liés à l'apprentissage de cette discipline, je pouvais lui faire part de l'histoire qui les avait constitué. Du moins ce que j'en savais. Mon clan était mineur et j'étais donc une sorte de samouraï de campagne. Mon éducation était loin d'être aussi poussée que celles des samouraïs des clans majeurs et encore moins que celles des samouraïs qui vivent dans les cités même. Mes connaissances étaient donc emprûntées à l'histoire, teintées de mythologie et des surpestitions de mon clan bien qu'il me soit possible d'en comprendre les raisons plus pratiques.

- Longtemps avant que les armes à feu ne soient inventées, les kamis parcouraient Suménïa et guidaient des peuples entiers, leurs enseignants les valeurs de l'Origine mais aussi la force, l'honneur et le respect mutuel. On dit qu'il existait deux peuples en particulier, l'un mené par un Kami de la terre, l'autre par un kami du feu, s'affrontaient régulièrement dans des batailles sanglantes où chaque survivants devenait l'esclave du vainqueur. Mais un jour, après une bataille qui fit plus de prisonniers que de morts, le kami de la terre se rendit devant la demeure devant son adversaire.

Je me relevais alors, faisans néanmoins signe à Maëlys de rester au sol pour ça part. Je me positionnais debout, regard porté vers l'avant, main sur la poignée de mon sabre puis, reprit le récit.

- Sa peau ne souffrait d'aucune faiblesse, plus solide que le roc. Si ce n'était de sa nuque, nue et chaude pour que son épouse, kami du vent, puisse y passer sa main durant leurs etreintes. Devant la demeure de son adversaire, il se mit à genoux, veillant à ne pas blesser le sol dont il était issu de sa lame. Je reproduisuis les mouvements. Les faisant plus lentement pour qu'ils suivent le rythme de mon histoire. Puis, afin de montrer qu'il ne comptait pas combattre, il déposa la lame sur sa gauche car il était droitier, avant de poser les mains sur ses cuisses. Là, il s'inclina, étendant ses mains dans ce sol qui l'avait vu naître avant d'y appliquer son front. Ainsi, il ne pouvait pas être plus proche des siens qu'en cet instant où il s'apprêtait à rendre sa vie afin de faire libérer son peuple emprisonné.

Je marque une pause, me redressant mais toujours à genoux, mon regard planté dans celui de Maëlys. Sans sévérité pourtant, simplement la satisfaction de raconter une histoire qui me plaisait.

- La fin de cette histoire diverge ensuite selon les régions. Mais ma favorite est celle qui raconte que le Kami du feu, impressionné par le courage dont faisait preuve son adversaire pour sauver ses hommes fidèles, épargna sa vie et offrit son fils en mariage à la fille du kami de la terre pour sceller leur alliance. C'est d'ailleurs de cette union, disent certains, que serait né le Mont Flamboyant.

Peut-être aurait-elle encore des questions. Ou Peut-être souhaiterait-elle reprendre l'entraînement ? Je la laisserai seule en décider. Nous ne quitterions de toute manière pas cet endroit tant que nous ne nous serions pas entraînés comme il se devait si il fallait que je la prépare avant qu'elle ne quitte ce navire définitivement.

D'accoooooooooord... Un conte de fée, chouette... Bon, d'accord, pour Ryusei c'était probablement plus que ça, elle avait bien compris que les kamis étaient pour le samourai un équivalent des dieux, mais franchement, pour Ma¨lys, ça changeait pas grand chose. Et pis... Fallait pas être un peu con, pour penser que se sacrifier pourrait sauver le reste du monde? Tout le monde ment, et une promesse à un mort n'a que peu de valeur, vu que les absents ont toujours tort... La mine de la demoiselle était donc assez clairement dubitative, cependant elle garda ses opinions pour elle. Si Ryusei voulait croire aux "petites fées" et à "tout le monde il peut être beau et gentil", pourquoi pas... C'était un truc auquel elle se serait plus attendu de la part de Lunaë, mais chacun ses soucis... Pis elle savait qu'il était pas non plus aussi crédule que la fillette qui jouait à "a quoi ressemble ce nuage?" un peu plus loin... Fallait pas exagérer.

Ryusei reproduisit les mouvements en les expliquant, et c'est vrai que l'histoire accompagnait bien les mouvements. Après qui de la légende ou du mouvement avait pu exister en premier... En fait, on s'en fiche... Quand Ryusei se tut, les yeux rivés à ceux de Maëlys, la jeune guérisseuse eut une légère moue, avant de sourire.

"Je crois que je ne comprendrais jamais vraiment ta culture. C'est... trop bizarre pour moi."

D'un autre coté, elle était pas forcément moins bizarre, alors...

"On y va?"

Il était EVIDENT qu'elle n'y mettait aucun enthousiasme. Mais elle était réaliste: Vu qu'elle ne parviendrait pas à éviter l'entrainement en posant des questions... Plus vite ce serait commencé plus vite ce serait fini... Ce qui ne l'empêchait pas de considérer l'arme avec une répugnance assez évidente...

L'esprit de Maëlys était fermé. Bien plus que je ne l'avais crû lorsque nous nous trouvions sur le champs de bataille de Fentaeris. Peut-être était-ce parce qu'elle se retrouvrait confronté à l'inconnu alors que à Déméria, c'était moi qui était plongé dans une culture étrangère ? Enfin la guerre est la même partout aussi, je devais surement être moins confus que ne l'était à présent Maêlys mais je demeurais perplexe. Si elle ne s'ouvrait pas d'avantage, peu importe mes efforts, je ne pourrais rien lui enseigner de concret. Après plusieurs essais, elle avait fait montre de moins de timidité dans ses attaques à mains nues mais je doutais de jamais pouvoir lui faire comprendre l'essence de ces arts, quand bien même les kamis m'auraient donnés pour accomplir cette tâche, une décennie ou deux. Mais je ne perdais pas espoir qu'elle apprenne à se défendre, au moins jusqu'à ce qu'elle puisse ouvrir son esprit à un maître qui lui enseignera plus en profondeur la défense de soit et des autres. Mais pour l'instant, j'en prenais la responsabilité. Maëlys demanda si nous allions commencer, alors je commence.

Je levait le sabre, ma main droite proche de la lame, destinée à donner la force du coup, ma main gauche près de la paumme de la garde, destinée à apporter la précision. Ma lame de bois représentait un milieu rigoureusement droit de mon être, la pointe étant pointée de manière à ce que, si maëlys s'avançait trop, elle toucherait le haut de son torse. Mais entre-nous, je mettais une distance d'un peu plus de trois mètres, nous donnant largement l'espace de pratiquer les prémices de cet art. Je levais les bras de manière à incliner le sabre bien au-dessus de ma tête, mes mains positionnées au-dessus de mon front. Puis, je gardais ma position jusqu'à ce que Maëlys la reproduise.

Spoiler:

http://www.kendo.org.uk/images/RAFKendo/image003.jpg[/spoiler[/url]]

Une fois mon apprentie en position, je déclarais :

- Je vais avancer et reculer en gardant tout d'abords le sabre dans la même position. Mes mouvements vont progressivement s'accèlérer et la difficulté de l'exercice sera de maintenir la coordination de tes pieds tout en gardant ta lame droite et prête à frapper.

Il pourrait également être difficile de garder cette position pour les bras du aux efforts que cela demandait sur le long terme. Cependant, il était inutile de lui préciser une difficulté supplémentaire, cela ne ferait qu'aggresser sa confiance en elle déjà fragile. Et peut-être sentirait-elle moins ses courbatures ce soir si elle venait à ignorer qu'elle pouvait en avoir dans les bras par cet exercice. Toujours est-il que j'entamais le mouvement. Lentement tout d'abords, puis accélérant progressivement. C'était un excellent travail d'entraînement pour n'importe quel utilisateur du sabre, la coordination entre les différents étant un élément essentiel du combat et l'un des piliers qui constituaient les techniques que j'avais développée grâce à mon apprentissage du kenjutsu et des techniques du Dojo du Loup. Et alors que nous avions débutés l'exercice depuis plusieurs minutes déjà, mes muscles chauffant peu à peu, même au niveau des bras, je décidai qu'il était temps d'ajouter de l'imprévu. Resserant ma prise sur mon bokken, je l'abaissais en m'écriant :

- MEN !

Appriori, dans la position actuelle, je frapperai les doigts. Cependant, Maëlys pouvait absolument me contrer, baisser son sabre pour épargner ses doigts, parer mon attaque ou esquiver. Toujours est-il que contrairement à ce que mon cri indiquait, je ne toucherai pas la tête, ayant la parfaite maîtrise de mon arme. Je me contenterai de m'arrêter à quelques centimètres des premiers cheveux de Maëlys.

» Première leçon