L'odeur de l'encens planait encore dans la pièce. Les yeux encore clos mais une douleur lancinante dans les bras, je pris une profonde inspiration pour tenter de repousser la souffrance. En vain. J'ouvre les yeux et découvre une nouvelle fois un toit de bois. Cela faisait peu de temps que je dormais entre quatre murs, avec un vrai toit et un vrai sol. Même si le pont d'un navire roulant à la mesure des vagues n'est pas toujours considéré comme un véritable sol. J'étais donc plus habitué à trouver en face de moi au réveil, les frondaisons des arbres qui bordent le Ming-Chè, un tapis de végétation ou des animaux curieux. Ce genre de réveil n'est pas toujours agréable mais cela à été si longtemps ma vie que j'éprouvais chaque fois une sensation curieuse. Un mélange de surprise et de dépit à me réveiller dans une chambre. Je me demandais si la nuit prochaine, si le temps était clair, je ne pourrais pas trouver un coin pas trop exposé au vent où je puisse m'installer ? Pouvoir contempler les étoiles et la lune avant de s'endormir et sentir l'air frais en se levant.
Un fin sourire apparût sur mes lèvres. Pas un sourire sinistre, pas un sourire absent, pas un sourire sanguinaire. Juste un sourire à l'idée d'une nuit à la belle étoile. Je me redresse alors et tends la main sur ma droite où je saisis les deux lames toujours dans leurs fourreau puis sors du lit et ouvre la porte. Le ciel est beau et le soleil n'est pas encore trop haut. Les fourreau toujours dans la main droite, je passe mon coude derrière la tête tandis que la main gauche viens appuyer dessus. Je force un peu et les articulations de mon bras ainsi qu'une partie de mes cervicales craquent dans un bruit qui aurait pût en dégouté plus d'un mais qui me paraissait familier voir même agréable. Échangeant la position des deux armes, je répète la manœuvre avec mon second bras. Puis je secoue un peu la tête, laissant mes long cheveux noirs se balancer dans le même mouvement, je termine ainsi de réveiller les muscles et articulations de mon cou.
Une arme dans chaque main, mon regard se porte vers la proue, vers l'horizon. Il n'y à qu'une partie de l'équipage qui effectue le premier quart après le levé du soleil. Peut-être que certains se joindront à moi. Ils l'avaient déjà fait pendant le trajet à destination de Déméria. M'installant sur le pont supérieur, dos au soleil, j'entame ce rituel. Cet entraînement matinal qui mélange kata au sabre et techniques martiales. Un aperçu du style de combat du Loup. J'effectue cette série d'exercice pendant presque une heure. Ils ne demandent pas un très grand effort mais sont tels une danse, les mouvements sont complexes et précis, ils demandent une grande concentration. C'est une forme de méditation, quoi que plus active que celle que j'ai l'habitude de pratiquer pour éliminer les douleurs. Mais aujourd'hui la douleur est diffuse et ce réveil me permet de les oublier. Elle est toujours là, juste mise de côté.
Tournant à nouveau le regard vers l'Horizon j'aperçois Lupen sous sa forme d'homme loup, assis sur la proue, au-dessus de l'écume fendue par la coque du navire. Je reste ainsi plusieurs instant à le fixer, me demandant ce que le vieux loup pouvait bien voir à l'horizon, je savais que c'était quelque chose que je ne pouvais appréhender a moins d'hériter de ses souvenirs.