A l'œil de chat

Dans le quartier Sud de la ville Lunaire, un quartier regroupant de nombreux artisans toute catégorie confondues, à forte majorité des elfes lunaire, se trouvait une petite boutique d'un artisan, perdu parmi ses confrères. Essayant tant bien que mal de ressortir de la marée marchande, la petite échoppe présentait, sur son enseigne, le symbole du travail du cuir, la peau tannée, laquelle était marquée en son centre d'un œil de chat. Sur cette enseigne apparaissait aussi le nom de la boutique: "A l'œil de chat". Par la porte ouvragée - comme tout dans cette ville - filtrait l'odeur caractéristique du cuir travaillé, omniprésente dans la boutique même.
A peine le seuil franchi, le regard se posait sur diverses objets en cuir, ou même sur des peaux, plus rares, identifiable entre toutes par un œil averti, certaines plus belles, d'autres plus résistantes. De la classique ceinture de cuir au coffret ouvragé, en passant par des armures légères classiques, la boutique proposait un certain choix.
Dans un coin de la boutique se trouvait une porte menant vers l'atelier de l'artisan. Si le demi kerran, l'artisan précédemment mentionné, n'était pas dans la boutique, en dehors de ses voyages, il se trouvait généralement dans son atelier, son antre, et laissait libre court à son art.
Cela faisait plusieurs jours que le sang-mélé était rentré de son voyage, et qu'il prenait du repos en répondant à des commandes de clients.

Silence Noctâme se glissa sans un bruit entre les tours et les bâtiments de la ville lunaire en savourant l'obscurité quasi-totale qui y régnait. La ville était somptueuse, simplement magnifique, un entrelac immuable d'argent et d'ombre, comme si le peu de lumière qui existait une fois le jour evincé avait été figée pour l'éternité. La nuit était belle et les étoiles vivaient, scintillantes, au-dessus de cette cité qui semblait avoir été construite dans l'unique but d'être, à la nuit tombée, le reflet merveilleux du firmament.
Le vampire avait élu domicile dans la Forêt des Brumes Argentées il y a de cela quelques jours, alors qu'il rentrait d'une mission à bord d'un navire marchand qu'il devait protéger. Le lieu lui convenait parfaitement étant donné les ténèbres permanentes qui dormaient sous la canopée des arbres.
Il avait chassé trois fois depuis.
Un fois, il s'agissait d'un voyageur qui avait eu la malchance de choisir cette fois-ci pour traverser la forêt, mais que Silence n'avait pas achevé. L'Elfe s'était réveillé quelques heures plus tard avec un affreux mal de crâne et avait passé son chemin sans demander son reste, pourtant conscient des deux traces de crocs qui le brûlaient à la base de son cou. Les deuxième et troisième fois, il s'était contenté de prélever un peu de sang sur des piliers de taverne qui avaient fini éméchés au fond d'une ruelle.

Silence déambulait à présent dans les artères de la ville elfique à la recherche d'une échoppe où il pourrait acheter un nouveau haut pour sa tenue de cuir, le sien ayant été détruit lors de l'attaque de son navire par des pillards, car il était actuellement vêtu d'une simple tunique de toile qu'il ne trouvait pas pratique du tout. Il s'était alors acquitté tranquillement de son travail de mercenaire, remerciant la prévisibilité des bandits qui avaient lancés l'assaut de nuit. Mais il devait aussi acheter de nouvelles armes de jet, les siennes ayant également disparue dans la bataille. Quelques minutes plus tôt, il s'était renseigné auprès d'un aubetgiste qui lui avait indiqué le chemin d'un armurier sans tenir compte de l'heure tardive, même pour quelqu'un comme lui.
Le tavernier lui avait aussi soufflé que celui qui tenait l'échoppe était étrange, qu'il n'était pas tout à fait un Elfe. Silence avait failli éclater de rire en songeant que lui-même n'était plus Elfe depuis longtemps et que l'homme ne semblait pas l'avoir remarqué, mais s'abstint et passa sa route, sachant parfaitement que l'homme l'aurait oublié dans quelques minutes. Arrivé devant la porte de la boutique du sang-mêlé, le vampire sentit l'odeur du cuir assaillir ses narines mais n'y fit pas attention. Il se concentrait plutôt sur l'odeur d'animal qui accompagnait celle du cuir.
Il frappa trois coups à la porte attendant que quelqu'un vienne lui ouvrir malgré l'heure.

Au sein de son atelier,
travaillait un sang-mêlé.
Il avait toujours la main vive,
et ce malgré l'heure tardive.

À partir d'une peau difforme,
une bourse ouvragée prenait forme.
Au plus profond de la nuit,
le cuir prenait vie.

Un coup de vent passa,
les passants frissonnèrent,
le temps se figea,
tandis que trois coups sonnèrent.

Le semi-kerran s'arrêta,
et prêta attention,
curieux de cette interruption,
vers la porte il se dirigea.

En ouvrant la porte, l'artisan s'enquit de l'identité de son visiteur, ainsi que de la raison de cette visite:

- Bien le bonsoir, Dilkayen F'suliot à votre service. Puis-je connaitre votre nom? De plus, quelle est donc le motif de votre visite, en cette heure avancée?

En apprenant que son visiteur était un client, Dilkayen fit alors entrer l'elfe dans son échoppe, pour discuter plus à l'aise de cette commande. Il proposa à celui-ci de s'assoir à l'endroit qui lui convenait, celle-ci contenant des poufs divers.

- Allez-y, prenez votre aise. Et bien, dites-m'en plus. Que désirez-vous plus précisément? Des spécificités particulière à ajouter sur une base classique? Un motif particulier qui vous tienne à cœur? Allez-y, je vous écoute.

Le semi-kerran porta alors son attention sur la réponse du visiteur.

Spoiler:

Edit: Couleur

Le vampire fut tout de suite séduit par la personnalité simple et sans-gêne du demi-kerran qui commença à questionner Silence à propos du motif de sa vivite et du pourquoi de l'heure avancée.
Le vampire sourit à son interlocuteur, sans se formaliser du fait qu'il était encore sur le pas de la porte, et lui dit en riant à moitié:

- Si je suis venu vous voir à une telle heure de la nuit, c'est parce que j'ai quelques difficultés à me déplacer de jour. Aussi ai-je fait bien attention à choisir l'un des seuls armurier qui serait encore ouvert aux alentours de minuit. On m'a dit que vous étiez habile de vos mains et que votre travail était de qualité, je me suis donc mit en route sans tarder car je n'ai pas prévu de m'attarder ici trop longtemps.

Silence laissa passer un instant, se souvenant avec nostalgie de la première fois qu'il était rentré dans une telle armurerie. Il était alors vampir depuis quelques mois et son mentor, Elenn Noctâme, lui avait offert une tenue plus propice au combat car elle avait prévu de lui enseigné le combat en utilisant ses prodigieuses capacités de vampire. S'arrachant à la toile de sa mémoire, Silence reporta son attention sur son vis-à-vis et continua:

- Je chercherai un haut, une armure légère de cuir, et si possible de métal, qui pourrait accueillir un certain nombre d'armes de taille réduite. Des petites attaches pour des lames de jet jusqu'à quelques fourreaux pour des poignards qui ne dépasseraient pas le nombre de cinq. Je suis mercenaire voyez-vous, et je préfèrerai que le côté pratique l'emporte sur le côté esthétique, ajouta-t-il avec un éclat malicieux dans le regard. Pensez vous que ce soit possible ?

Dans la boutique encore éclairée en cette heure tardive, Dilkayen écouta attentivement son interlocuteur assez atypique, un peu étonné, voire irrité de n'avoir toujours aucune idée de comment s'adresser à son client, toutefois il ne laissa guère transparaître ses pensées sur son visage.

- Je chercherai un haut, une armure légère de cuir, et si possible de métal, qui pourrait accueillir un certain nombre d'armes de taille réduite. Des petites attaches pour des lames de jet jusqu'à quelques fourreaux pour des poignards qui ne dépasseraient pas le nombre de cinq. Je suis mercenaire voyez-vous, et je préfèrerai que le côté pratique l'emporte sur le côté esthétique, ajouta-t-il avec un éclat malicieux dans le regard. Pensez vous que ce soit possible ?

- Pour votre recherche d'un buste d'armure en cuir, vous êtes dans la bonne boutique, je puis vous confectionner une armure qui peut même rivaliser avec certaines armures de métal, suivant le budget que vous pouvez y accorder, et donc la qualité du cuir. Il est bien possible d'ajouter des poches de stockages divers et fourreaux, toutefois, sans plus de précision, je ne pourrais savoir où les placer, pour satisfaire au mieux votre recherche.

À ce moment là, le sang-mêlé sortit un petit carnet relié en cuir, où il commença à griffonner quelques notes avec une plume se trouvant à proximité, sur une tablette, accompagnée d'un flacon d'encre. Il recommença alors à s'adresser à son vis-à-vis:

- Premièrement, il me faudra deux renseignements des plus utiles, à savoir quelle somme vous êtes prêt à dépenser pour votre armure, ainsi que le délai que vous me laissez pour le travail, sachant que cela conditionnera la possibilité de faire du travail sur mesure, ainsi que la qualité du cuir principalement. Ensuite, je devrais prendre vos mensurations, si toutefois votre budget permet de faire faire une armure sur mesure. Enfin, nous discuterons à propos des détails techniques, à savoir la position des différentes poches que vous désirez, leur dimension, ou même la teinte de l'armure.

L'artisan écouta alors son visiteur, prenant des notes sur son carnet lorsque quelque chose d'important était dit. Son visage n'affichait que de la passion pour son art, et rien de ce qu'il pouvait penser de son visiteur ne transparaissait sur celui-ci.

Silence prit le temps de réfléchir, il ne savait pas tellement combien il pourrait être amené à mettre dans son achat, mais il savait enr evanche que ce qu'il avait avec lui était largement suffisant pour ce qu'il demandait. En déposant sur la table les deux pièces d'or qui étaient les seules économies qui lui restaient, il dit au Kerran:

- Je pense que c'est bien suffisant pour ce que je demande non ? En ce qui concerne le temps que je vous laisse pour la réalisation de ma commande, ne vous inquiétez pas. Je ne compte certes pas rester ici pour le restant de mes jours mais je peux sans problème attendre que vous ayez fini. Pour les poches, nous verrons certes une fois les mensurations prises, mais je pense qu'un fourreau sous chaque aisselle ainsi qu'une poche sur la hanche pour les armes de jet ne vous poserons aucun problème cher ami.

Le vampire prit un moment pour observer le sang-mêlé qui, devenu sa plume, prenait un grand nombre de notes sur son cahier en même temps que Silence donnait ses précisions. Voir quelqu'un d'autant investi dans son travail n'était pas chose courante et Celui-Qui-Marche-La-Nuit s'en réjouit, comprenant qu'il avait déniché là quelqu'un qui serait à la hauteur de ce qu'on lui demandait. Le vampire ajouta bientôt:

- Et pour la qualité, quelque chose d'assez solide me conviendra parfaitement, mais si vous pouviez choisir la matière de bonne qualité la plus sombre possible s'il vous plaît.

Dilkayen prit de nouvelles notes.

Silence fut quelque peu désppointé par la demande de son homologue mais, au grand étonnement de celui-ci, il éclata finalement d'un rire clair et joyeux. Ilse reprit toutefois très vite et tourna vers le sang-mêlé un regard où brillait à la fois la déception et l'amusement. Il finit par annoncer à l'Elfe d'un ton doux:

- Excusez-moi, j'ai quelque temps été coupé de la réalité financière du monde et je ne pensais plus à ce que pouvait représenter une demande comme celle que j'ai formulée. A la vérité, je n'ai plus acheté grand chose depuis plusieurs années, et je ne me doutais pas que l'or représenterait si peu.

Il s'interrompit et sembla réfléchir pendant quelques secondes, puis il s'adressa au Kerran comme si il n'y avait pas eu de débat sur le sujet précédemment.

- Je ne me souciais de la qualité que par pur envie de ne pas passer mon temps à racheter des pièces d'armure, mais un buste de cuir simple suffira, même s'il n'est pas prit sur mesure. J'en trouverai, je pense, un qui m'aille à peu près dans votre étalage, mais je vous demanderais simplement de me trouver un pièce qui ne soit pas trop claire. Si vous pouviez également rajouter un seul fourreau au bas du dos pour la lame que voici, je vous en serais reconnaissant.

Joignant le geste à la parole, Silence tira de son sac un poignard aiguisé à l'extrême de près d'un pied de long et le présenta, manche en avant, à l'artisan qui, le vampire l'expérait, accèderait à sa requête.

Silence fut heureux de constater qu'il avait affaire à quelqu'un de passionné et qui connaissait son métier. L'efficacité dont faisait montre le kerran ainsi que l'oeil critique qu'il posait sur tout, qu'il s'agisse du vampire ou bien d'une pièce de cuir, achevèrent de l'assurer qu'il n'avait pas là affaire à un incompétent et que les deux pièces d'or qu'il s'apprêtait à dépenser n'étaient pas inutiles. Retouvant ses habitudes muettes ou tout du moins silencieuses, le membre de la suite des Noctâme regardait l'elfe-kerran s'affairer avec une admiration non-feinte dans les yeux.
Il eut une grimace de déception lorsqu'il vit l'armurier s'approcher avec, dans les mains, une pièce de cuir claire, mais qu'il devinait lui aller tout de même assez bien.

- Pourriez-vous essayer cette pièce et me donner vos impressions quand à la taille de celle-ci, je vous prie?

Le vampire se saisit du buste et s'en vêtit rapidement pour ne pas faire patienter l'artisan qu'il venait déjà de déranger au beau milieu de la nuit. Il eut le plaisir de voir le cuir s'ajuster parfaitement au niveau des épaules, mais fut déçu de constater qu'il flottait un peu sur ses côtes, rendant difficile une utilisation guerrière de l'armure légère.

- Les lanières sont-elles solides au moins ? Pour l'usage que je compte en faire, j'aimerais bien qu'elles assez longtemps pour que je puisse en racheter de nouvelles.

En attendant la réponse de l'artisan, il entreprit de les resserrer pour s'assurer de leur solidité. L'armure n'était pas d'un confortable notoire mais elle était pratique et il s'accommoderait bien de ce petit détail.

Silence prit mentalement note de ce que lui avait dit le sang-mêlé, puis se défit de l'armure de cuir et la tendit à son homologue en lui disant:

- Merci pour votre gentillesse et votre efficacité, mais pardonnez-moi encore de vous avoir dérangé à ne telle heure de la nuit. Si je repasse à la même heure dans deux nuits, cela vous va-t-il ?

Joignant le geste à la parole, le vampire fit demi-tour et, après un bref salut à l'Elfe-kerran, il ouvrit la porte et se glissa dans la nuit avec un soupire lorsqu'il retrouva la fraîcheur nocturne et la voûte étoilée qui s'étendait au-dessus de lui. Une légère brise s'éleva et balaya la ruelle, ébouriffant les cheveux immaculés de Silence qui, dans un silence total, s'évapora dans les ténèbres.
Il n'avait aucune crainte du travail qu'accomplirait le kerran car il savait qu'il serait à la hauteur des deux pièces d'or dépensées. Mais il était maintenant temps d'aller se nourrir. Cette fois-ci néanmoins, il évitera de boire le sang de soudards qu'il dérangerait au beau milieu de leur beuverie, car il gardait un assez mauvais souvenir de l'alcool qui avait, cette nuit-là, circulé dans ses veines.

L'homme est seul, agenouillé sur le seuil d'une porte, observant les étoiles et savourant la douce caresse du vent sur son visage. Il ne sent pas la masse de muscles et de puissance qui se penche sur le toit de la bâtisse, et il ne crie même pas. Il n'en a pas le temps.
Les crocs de Celui-Qui-Marche-La-Nuit pénètrent sa peau à la base du cou. Lorsqu'il se réveillera le lendemain, il ne se souviendra même pas d'avoir été attaqué, et il ne restera du repas du vampire qu'une migraine douloureuse.

Le mercenaire tandis la pièce de cuir ouvragée à l'artisan, en l'interrogeant une dernière fois:

- Merci pour votre gentillesse et votre efficacité, mais pardonnez-moi encore de vous avoir dérangé à ne telle heure de la nuit. Si je repasse à la même heure dans deux nuits, cela vous va-t-il ?

Récupérant l'armure du mercenaire, le sang-mêlé répondit à celui-ci, avant de le raccompagner devant le seuil de la boutique, non sans avoir posé la pièce sur la table, proche de la dague et du sachet.

- L'armure sera prête, en ce cas, et je pourrais me contenter d'une autre courte nuit de sommeil alors, je suppose. Dans ce cas, à dans deux nuits.

Lorsque le visiteur nocturne fut sorti de l'échoppe, Dilkayen poussa la porte doucement derrière lui, un très léger soupir lui échappant malgré lui, heureusement, la porte était alors déjà close. Il prit alors la peine de bien verrouiller celle-ci, avant de retourner vers la table, et de récupérer les trois objets regroupés sur celle-ci. Muni de ces trois éléments, il se dirigea vers la porte du fond, menant à son atelier.

L'atelier de l'artisan était une sale plus petite que la salle principale de la boutique, plus large que longue, mais munie d'un grand établi totalement dégagé, de quatre mètres de longueur, soit presque la totalité de la largeur de la salle. Au dessus de l'étendue de travail se trouvait une partie des outils du semi-kerran, les plus courants et communs, ainsi que les plus utilisés, tandis qu'en dessous se trouvait de nombreux rangements pour les outils plus spécifiques, certain de ces rangements disposant d'un loquet. Une autre porte, occupant le reste du mur du fond, sur la droite, menait vers une petite cour. Les autres murs de l'atelier, quand à eux, était principalement encombrés par des rangements divers, contenant principalement des pièces de cuir non encore travaillées et des matériaux nécessaires à leur travail, telle les lacets de cuir servant de lien, ainsi que les teintures.
Le sol de la cour était de terre battue, un petit carré vert sur le côté droit, tandis que le fond était occupé par un jardin bien structuré, contenant des plantes diverses utilisées pour la plupart dans des colorations. Au centre de cette cour se dressait un petit puits, muni d'une poulie et d'un seau attaché à une corde pour en extraire de l'eau. Sur le mur donc émergeait la porte de l'atelier, un escalier montant à l'étage, ainsi qu'une trappe menant à la cave occupait l'espace.
Le petit escalier que dévoilait la trappe était assez raide, et en bas de celui-ci, un petit couloir se trouvait, d'à peine deux mètres, avec une porte de chaque côté de celui-ci. La porte de droite semblait assez simple, menant probablement vers une cave à provision, tandis que l'autre était un peu plus lourde, et les jointures était mieux réalisée. En entrant dans la salle, on comprenait aisément pourquoi la porte était si soignée: les effluves propres au tannage et au travail du cuir brut, qu'on peu qualifier de "fortes", emplissaient la pièce. La lucarne dont provenait un peu d'air frais ne suffisait pas du tout pour clarifier l'atmosphère de la pièce. Celle-ci était légèrement plus petite que l'atelier au dessus, et différentes cuves en encombrait l'espaces, certaines disposant d'un moyen pour les chauffer, d'autres non. Une réserve de bois de chauffe se trouvait dans un coin, non loin d'un groupe de jarres assez volumineuses, et non moins pesantes.

Dilkayen entra dans l'atelier, les bras chargés, puis déposa son chargement, ainsi que son carnet, sur le plan de travail, et alla éteindre les différentes bougies de la boutique. En revenant dans l'atelier, il reprit l'armure et la teinture, laissant son carnet et la dague que son client avait laissé sur le plan de travail, avant de prendre une petite lanterne qu'il alluma sur une bougie de l'atelier. Muni de l'armure, de la teinture et de la lanterne, il sorti dans la cour et ouvrit la trappe, pour descendre au sous-sol.
Ouvrant la porte de gauche en ne fronçant que de manière infime le nez sous l'assaut des odeurs, il entra dans la salle et choisit une petite cuve, de taille suffisante pour contenir l'armure, les paroi déjà sombres de teintures précédentes. Le sang-mêlé y déposa l'armure, ajouta une dose précise de la poudre contenue dans le sachet, avant de remonter, non sans avoir laissé la lanterne de manière à éclairer suffisamment l'escalier, le couloir et la cave pour ses yeux de kerran.
Il rentra dans son atelier, rangea la teinture dans l'un des rangements muraux y étant destinés. Récupérant près de la porte de la cour une outre de cuir, il alla la remplir d'eau au puits, l'attachant rapidement à la place du seau au bout de la corde et la laissant plonger, avant de la remonter pleine.
Descendant ensuite avec peine, du fait de son chargement, à la cave, il rempli la cuve contenant l'armure d'eau de manière à immerger totalement l'armure à l'aide de l'outre, puis mélangea énergiquement le contenu de la cuve afin de bien répartir la teinture dans celle-ci. Lorsqu'il fut satisfait par la teinte sombre du bain, il se rinça rapidement les mains au dessus du bac avec le reste d'eau de l'outre puis récupéra la lanterne, avant de remonter en fermant la porte de la salle de trempe, ainsi que la trappe, derrière lui.
Il alla reposer l'outre là où il l'avait prit ainsi que la lanterne, après l'avoir éteinte, puis, content d'avoir put enfin finir ce qu'il avait de plus urgent à faire, à savoir mettre en trempe la teinture pour la nuit, il décida d'enfin s'accorder le repos que son corps lui demandait. Allant éteindre les bougies de l'atelier, il ressorti et ferma la porte de l'atelier sur la cour, avant de s'arrêter dans celle-ci.
Levant les yeux au ciel, toujours stupéfait par la beauté de la cité, surtout de nuit, il resta quelques temps à contempler les étoiles, ainsi que la lune, avant qu'il ne redescende la tête, pour finir sa soirée. Il monta alors dans sa chambre, située à l'étage, pour dormir les quelques heures qui restait pour cette nuit. Il ne restait que quatre heures avant que le soleil ne se lève, en cette période d'été, et il comptait bien en profiter pour se reposer, et probablement même déborder un peu sur les premières heures de jour.

Le lendemain, un peu plus de deux heures après le levé du jour, alors que les passants commençait à emplir correctement les rues de ce quartier de la cité lunaire, le semi-elfe se réveilla et se leva, suffisamment reposé pour attaquer cette journée. À peine un quart d'heure lui suffit pour se débarbouiller avant de se restaurer brièvement, de manière à attaquer sur le bon pied cette journée.
Après ses taches matinale, le semi-kerran descendit rapidement à la cave, non sans s'être muni d'une lanterne et sortit l'armure de sa trempe pour en apprécier le résultat. Encore trop claire, l'artisan replongea celle-ci dans le bain, qu'il agita vigoureusement, avant de remonter à sa boutique et se préparer rapidement à ouvrir celle-ci. Une fois la boutique ouverte, il se rendit dans son atelier pour commencer à confectionner le fourreau de cuir pour la dague du visiteur nocturne, en restant attentif aux bruits de la boutique, si jamais un client venait à y entrer.
La majorité de la journée fut calme, peu de clients ne rentrèrent dans sa boutique ce jour-là. Il put donc rapidement finir l'étui: une fois les mesures exactes de la lame prise, il choisit un pan de cuir relativement petit, mais épais, qu'il testa avec le tranchant pour s'assurer que le fourreau tiendrait, et sur lequel il forma un contour régulier qu'il découpa par la suite, récupérant les chutes dans une corbeille. Une fois la forme générale découpée, il plia le cuir pour vérifier que cela convenait à l'aide de la dague. Il s'occupa ensuite de percer les trous nécessaires à l'assemblage de l'étui.
Une fois assemblé avec des cordons de cuir solidement fixés, Dilkayen descendit à la cave pour voir l'état de la teinture, ainsi que pour préparer les derniers traitement du fourreau. L'armure était alors suffisamment sombre, la couleur s'approchant de celle d'une ardoise. L'artisan la sortit alors, l'égoutta brièvement avant de la poser près de l'entrée du caveau. Il s'occupa ensuite de rassembler rapidement ce dont il aurait besoin pour finir l'étui, avant de remonter avec l'armure pour la mettre à sécher dans la cour.
Allant vérifier que personne n'était entré en son absence dans la boutique, de manière à ne pas laisser trop longtemps attendre un client potentiel, il remarqua que le passage dans la rue se faisait déclinant, annonciateur de la fin de journée. Le soleil était encore assez haut, saison d'été oblige, c'est pourquoi le sang-mêlé n'avait pas trop remarqué que le temps était passé aussi rapidement. Il resta alors disponible dans la boutique jusqu'à une heure classique de fermeture d'échoppe. De menus travaux l'attendaient encore pour la soirée, c'est pourquoi Dilkayen alla prestement dîner, pour pouvoir reprendre ceux-ci au plus tôt. Après s'être rassasié, il s'attaqua aux traitements de l'étui, durcissement du cuir puis mise en trempe de teinture, avant d'aller se coucher, assez tôt ce jour là, non sans avoir rentré l'armure pas encore tout à fait sèche.

Le deuxième jour, la journée fut plus chargée en clientèle, bien que principalement pour des objets courants, bourse de cuir ou objet d'ornement, mais Dilkayen put tout de même finir ses tâches pour le visiteur nocturne, l'armure et le fourreau, tout deux teintés en sombre, ajustés au mieux avec les mensuration notées, était prêts et bien rangés dans la boutique, lorsque le soir venu, le mercenaire devait venir à nouveau. L'artisan était prêt à l'accueillir, non sans précautions, le sabre du sang-mêlé étant alors à portée de main, sans non plus être ostensiblement visible. On est jamais trop prudent avec les rôdeurs nocturnes. Surtout ceux dotés de canines aussi développée.

Spoiler:

Le vampire en Silence réclamait du sang depuis deux nuits qu'il ne s'était pas nourri, et Celui-Qui-Marche-La-Nuit n'avait plus envie de la contredire. Il avait faim. En déambulant dans les rues de la ville lunaire, il eut soudain envie de profiter du repas pour s'entraîner car cela faisait trois jours qu'il ne s'était pas véritabelement battu car il avait passé son temps à dormir le jour et à explorer la forêt durant la nuit. Il se souvint qu'il avait, il y a deux nuits de cela, repéré le bureau des impôts où se relayaient deux gardes en continu.
Silence s'y rendit et, à sa grande joie, il y avait bien un garde en faction devant la massive porte de bois du bureau.
Il bondit du toit sur lequel il se trouvait et attérit en une souple roulade, à quatre enjambées du soldat, se releva immédiatement et commença sa course droit sur le garde, ne prenant même pas la peine de tirer ses poignards. L'homme, en combattant exercé mais sans plus, soupesa sa lourde lance et l'envoya, javeline démesurée, en direction du vampire qui avait atteint une vitesse phénoménale en quelques secondes seulement.
Le mercenaire évita le trait dévastateur en se coulant sur le côté d'un souple mouvement des hanches, puis reprit sa course écrasante de puissance en direction de l'Elfe qui tira un glaive de son fourreau.
Il n'eut pas l'opportunité de s'en servir.
Déjà Silence était sur lui. La lame effilée du glaive fila vers son abdomen, mais il se glissa sous le coup de taille de son adversaire d'un mouvement imparable, imprévisible, et abattit le tranchant de sa main gauche sur la main d'épée de son opposant qui gémit en lâchant son arme. Le reste se déroula très vite.
Le vampire pivota sur ses hanches et écrasa son genoux dans les parties sensibles du garde qui s'écroula en couinant, mais n'eut pas l'occasion de se complaire dans la douleur car Silence le saisit aux épaules et lui mordit la base du cou sans attendre.
L'homme s'affaisse, inconscient. L'assaut n'a pas duré dix secondes.

Le vampire s'approcha de la porte de l'atelier et frappa quelques coups secs sur le battant de bois, en essayant de plaquer sur son visage un sourire avenant tout en cachant ses crocs anormalement grands pour ne pas effrayer son vis-à-vis.

- Excusez moi cher ami de l'heure tardvie, mais il se trouve que vous avez normalement une commande pour un visiteur nocturne en la personne de moi-même.

L'artisan était prêt à l'accueillir, non sans précautions, le sabre du sang-mêlé étant alors à portée de main, sans non plus être ostensiblement visible. On est jamais trop prudent avec les rôdeurs nocturnes. Surtout ceux dotés de canines aussi développée.

Silence ne comprenait pas ce qui, en lui, dérangeait son interlocuteur, car le vampire avait d'habitude de très bonnes relations avec les animaux grâce à son don d'empathie et savait que l'artisan était un animal. Puis il comprit et faillit sourire mais il se reprit et dit à l'armurier:

- Je suis désolé cher ami, mais je viens de me rendre compte que je ne me suis même pas présenté. Mon nom est Silence Noctâme et je me suis montré fort désobligeant à votre égard, vous qui avez dès le début de nos relations dévoilé votre identité. Veuillez-me pardonnez.

Le vampire avait vraiment envie d'avoir de bons rapports avec cet homme qu'il sentait intéressant quoique quelque peu méfiant, mais, même s'il pensait chacun des mots qu'il avait prononcé, il pensait en avoir fait un peu trop. Mais après reflexion, il s'en fichait.
Il tira les deux pièces d'or et les déposa sur la table, à côté de l'armure de cuir qu'il commença à examiner, incroyablement satisfait du travail du sang-mêlé. Il dégaina la dague, vérifiant qu'elle coulissait bien dans l'étui de cuir fabriquer par l'Elfe, puis la remit en place et se tourna vers lui avant de lâcher:

- Vous avez fait un travail magnifique, et, si ce n'était pas pour mes activités, j'aurais peur de porter cette armure pour ne pas l'endommager. Merci beaucoup de ce que vous avez fait pour moi.

Puis il se détourna pour enlever sa tunique et mettre en place la pièce de cuir. Il resserra les lanières, vérifia la position du fourreau dans le bas de son dos, puis enfouit la tunique qu'il portait dans son sac de voyage avant de dire au kerran.

- Je vous laisse donc la somme dont nous avions convenu la dernière fois, et vous remercie encore pour votre gentillesse et la promptitude de votre travail. Sur ce, bonne nuit à vous et préservez-vous.

Le vampire, sans plus de cérémonie car il doutait de pouvoir rester longtemps en ville après son altercation avec le garde, se détourna et ouvrit la porte de l'atelier.

Après avoir fait entrer le rôdeur dans la boutique, celui-ci se présenta, bien qu'un peu tard, c'était désormais futile:

- Je suis désolé cher ami, mais je viens de me rendre compte que je ne me suis même pas présenté. Mon nom est Silence Noctâme et je me suis montré fort désobligeant à votre égard, vous qui avez dès le début de nos relations dévoilé votre identité. Veuillez-me pardonnez.

- N'y prêtez attention, ce n'est pas ce qui nous occupe aujourd'hui. Voici votre armure. répondit l'artisan, n'ayant guère changé d'opinion sur son client, tout en montrant le résultat du travail.

L'elfe dénommé Silence observa l'objet de sa visite, vérifiant quelques menus détails, avant de déposer son paiement sur la table. Le sang-mêlé récupéra les deux pièces rapidement, alors que le mercenaire était occupé à détailler la pièce de cuir sombre.

- Vous avez fait un travail magnifique, et, si ce n'était pas pour mes activités, j'aurais peur de porter cette armure pour ne pas l'endommager. Merci beaucoup de ce que vous avez fait pour moi.

- J'ose penser que je n'ai fait que mon travail, avec les moyens disponibles, pour le coût convenu. Ne pas la porter serait gâcher mon travail. Après tout, ce n'est pas une pièce d'ornement, mais une pièce d'utilité.

Dilkayen regarda l'elfe se vêtir de l'armure, et apprécia l'ajustement de celle-ci. Oui, il ne s'était pas trompé, elle était désormais bien mieux adaptée au corps de son acheteur, le mieux possible pour une armure non réalisée sur mesure. Le visiteur rangea ses affaires pour partir, et l'artisan le dirigea vers la sortie, probablement un peu soulagé que l'affaire se termine. Après tout, Dilkayen avait perçu, des discussions allant bon train dans la rue, une rumeur assez persistante ces deux derniers jours, à propos d'une créature de la nuit.

- Je vous laisse donc la somme dont nous avions convenu la dernière fois, et vous remercie encore pour votre gentillesse et la promptitude de votre travail. Sur ce, bonne nuit à vous et préservez-vous.

- Je vous en prie... avait commencé à répondre le semi-kerran, mais le client était parti bien précipitamment. Avant de refermer la porte de son échoppe, Dilkayen entendit, provenant d'un quartier lointain, un murmure d'activité tardives. Que pouvait-on donc faire, en une heure si tardive, fut la pensée de l'artisan, avant de fermer enfin la porte. Enfin il allait pouvoir prendre sa nuit de sommeil. Il se faisait déjà bien tard, aussi alla-t-il se coucher, non sans avoir au préalable rangé dans son coffre les pièces d'or. Au moins n'avait-il pas totalement perdu son temps.

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