Meroir

Invité

A pieds, la hampe de son fauchard équilibrée sur une épaule et tenue d'une main, Ragna avait quitté la région de Fentaeris trois jours plus tôt en pleine nuit. Après un premier soir peu productif, elle avait accéléré la cadence les deux jours suivants, dormant tantôt dans une grange abandonnée, tantôt en pleine forêt. Elle marchait beaucoup, elle marchait vite et avec des pauses réduites; si ses foulées étaient certes plus courtes que celles d'un humain, elle n'avait rien à leur envier en terme de distance parcourue dans un laps de temps relativement court. Après tout, elle avait vécu en montagne et le coin était plutôt plat. Quant à la nourriture, Ragna avait depuis longtemps appris à poser des collets et à se déterrer les champignons et racines comestibles lorsqu'il y en avait. Sinon, elle pouvait toujours se servir en pommes de terre, en tomates ou en fruits dans les champs et vergers locaux. Les paysans n'allaient pas mourir pour quelques onces de récolte en moins.

C'est donc à l'aube du troisième jour qu'elle arriva en vue du village de Meroir, trou perdu peuplé d'humains manifestement trop faibles pour aller chasser la bête ou le détraqué qui s'en prenait à leurs enfants. Descendant un chemin sinueux de gravillons et de terre, c'est sans ralentir et sans prendre le temps d'y jeter un regard détaillé qu'elle s'en approcha. Tous les villages étaient les mêmes, de toutes manières. Il n'y avait rien à voir.

Arrivée sur la place centrale sous les regards des pécores, c'est de haut qu'elle regarda le gosse qui était assis dos au puits du village. Un survivant, probablement. Pour une fois que quelqu'un était plus petit qu'elle...

- Je viens voir Willac.

La voix était dure, le ton franc, le visage fermé. A vrai dire, on aurait vraiment pu croire qu'elle était venue pour l'assassiner.

Le village de Meroir était un patelin du Menetyr typique. Entouré de champs que les paysans cultivaient pour les seigneurs locaux, il se séparait du reste du monde par un solide mur de pierre d'environs deux-mètre cinquante de haut. Guère utile contre une véritable armée il permettait cependant de repousser la plupart des monstres ainsi que les brigands suffisamment nombreux et déterminés pour monter une attaque contre le village. L'intérieur du village s'était organisé autour d'une petit chapelle qui fût le lieu de culte de dieux différents tout au long des siècles. Les bâtiments les plus important tel que la maison du chef Willac, la forge, le silo de grain et l'écurie se trouvait tous à proximité de la chapelle et formaient un arc de cercle autour du puits du village.

Mais différents éléments indiquaient le récent troubles dans la vie des paysans de Meroir. Des barricades de bois avaient été ajoutées au mur, des lignes de pieux aux bas des murs et quatre hommes équipés avec les moyens du bords montaient la garde aux deux portes du villages située à l'Est et à l'Ouest.

Lorsque Ragna entra dans le village, les paysans locaux la défigurèrent en grand nombre. Vu son allure, c'était une guerrière certes et très probablement celle de zolt qu'ils avaient engagés mais ils s'attendaient apaprament plus à voir un chevalier du Stolenmark ou un barbare du Rorkhan plutôt qu'une naine. Aussi farouche puisse-t-elle avoir l'air, sa carrure n'était guère aussi impressionnante. Du moins d'un point de vu de paysans humains.

- Je viens voir Willac.
Le petit humain a qui s'adressa Ragna ne sut au début pas comment réagir. Il se mit alors en tête de soutenir le regard de la naine, se supposant certainement capable de battre une fille si elle cherchait la bagarre mais un homme prit la parole rapidement :

- Alors me voilà guerrière. Je suis Thomas Willac, chef du village et si vous êtes bien le mercenaire de zolt que nous attendions alors loué soit l'Origine de vous avoir envoyée si vite.

Thomas Willac était un homme relativement jeune contrairement à ce que son poste de chef aurait pût laisser croire. Dans la trentaine, il avait des épaules et une mâchoires carrées ainsi que suffisamment de muscles pour porter à bout de bras Ragna et tout son équipement sur le dos. Mais le regard d'un soldat suffisait à dire pour que ses muscles étaient ceux développés à manier la bêche et pas la hache. C'était un fermier, un solide fermier mais un fermier tout de même.

Invité

En deux pas alourdis par un équipement dont le poids devait avoisiner les quatre-vingt kilos, Ragna se retourna vers Willac. Elle posa le pommeau de sa faux de guerre au sol en un bruit mat, et le salua d'un bref signe de tête avant de fixer ses yeux dans les siens. Très bien. Qu'on en finisse rapidement : la mercenaire n'était pas du genre à vouloir faire durer le plaisir. Elle était là pour un travail, elle allait le faire, et vite.

- Je suis Ragna Guldrïl et c'est bien moi qui viens tuer votre monstre.

La voix était fière, mais pas trop, pour éviter de tomber dans la caricature. Ragna n'était tout de même pas insensible à l'héroïsme de la situation. Elle était venue, allait charcuter la saloperie dans un combat épique, manger un bout et faire la fête - c'est-à-dire boire -, raconter son histoire à un barde qui irait la répandre par monts et par vaux et tous sauraient que Ragna Guldrïl, surnommée le Dragon de Zolt - après tout, hein, elle avait un tatouage de dragon pour s'identifier en tant que membre des mercenaires de zolt, donc autant y aller carrément -, était plus féroce, plus forte et plus puissante que cent paysans et une bête infernale.

Le Dragon sentit comme un souffle d'exhaltation courir dans ses veines et sur sa peau. Ca allait le faire.

- Quand nous aurons mangé, vous rassemblerez les vingt hommes les plus solides du village qui partiront avec moi pour une nouvelle battue. Les autres resteront ici pour garder la place; les femmes, les enfants et tous ceux incapables de combattre devront rester cloîtrés dans les caves et les maisons jusqu'à notre retour.

Car oui, après un aussi long voyage, Ragna comptait bien manger un bout aux frais de la princesse avant de partir à la chasse. C'était la moindre des choses et avec un peu de chance, elle serait revenue pile à l'heure pour le repas du soir.

Thomas Willac eût un léger sourire lorsque Ragna prit la parole. Cette naine était fière et malgré sa petite taille avait l'air féroce. Elle serait probablement la plus à même afin de retrouver les enfants du village ou, que l'Origine l'en garde, les venger. Prenant par l'épaule l'homme à sa gauche, Thomas se rapprocha de son oreille et lui murmura quelques mots. L'homme hocha rapidement de la tête et fit signe à deux hommes de le suivre. Ils revinrent quelques minutes plus tard avec des tréteaux qui leurs servirent à monter une table à bonne hauteur pour Ragna après quoi ils amenèrent une chaise et enfin les victuailles. Un gros fromage, de la viande fumée et un tonnelet de bière fût donc apportés ainsi que des couverts et une chope.

- Il est vrai que votre voyage à dû vous affamer, ce sont probablement notre meilleurs nourriture et cette bière est sans aucun doute la meilleure de la région. Mangez et buvez jusqu'à satiété et dès que cela sera fait, nous serons prêt à partir. Et si vous avez besoin de quelque chose d'autre pour accomplir votre mission, nous tenterons de vous le fournir.

Et alors que la nourriture avait été installée, à part une vingtaine d'homme qui partirent s'équiper de fourche et autre outils qui pourraient leurs servir d'armes, les paysans restaient attroupés autour de Ragna, la dévisageant comme une bête curieuse.Le regard se mêlaient de curiosité, d'appréhension et d'espoir. Cette petite guerrière pouvait-elle sauver leurs enfants ? Pouvait-elle punir l'auteur des enlèvements ? Autant de questions qui trouveraient leurs réponses dans les jours ou peut-être mêmes les heures à venir.

Invité

Ragna, qui comme tous les Nains était bonne mangeuse, ne tarda pas à déposer son casque sur la table et ses armes au sol pour s'installer sur la chaise tandis que les autres se préparaient. C'est sans faire attention aux paysans qui la dévisageaient qu'elle se servit une quantité généreuse de bière, de fromage et de viande. Malgré tout, elle mangea vite alors qu'une certaine gêne, certes invisible, d'être ainsi le centre de l'attention et la seule à bouffer se développait en elle. D'un autre côté, c'étaient eux qui avaient besoin d'eux, pas l'inverse, et elle ne les obligeait pas à la regarder.

Quelques minutes de goinfrage plus tard, la mercenaire se relevait et traversait la masse paysanne sans tenter de s'y faufiler, car elle savait qu'ils se reculeraient pour la laisser passer, ce qui était la moindre des choses. Arrivée devant les vingt hommes dotés de leurs armes improvisée, elle ferma son masque en accrochant les sangles d'un côté et déposa le pommeau de son fauchard par terre en un bruit lourd qui devait attirer l'attention, tandis qu'elle les passait en revue du regard. Bientôt, une voix forte et rendue métallique par le masque résonnait sur la place.

- Vous allez me conduire aux endroits où vous avez retrouvé les membres des vôtres lors de la dernière battue et nous la recommencerons. Un homme tous les dix mètres. Chacun avance dans la même direction, personne ne perd jamais de vue le premier homme à sa droite et à sa gauche.

Elle se tourna pour regarder l'autre partie du groupe, lentement, histoire que chacun se sente concerné.

- Aujourd'hui, le village de Meroir a assez souffert. Ensemble, nous allons traquer votre monstre. Nous le retrouverons et je jure qu'avant deux jours, sa tête sera posée à cet endroit, offerte à vos dieux pour leur montrer que le peuple qui vit ici a pris sa destinée en mains, qu'il est fort, fier et digne de fouler ces terres. Aujourd'hui, la bête va payer de sa vie celles prises à vos enfants et vos frères, et chacun saura de part le Menetyr que tuer l'un des habitants de Meroir est puni de mort; qu'aucune bête n'est assez puissante ni assez fourbe pour échapper à ce châtiment ! Moi, Ragna Guldrïl, soldat des invincibles légions de Thâlun et fille de Zolt, fais le serment de ne plus trouver le repos tant que le sol de la plaine ne soit souillé du sang de notre ennemi !

Les yeux étaient aggressifs, presque fous, tandis que le ton montait, faisant preuve d'une conviction pareille à celle du dévôt et de la détermination d'un buffle en pleine course. Rien ne l'arrêterait, ni la peur, ni l'adversité, ni les crocs acérés d'une bête infernale.

Les vingts paysans étaient de solides gaillards mais ils ne faisaient pas vraiment bonne figure avec leurs bêches, leurs haches pur le bois et leurs fourches. La majorité était même effrayés, le simple souvenir des membres déchiquetés suffisait pour un homme qui n'avait jamais connu la guerre et l'horreur des combats. Mais le discours enflammé de Ragna sembla raviver la détermination des paysans, leurs yeux commençant lentement à briller de fierté à l'idée de cette réputation qu'aurait Meroir. Peut-être seraient-ils bientôt célèbre ? Voir même récompensé par un noble de la région pour leurs bravoure en arrêtant la bête ou les kidnappeurs ?!

C'est ainsi que, le corps et le cœurs réchauffés par les paroles inspirées de Ragna, à la fin du discours, les paysans levèrent leurs armes improviser et poussèrent un semblant de cri de guerre. Motivés par cette naine, ils semblaient à présent prêt à en découdre. Et alors que les éclats de voix retombaient, Thomas s'approcha de Ragna en lui souriant.

- Puissent tout les dieux vous entendre. Maintenant suivez-moi je vais vous guider. Messieurs quant à vous, suivez ses ordres. Nos vies et celles de nos enfants en dépendent surement !

Laissant de coter leurs sentiments guerriers, les paysans commencèrent donc à sortir du village sous les regards remplit d'appréhension des autres paysans et tout particulièrement de ceux et celles qui avaient déjà perdu un fils ou une fille. A la sortie du village, les hommes se placèrent tout les dix mètres environs, formant une ligne de approximativement 200 mètres puis, Thomas passant devant, ils guidèrent Ragna jusqu'à l'orée d'une forêt. Une fois sur place, Thomas montra un endroit entre deux arbres.

- C'est à cet endroit que nous avons trouvé en dernier un membre, la jambe d'un de nos hommes. Il y avait des traces de sang sur plusieurs arbres aux alentours mais la pluie à effacée le plus visible.

Invité

Ragna s'approcha des arbres, leur jetant son regard involontairement incendiaire alors qu'elle inspectait sol, écorce, et plantes à proximité. Il lui semblait évident que la proximité de la forêt ne pouvait être une coïncidence. Se redressant après ses courtes observations, elle y planta ses yeux avec méfiance, scrutant les taillis et la semi-obscurité causée par l'ombre des arbres. C'est après quelques secondes de silence qu'elle se retourna vers les hommes. Il était temps.

- Nous allons ratisser ce bois ! Même consigne que jusqu'ici. Si vous craignez de perdre vos voisins des yeux, réduisez la distance entre vous. Surveillez le sol et les plantes pour y trouver des traces de passage. Je resterai au centre de notre ligne; si vous trouvez quelque chose, criez et j'accourrai. Si vous rencontrez l'ennemi et qu'il vous surpasse, fuyez vers moi. Si vous n'en n'avez pas le temps, vendez chèrement votre peau et montrez à ce chien qui vous êtes ! En avant !

Faisant volte-face, la mercenaire s'engagea la première dans le bois, écrasant une branche morte d'un pas dont la cadence impitoyable ne montrait ni hésitation, ni peur. Elle ne doutait pas que les paysans seraient prompts à la suivre et, sa faux de guerre serrée dans ses mains solides, elle commença une progression ralentie par les ronces, taillis et autres buissons.

Les consignes et la déterminations de Ragna encouragèrent quelques peu les paysans. Resserrant leurs poignes sur leurs armes, ils s'engagèrent dans la forêt avec une certaine déterminations mais aussi une appréhension certaine. Progressant à travers les taillis et les hautes herbes qui s'étaient répandues anarchiquement entre les arbres, leurs progression étaient considérablement ralentit tout comme celle de Ragna. En effet, la plupart des obstacles se présentant à elle était plus grand d'au moins une tête et parfois plus.

Le périple à travers les bois était effrayant pour les paysans qui finirent par tous n'être espacés que de deux ou trois mètre, réduisant largement la taille du champ de recherche et de leurs peur d'être saisit par le kidnappeur de leurs enfants et que l'on ne retrouve d'eux plus qu'une jambe, un bras ou une tête. Néanmoins, les arbres de la forêt profonde portaient de nombreuses marques évoquant des griffes près du sommets mais aussi, plus près du sol, des pans entiers d'écorces avaient été arrachés. Nul humain ne semblait capable de pouvoir faire cela a mains nues bien que l'expérience de Ragna lui permettait de savoir que sa faux lui suffirait à imiter les traces griffes mais l'écorce arrachée demeurait un mystère.

Pendant les deux heures de battues qui suivirent, peu d'autre chose furent découvertes. De temps à autre, un lambeau de tissus accroché aux taillis mettait du baume au cœur des habitants de Meroir mais après avoir accélérer le pas pendant plusieurs minutes, ils finissaient par perdre espoir avant de retrouver un nouveau morceau de tissu. Jusqu'à ce que finalement il n'y ai plus de lambeaux et que le moral des paysans soient au plus bas. Ils commençaient à ralentir la cadence et râler, tant pousser par la fatigue et que la peur, ils se mettaient lentement en colère contre cette naine qui finalement n'avait pas fait beaucoup mieux que eux.

Invité

La recherche était laborieuse, longue et infructueuse, mais Ragna n'allait pas se laisser décourager aussi facilement que quelques paysans. Au fil de sa progression, il lui devint évident que quelque chose se cachait bien dans ce bois ou y passait régulièrement. Alarmé par le nombre de paysans et leur manque de discrétion, le monstre devait se planquer dans quelque terrier sombre sous leurs pieds, ou quelque caverne ou galerie qu'ils auraient manqué. Il allait falloir procéder avec plus de subtilité.

Ayant regroupé les paysans dans une clairière, la naine s'exprima à nouveau de sa voix forte.

- Rentrez chez vous et reposez-vous, je resterai ici pour la nuit. Quittez cette forêt au plus vite, mais restez sur vos gardes et ne vous dispersez pas !

A vrai dire, Ragna comptait les suivre de loin jusqu'à l'orée de la forêt, le plus discrètement possible. Elle s'attendait à ce que l'un d'eux soit à la traîne et à ce que la bête en profite. Si ce n'était pas le cas, elle retournerait vers les traces de griffes et les morceaux de tissu et attendrait que le monstre se croie suffisament fort pour la combattre en duel. Alors, elle pourrait le tuer et glorieusement ramener sa ou ses tête(s) au village. Un plan complexe, réfléchi et tout en finesse, quoi.

Les paysans se regroupèrent sans peine, la proximité aidant et aussi l'idée de se rassembler, plutôt rassurante en comparaison au fait de marcher dans un bois qui paraissait plus obscur depuis qu'une bête meurtrière semblait y vivre. D'autant que les marques laissées n'avaient rien de rassurant et qu'il semblait plus probable de retrouver des cadavres que des enfants en vie. La voix forte de la naine couvrit aisément les murmures des paysans et le silence ambiant de la forêt. Cette annonce semblait réjouir certains mais d'autre au contraire avait des mines inquiètes. Alors qu'une partie commençait à s'éloigner sans plus attendre, ne voulant pas avoir à faire plus longtemps avec cette maudite forêt, une autre partie restait face à Ragna. Ils n'étaient peut-être pas les plus solides mais ils étaient les plus déterminés, tous des hommes accomplit et dont un fils, une fille, un neveu ou une nièce avait été enlevée par la créature ou l'individu qui s'en prenait au village.

Se plantant face à Ragna, les bras croisés et son regard noisettes plongé dans celui de la naine, l'un des paysans dit alors d'une voix presque aussi forte que la guerrière :

- Et que ce que c'est qui se passera si vous mourriez ? On va attendre un autre mercenaire qui va venir pour se faire démembrer dans l'noir ?

La façon dont il parlait indiquait bien qu'il était un paysan à l'éducation de faible niveau mais ses mots n'étaient pas dénués de sens et sa voix était emplie de détermination. Les sept autres paysans qui l'accompagnaient semblaient d'accord avec ça, ils étaient prêt à mourir pour ramener leurs enfant voir même plus probablement les venger et les convaincre de partir ne se ferait pas seulement en parlant d'une voix forte.